Pérou: le pape poursuit son voyage rythmé par la polémique

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Indigènes spoliés, migrants illégaux, scandales de pédophilie au sein de l'Eglise: le pape François poursuit son voyage en Amérique latine rythmé par des sujets sensibles, avec une nouvelle étape au Pérou de trois jours.

L'avion papal a atterri à 16H32 locales (21h32 GMT) à l'aéroport de Lima, où l'attendait le président Pedro Pablo Kuczynski, a constaté l'AFP. Le Saint-Père, qui devait se rendre à la nonciature apostolique (ambassade du Vatican) dans la foulée, n'avait plus d'activité inscrite à son agenda pour jeudi.

Au cours de son voyage au Pérou (jusqu'à dimanche), le pape fera pour la première fois vendredi une incursion en Amazonie, dans le sud-est du pays, étape phare de son voyage.

Dans le petit centre économique de Puerto Maldonado, il sera accueilli par quelque 3.500 indigènes, dont certains de Bolivie et du Brésil. Preuve de l'intérêt qu'il porte aux menaces environnementales pesant sur ce poumon vert et ses habitants, parfois réduits à l'esclavage par des trafiquants, le pape a convoqué pour 2019 un synode (réunion mondiale d'évêques) consacré aux peuples d'Amazonie.

Il arrive dans un pays enfoncé dans une profonde crise, depuis la grâce accordée à Noël à l'ex-président péruvien Alberto Fujimori, condamné pour corruption et crimes contre l'humanité. Très critiqué pour cette décision, le chef de l'Etat Pedro Pablo Kuczynski, ex-banquier de Wall Street, a lui-même échappé à une destitution pour ses liens avec le géant du BTP brésilien Odebrecht.

- 'Honte' et 'douleur' -

Au cours de sa dernière étape au Chili, une messe devant 50.000 personnes sur un bandeau de sable entre mer et cordillère andine, le pape a abordé le sujet emblématique de son pontificat: la défense des migrants de la planète.

Adepte des "périphéries" au sein même des pays lointains qu'il visite, l'infatigable Argentin de 81 ans avait choisi jeudi Playa Lobito, lieu isolé à 20 km d'Iquique (1.850 km au nord de Santiago).

Venu au Chili en grande partie pour panser les plaies d'une Eglise chilienne discréditée pour son silence face à des scandales pédophiles, le pape a multiplié les déclarations de contrition, mais a finalement défendu un évêque poursuivi par les médias chiliens depuis son arrivée.

"Le jour où vous m'apportez une preuve contre l'évêque (Juan) Barros, je vous parlerai. Il n'y a pas une seule preuve contre lui. Tout est calomnie. C'est clair?", a lancé le pape, interrogé par des journalistes chiliens dès son arrivée dans la région d'Iquique, dans l'extrême nord du Chili.

Jeudi à la fin de la messe, il a embrassé ouvertement l'évêque, provoquant de nombreuses réactions sur le réseau social Twitter.

Mgr Barros, 61 ans, avait déjà concélébré les deux premières messes géantes au côté du souverain pontife, à Santiago et à Temuco (sud).

- Premier mariage dans l'avion papal -

Son omniprésence, très remarquée par les télévisions chiliennes, a fini par parasiter quelque peu les messages du pape, dont la visite a été accompagnée par des manifestations et des banderoles hostiles à l'Eglise dans ce pays en pleine sécularisation.

En janvier 2015, le pape François avait pris la décision très controversée de nommer Juan Barros à la tête du diocèse d'Osorno (sud), bien qu'il soit soupçonné d'avoir protégé le père Fernando Karadima, un ancien formateur charismatique de prêtres.

Ce dernier a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d'avoir commis des actes pédophiles dans les années 1980 et 1990. Il a été contraint à se retirer pour une vie de pénitence.

Mardi, le pape a rencontré de manière privée un petit groupe de victimes d'abus sexuels perpétrés par des prêtres, avec qui il a pleuré. Le même jour à Santiago, il a exprimé "sa honte" et sa "douleur" pour ces abus, devant les autorités civiles du pays.

Après avoir marqué sa proximité la veille aux indigènes chiliens dans le sud du pays, le pape a fini son voyage dans une région qui connait un boom d'arrivées de migrants, notamment des pays frontaliers du Pérou et de la Bolivie.

Le Saint-Père a également marié jeudi religieusement à bord de l'avion qui le transportait entre deux villes au Chili une hôtesse et un steward, une première.

Carlos Ciuffardi, 41 ans, et Paula Podest, 39 ans, étaient déjà mariés civilement depuis 2010 et ont deux enfants. Il n'avaient pas pu se marier religieusement à l'époque car l'église où la cérémonie devait avoir lieu avait été détruite dans un tremblement de terre.