Le ministre de la Défense rwandais refuse une convocation d'un juge antiterroriste français (avocat)

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Le ministre rwandais de la Défense, mis en examen dans l'enquête sur l'attentat de 1994 contre le président Habyarimana a refusé d'être confronté, chez le juge français, au nouveau témoin qui accuse le régime actuel, a appris vendredi l'AFP auprès de son avocat.

Le général James Kabarebe et un autre suspect rwandais ne se sont pas rendus jeudi à Paris à la convocation du juge d'instruction, a indiqué Me Bernard Maingain, leur avocat avec Me Léon-Lef Forster.

Le juge du pôle antiterroriste Jean-Marc Herbaut voulait les confronter au témoignage récent d'un de leurs anciens compagnons d'armes, qui s'est signalé en mars à la justice française.

James Munyandinda affirme avoir eu la garde au quartier général de l'ex-rébellion tutsi de deux missiles antiaériens qui ont, selon lui, servi à abattre l'avion sur ordre de son chef Paul Kagame, l'actuel président du Rwanda.

Le 6 avril 1994, l'avion de Juvénal Habyarimana, un Hutu, avait été abattu en phase d'atterrissage à Kigali par au moins un missile. Cet attentat est considéré comme le déclencheur du génocide qui fit 800.000 morts, selon l'ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi.

"Il est exclu d'envisager qu'un ministre de la Défense en exercice se rende en France pour être confronté à une personne aussi problématique", avaient écrit au juge lundi les avocats, selon le courrier publié par Jeune Afrique et dont Me Maingain a confirmé l'authenticité.

Dans cette note, les avocats disent verser au dossier des éléments démontrant "l'absence de crédibilité" du témoin, qu'ils accusent de "faux-témoignage".

"Compte tenu de ces arguments très étoffés, nous avons demandé au juge qu'il clôture enfin cette affaire", a expliqué Me Maingain à l'AFP.

- "voie de presse" -

En l'absence des deux suspects, le juge a néanmoins procédé jeudi à une nouvelle audition de James Munyandinda pendant plusieurs heures, en présence de parties civiles.

"Le témoin a répondu point par point et de manière convaincante à ces accusations de mensonge", a rapporté à l'AFP Me Philippe Meilhac, l'avocat de la veuve du président Habyarimana.

Partie civile dans cette affaire, il déplore que "les mis en cause tentent de mener les débats par voie de presse plutôt que dans le bureau du juge". L'avocat dénonce "un acte de mépris vis-à-vis de la justice française qui sonne, implicitement, comme un aveu de responsabilités".

Deux thèses s'affrontent dans cette enquête, ouverte en 1998 à Paris après la plainte des familles de l'équipage, en partie français, et qui empoisonne les relations diplomatiques entre Paris et Kigali.

La première accuse un commando des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame de s'être introduit derrière le dispositif des Forces armées rwandaises (FAR) afin d'abattre l'avion.

Elle a conduit Jean-Louis Bruguière, premier juge en charge du dossier, à mettre en examen sept membres du clan Kagame, en 2008 et 2010.

A l'inverse, une commission d'enquête rwandaise accuse les extrémistes "Hutu Power" des FAR de s'être débarrassés d'un président jugé trop modéré. Une théorie renforcée par un rapport de 2012 d'experts balisticiens qui s'étaient rendus sur place avec les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux.

Mercredi, à la veille de cette confrontation, le régime de Kagame a rendu public le rapport qu'il avait commandé au cabinet d'avocat américain Cunningham Levy Muse et qui appuie ses constantes accusations contre les autorités françaises pour leur rôle au cours du génocide.