OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : une victoire de l'état de droit en Afrique ?

La semaine de la justice transitionnelle : une victoire de l'état de droit en Afrique ?©YASUYOSHI CHIBA / AFP
Célébration dans les rues de Nairobi après la décision de la Cour suprême invalidant l'élection de Kenyatta
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La semaine a été marquée sans aucun doute par la décision vendredi de la Cour suprême du Kenya d’invalider l’élection présidentielle du 8 août, une première en Afrique. Comme le dit The Star, l’un des principaux quotidiens kenyans, « "C'est un grand jour pour le Kenya, cela établit un précédent pour l'Afrique ». D’autant plus que le Président élu Uhuru Kenyatta a accepté cette décision même s' il a vertement critiqué la Cour.

Plusieurs représentants des oppositions en Afrique ont salué cette décision, du Zimbabwe à la Guinée en passant par le Mali. Ainsi, Abdourahmane Sanoh, président de la Plateforme nationale des citoyens unis pour le développement et l’une des figures de proue de la société civile en Guinée a expliqué : «La décision de la Cour suprême kényane est un acte historique, elle est aussi un signe fort de l'ancrage de la culture démocratique en Afrique. En analysant avec les récents événements en Mauritanie (un référendum constitutionnel boycotté par une partie de l'opposition début août, NDLR) et au Mali (où le président Ibrahim Boubacar Keïta a suspendu la convocation d'un référendum sous la pression de l'opposition), on peut dire que quelque chose de fondamental est en train de se passer sur notre continent, car cet exemple fera tache d'huile ».

Il reste à savoir comment le Kenya pourra organiser une nouvelle élection d’ici 60 jours sous la houlette d’une commission électorale contestée et dans un climat politique électrique et violent. De précédentes élections présidentielles en 2007 avaient donné lieu à une vague d’affrontements qui avait donné lieu à la mise en examen du Président Kenyatta et du vice-Président William Ruto par la Cour Pénale Internationale. La CPI avait finalement reculé mais les Kenyans tout en saluant l’état de droit redoutent de nouveaux troubles.

Comme le dit le quotidien The Standard : "ce dont le Kenya a le plus besoin en ce moment, c'est d'une élection légale, juste et transparente". Ce qui n’est pas gagné.

Gambie et Tunisie

Autre victoire du droit possible en Afrique, la poursuite de l’ancien dictateur de Gambie Yahya Jammeh par le célèbre avocat américain Reed Brody qui s’est mis du côté des victimes de cet homme qui a régné sur son pays 22 ans d’une main de fer. Yahya Jammeh est aujourd’hui réfugié en Guinée équatoriale, pays lui aussi dirigé par un dictateur, mais Brody, qui avait fait condamner le Président tchadien Hissène Habré par une Cour africaine en 2016, explique :

«  Nous avons montré dans l’affaire Habré que lorsque les victimes racontent leur souffrance, elles peuvent créer les conditions politiques, y compris dans les pays africains, pour poursuivre un ancien chef d’Etat ». Brody, surnommé « le chasseur de dictateur », poursuit : « C’est en Gambie que le futur procès doit avoir lieu pour satisfaire les intérêts des victimes et de la société gambienne, et non à la Haye par un procureur et des juges qui n’ont pas de comptes à rendre au peuple gambien ». Même si Brody reconnait qu’aujourd’hui la Gambie n’a pas encore les moyens d’organiser un procès de son ancien tyran.

 

Victoire possible du droit possible enfin, la Tunisie où le Président le Béji Caied Essebsi veut établir une égalité réelle et totale entre les femmes et les hommes. La Tunisie, dernier phare du printemps arabe et exemple en matière de justice transitionnelle, est depuis 1956 et Bourguiba en avance comparée aux autres pays musulmans. Mais, restent des discriminations en matière d’héritage et de mariage que le Président veut abolir. Notre correspondante, Olfa Belhassine, écrit : « L’initiative du Président a provoqué une large polémique et le débat, toujours passionné, dépasse les frontières tunisiennes pour se propager dans toute la région arabe. Une preuve supplémentaire que : « la question féminine est au centre des interrogations que le monde arabe porte sur lui-même, sur son rapport à l’identité et à l’universel », comme l’écrit l’historienne et essayiste Sophie Bessis”.