la semaine de la justice transitionnelle : l'exception Seselj

la semaine de la justice transitionnelle : l'exception Seselj©ICTY/TPIY
Affiches du TPIY
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L’acquittement de Vojislav Seselj a dominé la semaine de la justice transitionnelle, une décision des juges du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY, ICTY) qui va à l’encontre de toute la juridiction de cette instance de l’ONU.

Pour le Tribunal pénal international pour l'ex -Yougoslavie, "l'accusation n'a pas présenté de preuves suffisantes pour établir que les crimes ont été commis", a expliqué le juge, le Français Jean-claude Antonetti, lors du prononcé du jugement à La Haye. "Avec cet acquittement sur l'ensemble des neuf chefs d'accusation, le mandat d'arrêt n'a plus d'objet: Vojislav Seselj est donc un homme libre à la suite de ce verdict".

Vojislav Seselj ancien député serbe connu pour sa violence verbale, était accusé de crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour avoir, selon le procureur du TPIY, "propagé une politique visant à réunir tous +les territoires serbes+ dans un Etat serbe homogène, qu'il appelait la +Grande Serbie+".Selon l'accusation, Seselj était donc responsable de multiples meurtres, persécutions, transferts forcés, et tortures notamment, commis en Bosnie, Croatie et Serbie. Mais pour les juges du TPIY, bien que des crimes aient été commis, Vojislav Seselj n'était pas "le chef hiérarchique" des milices de son parti placées sous le contrôle de l'armée régulière, et ne peut donc pas être "pénalement responsable" de leurs actes. Ce verdict a d’autant plus surpris que la semaine dernière ce même tribunal avait condamné Radovan Karadzic l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie à 40 ans de détention pour génocide et crimes contre l'humanité pendant la guerre de Bosnie.

Dans ce jugement, Seselj est lui-même nommé comme accessoire des crimes commis contre l’humanité. Et jusqu’à l’acquittement de Seselj, le TPIY avait reconnu que les massacres de civils dans les territoires de l’ex-Yougoslavie correspondaient bien à des crimes contre l’humanité. La décision du TPIY a été vivement critiquée par la Croatie, l’un des pays où Seselj était accusé d’avoir envoyé ses milices, mais aussi par les différentes associations de victimes et plusieurs spécialistes du droit international. Il est vrai que le procès de Seselj a été émaillé de très graves incidents de procédure dont l’intimidation des témoins par l’accusé. Le procureur n’a pas toujours montré une rigueur suffisante face à un homme coriace et habile qui se défendait lui-même. Pour l’heure, Seselj est libre en Serbie et prêt à se présenter aux prochaines élections législatives mais le procureur peut encore faire appel après cette débacle juridique. Une des trois juges Flavia Lattanzi dans une opinion dissidente critique très vivement le jugement auquel elle s’est opposé citant Cicéron : « en temps de guerre, le droit est silencieux ». Cette juge dénonce le climat d’intimidation créé par l’accusé et affirme contrairement aux deux autres juges qui ont emporté la majorité que la responsabilité de Seselj est engagée dés le moment où il a envoyé ses miliciens en Croatie où ils ont commis des crimes contre l’humanité. Cette responsabilité des commandants avait ainsi justifié la condamnation du chef de guerre congolais Jean-Pierre Bemba la semaine dernière par la CPI.

Beaucoup de pays ne connaissent pas ces processus de justice transitionnelle même imparfaite. Ainsi, le Togo dominé par une famille les Gnassingbé depuis l’indépendance et qui a lancé un simulacre de processus de réconciliation mais où la torture demeure impunie. Maxime Domegni, correspondant de Justiceinfo.net à Lomé écrit ainsi : «  Au Togo, les actes de torture sont monnaie courante dans les lieux de détention officiels ou secrets. Et tenter de dénoncer ces pratiques est un exercice extrêmement périlleux : ceux qui ont le courage d'élever la voix n'ont de salut que dans l'exil. Alors que les chefs des tortionnaires sont récompensés par des promotions.

 Courante durant les 38 ans de règne de Gnassingbé Père, la torture reste une façon de gouverner sous son fils au pouvoir depuis 11 ans. Longtemps silencieuse ou résignée, c'est surtout à partir de septembre 2011 que la société togolaise commence à dénoncer avec force cette pratique inhumaine. »

Sur une notre plus optimiste, la Tunisie continue contre vents et marées son printemps démocratique. Prenons en pour preuve, son changement lexical comme le montre un livre sous forme d’abécédaire co-rédigé par la correspondante de Justiceinfo.net en Tunisie Olfa Belhassine et Hédia Baraket : « ces nouveaux mots qui font la Tunisie ». Nous avons retenu le mot « société civile mojtama‘ madanî en arabe, réussite de la nouvelle Tunisie malgrè ses limites et ses échecs. Comme l’écrivent Belhassine et Baraket, la société civile est aussi « un miroir grossissant de la société politique, de ses tâtonnements, de ses défauts, de ses faiblesses ».

FS