L'Armée de résistance du Seigneur, 30 ans de terreur en Afrique centrale

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L'Armée de résistance du Seigneur (LRA), dont un des principaux commandants, Dominic Ongwen, doit être jugé à partir de mardi devant la Cour pénale internationale (CPI), a terrorisé pendant 30 ans de larges zones d'Afrique centrale avec des enlèvements d'enfants et mutilations de civils à grande échelle.

Les leaders de cette rébellion, une des plus anciennes encore actives sur le continent, sont inculpés par la justice internationale et chassés par les forces spéciales américaines. Et si son fondateur, Joseph Kony, reste introuvable, d'autres commandants ont péri ou se sont rendus.

- La LRA et Museveni

La LRA a été créée dans la deuxième partie des années 80 pour contrer la prise du pouvoir en Ouganda par un autre rebelle, Yoweri Museveni, en 1986. Dans la droite lignée de mouvements armés menés par des leaders spirituels de la tribu Acholi du nord du pays, ses hommes attaquent alors torse nu, le corps enduit d'une lotion huileuse, et en chantant des cantiques.

Mélangeant mystique religieuse, techniques éprouvées de guérilla et brutalité sanguinaire, Joseph Kony souhaitait libérer l'Ouganda de Museveni pour instaurer un régime fondé sur les Dix commandements. Il a par la suite ajouté un onzième commandement interdisant de rouler en vélo, sous peine d'amputation.

Lorsque les Acholi refusent de rejoindre sa rébellion, Joseph Kony se retourne contre eux, attaquant des civils, kidnappant des femmes et enfants, et massacrant des villages entiers.

L'enlèvement est d'ailleurs devenu une des marques de fabrique de la LRA, qui a transformé, après les avoir kidnappés, des dizaines de milliers de garçonnets en soldats dociles et de fillettes en esclaves sexuelles.

Les communautés locales du nord du pays étaient tellement effrayées que des milliers d'enfants se réfugiaient chaque jour dans des églises, des écoles et autres abris de la ville de Gulu à l'approche de la nuit.

- La LRA et la CPI

En 2005, la CPI a délivré des mandats d'arrêts contre cinq leaders de la LRA, dont Joseph Kony et Dominic Ongwen, les accusant de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La pression internationale provoquée par la CPI a contribué à la participation de Joseph Kony, l'année suivante, à des pourparlers de paix, qui ont toutefois échoué.

Les mandats d'arrêt de 2005 étaient les premiers délivrés par la CPI, entrée en fonction en 2003 à La Haye, et qui enquêtait en Ouganda à la demande de Kampala. Une décennie plus tard, le procès contre M. Ongwen est le premier de la CPI contre un dirigeant de la LRA.

- La LRA et les USA

A la suite d'une campagne menée par des activistes aux Etats-Unis, le président américain Barack Obama a autorisé en 2010 le déploiement de quelque 100 membres des forces spéciales américaines devant travailler avec les armées régionales pour traquer Joseph Kony.

Un des groupes d'activistes, Invisible Children, a publié en 2012 une vidéo dénonçant les activités de la LRA et de leur chef. Vue plus de 100 millions de fois sur internet en quelques jours, la vidéo est devenue virale, mais a aussi été fortement critiquée pour sa version simpliste des conflits dans la région.

Le fondateur de Invisible Children, Jason Russell, a pour cela été lynché publiquement. Et le public "slacktiviste" a par la suite perdu son intérêt pour le cas Kony, notamment au vu de l'échec d'un hashtag #StopKony.

- La LRA aujourd'hui

La LRA ne prospère plus, mais semble tout juste survivre.

Les rebelles de la LRA ne sont plus que quelques centaines, dispersés en République démocratique du Congo, en République centrafricaine, au Soudan du Sud et au Soudan. Les Etats-Unis et l'Union africaine ont placé la LRA et Joseph Kony sur la liste des "terroristes mondiaux", même si la menace est désormais locale et limitée.

Selon l'organisation LRA Crisis Tracker, la LRA est responsable de 21 meurtres et 689 enlèvements cette année, lors d'attaques sur des villages reculés proches des frontières congolaise, centrafricaine et sud-soudanaise.

La localisation exacte de Joseph Kony reste floue, même si de nombreux rapports ces dernières années ont conclu qu'il se trouve à Kafia Kingi, une région contrôlée par le Soudan au sud du Darfour.