Mali: crimes de guerre dans le nord en 2014 et 2015, selon l'ONU

Mali: crimes de guerre dans le nord en 2014 et 2015, selon l'ONU©Katarina Höije/IRIN
Combattants du MNLA à Djebok en mai 2014
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 Des exactions pouvant être qualifiées de crimes de guerre auraient été commises en mai 2014 et en mai 2015, dans le nord du Mali, par les groupes armés et les forces de sécurité et de défense maliennes, selon deux rapports des Nations unies publiés en décembre. Les groupes armés mis en cause rejettent ces accusations.
L'ONU publie ces rapports alors que le gouvernement malien et les mouvements armés, proches ou opposés au pouvoir de Bamako, peinent à avancer sur le chemin de la mise en application de l'accord de paix signé définitivement  en juin dernier. Fruit de longs mois de négociations conduites par l'Algérie, cet accord de paix inter-malien vise à l'établissement d'une paix durable dans le nord du pays, une région qui a connu plusieurs rébellions touarègues depuis l'indépendance, de la France, en 1960.
Publiés conjointement par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, les deux rapports se basent sur plus de 65 missions effectuées dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou et dans la capitale Bamako, afin d'interroger plus de 230 personnes, parmi lesquelles des victimes, des témoins et des protagonistes des événements de Kidal.

 
Crimes à Kidal
 

Le premier rapport documente des violations et abus des droits de l'homme et du droit international humanitaire commis entre le 16 et le 21 mai 2014 à Kidal par divers groupes armés et par les forces de défense et de sécurité maliennes.
Parmi les violations et abus commis par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l'Azawad (MAA) figurent la mort de huit personnes, dont six membres de l'administration malienne. Certaines de ces victimes auraient été exécutées sommairement.
Le rapport accuse par ailleurs ces groupes rebelles touaregs et arabes de recrutement utilisation d'enfants dans les hostilités, arrestations et détentions illégales, traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que de vols et destructions de biens.
Les Forces armées maliennes (FAMA) ont, quant à elles, selon l'ONU, utilisé des armes lourdes de façon indiscriminée dans la ville de Kidal en direction de zones habitées par des civils.
« S'ils sont qualifiés devant un tribunal compétent, ces actes pourraient constituer des crimes de guerre », précise le rapport.
Le rapport de l'ONU souligne aussi que « quasiment aucune mesure n'a été prise ou rendue publique par les autorités maliennes et les groupes armés pour identifier les auteurs des violations et abus et les tenir responsables de leurs actes. Seule une commission d'enquête a été établie par le parlement malien dont le rapport n'a pas encore été rendu public. »

 
Village de Tin Hama dans la région de Gao

 
Le deuxième rapport documente de graves violations et abus des droits de l'homme et du droit international humanitaire perpétrés les 20 et 21 mai 2015 dans le village de Tin Hama, dans la région de Gao, suite à une confrontation entre des éléments armés du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) proche du gouvernement et de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA).
Le rapport indique qu'au cours de cette attaque, des éléments du GATIA auraient sommairement exécuté six hommes, en raison de leur appartenance communautaire et de leur allégeance supposée à la CMA. Ils seraient également responsables du déplacement forcé de 230 personnes sur une base ethnique. Des éléments de la CMA seraient, quant à eux, responsables de détenir trois éléments du GATIA et de pillages.
Le rapport souligne l'inaction des membres des Forces armées maliennes (FAMA) à protéger la population, ce qui pourrait engager la responsabilité de l'État malien pour manquement à ses obligations internationales.
« Les autorités judiciaires n'ont ouvert aucune enquête au sujet des évènements de Tin Hama », s'alarme le rapport, qui invite tous les mouvements signataires et les autorités maliennes à respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme et droit international humanitaire sur la nécessité de protéger les civils.

 
Garantir la justice pour les victimes

 
« C'est dans leur façon de répondre aux événements de Kidal et Tin Hama, en garantissant la justice pour les victimes et en mettant fin à l'impunité, que les autorités maliennes et les groupes armés signataires de l'accord d'Alger feront véritablement la preuve de leur engagement en matière de droits de l'homme. Cette étape est indispensable pour régler les causes profondes à l'origine de la crise malienne et pour remettre le pays sur le chemin de la paix et de la réconciliation », déclare le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein.
Mais les groupes armés mis en cause rejettent toute responsabilité. Interrogée par Studio Tamani, la CMA dément « de manière catégorique » et exige   « une enquête indépendante internationale », en affirmant avoir  « respecté les normes conventionnelles » lors des différents affrontements qui ont eu lieu dans le septentrion. Dénégation également de la part de la Plateforme du GATIA, selon laquelle ces mises en cause sont « en contradiction avec d'autres rapports fournis par les instances habilitées du Comité de suivi et de mise en œuvre de l'accord d'Alger ».