Congo-Brazzaville : un collectif appelle au dialogue sous médiation internationale

Congo-Brazzaville : un collectif appelle au dialogue sous médiation internationale©Flickr/Présidence de la République du Sénégal
Le président Sassou Nguesso lors de son investiture le 16 avril 2016
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Alors que la France a demandé mardi que « la lumière » soit faite sur la situation au Congo-Brazzaville, la branche congolaise du collectif Tournons la page, qui milite depuis 2014 pour l'alternance démocratique en Afrique, appelle à un dialogue sous médiation internationale pour résoudre la crise issue de la présidentielle du 20 mars 2016, remportée par le sortant Denis Sassou Nguesso. Ce dernier a dirigé le pays de 1979 à 1992, était revenu au pouvoir en 1997 après une guerre civile et a été élu en 2002 et 2009. La Constitution l'empêchait de se représenter à cause de la limitation des mandats et de son âge, 72 ans, mais la donne a changé après un referendum contesté. Le 18 avril, Amnesty International a dénoncé les violences post-électorales, dont des frappes aériennes mortelles dans la région du Pool (sud-est). Entretien avec Christian Mounzeo, président de la Rencontre pour la paix et les droits de l'homme, membre de Tournons la Page. 

JusticeInfo : Vous lancez un appel à un « dialogue franc et sincère » pour « solder le contentieux hors du diktat des armes »…

Aujourd'hui, on prétexte une rébellion pour justifier la répression contre un peuple qui ne demande rien d'autre que le respect de son vote, sa sécurité et la paix. Il est évident que l'usage des armes est une grosse diversion pour justifier et imposer une situation militaire, alors qu'au fond, il y a des questions qui doivent absolument trouver des réponses s'agissant de la transparence du processus électoral, des opérations de vote, la vérité issue des urnes, l'indépendance des institutions judiciaires – autant de sujets pour lesquels les réponses ne sont nullement militaires mais politiques. Il est donc urgent que les politiques se parlent. 

JusticeInfo : Ce dialogue vous semble-t-il possible alors que l'opposition dénonce une élection irrégulière ?

Les opposants sont l'objet de vexations, humiliations, assignations à résidence, interdiction de voyager, interdiction de se réunir, d'autres sont arrêtés, détenus arbitrairement et illégalement. Dans des conditions où leurs libertés sont confisquées, le dialogue demeure le seul moyen pour décrisper la situation.

 JusticeInfo : Des opposants sont-ils prêts à un tel dialogue ?

 Nous ne voyons pas pourquoi ces opposants ne s'engageraient pas à dialoguer.

JusticeInfo : Suggérez-vous un dialogue inter-congolais ou sous médiation internationale ?

Le Congo est coutumier des dialogues depuis le déclenchement des conflits armés de la décennie 1993-2003. Cependant, les réformes fondamentales attendues n'ont pas été mises en route. Compte tenu du fait que les crises politiques fragilisent toujours la paix, la sécurité et hypothèquent les droits des populations civiles, il devient impérieux que ce dialogue se tienne sous l'égide d'une médiation internationale, dans le cadre des Nations unies, avec un concours de l'Union européenne et pourquoi pas des institutions régionales comme le Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine.

JusticeInfo : L'Eglise catholique fait partie de la branche congolaise de Tournons la page. Quelle est son influence aujourd’hui ?

Sans doute, l'Eglise catholique a un poids au regard de l'importance du nombre de ses fidèles au Congo. C'est l'institution religieuse la plus importante. Par le passé, elle a offert ses bons offices pour gérer des situations de conflits dans le pays, son autorité ne fait pas débat.

JusticeInfo : Le président Sassou Nguesso a été médiateur dans plusieurs crises régionales. Pensez-vous que cela soit un atout ?

Nous aurions pu anticiper et prévenir la présente crise, car nous l'avions senti et vu venir. Pourtant, rien n'a été fait pour la prévenir. Aujourd'hui, le président actuel fait partie de la crise, il est une partie prenante au conflit. Nous ne pensons donc pas que son expérience ait servi à son pays.

JusticeInfo : Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a évoqué des arrestations massives, des cas de torture et des meurtres dans la région du Pool. Les confirmez-vous ?

Les arrestations et détentions se font aussi bien de jour que nuit, des domiciles privés sont violés. Si l’on souhaitait instaurer un état de terreur, on ne s'y prendrait pas autrement. Par ailleurs, les autorités ont formellement reconnu et admis des « bombardements ciblés » dans le cadre d'une « opération de police ». Les zones dont il s'agit sont sous le contrôle de l'armée depuis de nombreuses années, les miliciens ayant été désarmés et réintégrés. A ce jour, l'armée n'a pas montré de preuves de destruction d'un quelconque arsenal militaire. Ces bombardements débouchent forcément sur des dégâts matériels et humains. Des populations se sont massivement déplacées dans les forêts et à Brazzaville. Une crise humanitaire est prévisible. 

JusticeInfo : Vous demandez l'ouverture d'une enquête « internationale » sur les violences survenues à Brazzaville et dans le Pool. Pourquoi pas une enquête congolaise ?

Il n'y a plus aucune confiance en la neutralité et l'indépendance de l'administration publique car aujourd'hui l'administration est mise à contribution pour garantir les intérêts d'une des parties au conflit. Et l'expérience a démontré qu'aucune des enquêtes internes annoncées n'a abouti. Les citoyens attendent une enquête internationale, indépendante et impartiale.

JusticeInfo : Une pétition a été lancée sur change.org pour demander à la France, ex-puissance coloniale et premier partenaire économique du Congo, de faire cesser les violences…

Absolument, nous apprenons des autorités en France qu'elles jouent au Congo la carte de la discrétion, de la diplomatie. Combien faudra-t-il encore d'élections débouchant sur des violences, combien faudra-t-il encore de destructions matérielles, combien de pertes de vies humaines, pour qu'enfin la France des droits de l'homme sorte réellement du bois ? Nous savons que la voix de la France compte énormément au sein de l'Union européenne, nous savons aussi que nos autorités sont sensibles au regard étranger et en particulier du partenaire privilégié qu'est la France. Nous sommes persuadés qu'une implication plus ouverte, plus directe de la France permettra d'asseoir des solutions durables au contexte congolais.