OPINION

Mali : L'armée accusée de meurtres et de tortures par HRW

Mali : L'armée accusée de meurtres et de tortures par HRW
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Des troupes du Mali et du Burkina Faso se sont livrées à des meurtres, des disparitions forcées et des actes de torture

Les opérations militaires menées par les forces armées du Mali et du Burkina Faso afin de contrer la présence croissante de groupes armés islamistes dans le centre du Mali ont occasionné de graves violations des droits humains. Depuis la fin de 2016, les forces maliennes se sont livrées à des meurtres extrajudiciaires, à des disparitions forcées, à des actes de torture et à des arrestations arbitraires à l'encontre d'hommes accusés de soutenir les groupes armés islamistes, tandis qu'une opération effectuée en juin 2017 à travers la frontière par les forces burkinabées s'est soldée par la morts de deux suspects.

Human Rights Watch a documenté l'existence de trois fosses communes qui auraient contenu les cadavres d'au moins 14 hommes exécutés après avoir été détenus depuis décembre par des militaires maliens. À plusieurs reprises, les forces maliennes ont fait subir des brutalités, des brûlures et des menaces à des dizaines d'hommes accusés de soutenir les groupes armés islamistes. Human Rights Watch a également documenté 27 cas de disparition forcée, dans lesquels le gouvernement malien n'a fourni aucune information aux familles sur leurs proches qui avaient été arrêtés et dont elles étaient sans nouvelles.

« La logique perverse consistant à torturer, tuer ou ‘faire disparaître’ des personnes au nom de la sécurité alimente le cycle croissant de la violence et des abus au Mali », a déclaré Corinne Dufka, directrice de recherches sur le Sahel auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les gouvernements malien et burkinabé devraient contrôler les unités qui commettent des abus et poursuivre en justice les responsables. »

Les abus, qui se sont produits entre la fin de 2016 et juillet 2017 lors d'opérations dans la région de Mopti et, dans une moindre mesure, dans la région de Ségou, ont été documentés lors d'une mission de recherche de 10 jours au Mali en juillet et lors d'entretiens téléphoniques en août. Human Rights Watch a interrogé 48 victimes d'abus et témoins, ainsi que des responsables des communautés ethniques Peul, Dogon et Bambara ; d'anciens détenus; des agents du gouvernement local, des membres des services de sécurité et du système judiciaire; et des diplomates étrangers.

Des membres des familles de victimes ont fourni à Human Rights Watch des listes des noms des hommes présumés enterrés dans trois fosses communes découvertes dans la région de Mopti. Ces trois fosses contiennent respectivement les cadavres de cinq hommes qui auraient été tués le 19 décembre 2016, de trois hommes arrêtés le 21 janvier 2017, et d'au moins six hommes arrêtés début mai 2017.

Deux négociants arrêtés en juin à Boni, dans la région de Mopti, ont décrit avoir été ligotés, durement passés à tabac et brûlés quand des militaires leur ont maintenu la tête près du pot d'échappement d'un camion de l'armée. Des témoins ont indiqué que 10 hommes avaient été battus et soumis à un simulacre d'exécution, dans lequel des militaires maliens menaçaient de les brûler vifs.

Des témoins et des membres des familles des personnes victimes de disparitions forcées aux mains des forces de sécurité maliennes ont affirmé avoir appris de sources non officielles que sur les 27 hommes disparus, plusieurs avaient probablement été tués lors de leur garde à vue, tandis que d'autres étaient considérés comme détenus illégalement par la Direction générale de la sécurité d’État (DGSE), l'agence nationale de renseignement malienne.

En juin 2017, des militaires burkinabés ont arrêté environ 70 hommes dans des hameaux situés au Mali à proximité de la frontière, les accusant de soutenir le groupe armé islamiste Ansaroul Islam. Les militaires sont réputés avoir incendié des biens, soumis ces hommes à des sévices physiques – qui ont causé la mort de deux des détenus – et conduit plus de 40 d'entre eux à travers la frontière au Burkina Faso pour de nouveaux interrogatoires.

Human Rights Watch a également documenté de graves abus commis par les groupes armés islamistes dans le centre du Mali lors de la même période, notamment des exécutions sommaires de civils et de militaires de l'armée malienne, des destructions d'écoles, et le recrutement et l'utilisation d'enfants comme soldats. Des violences intercommunautaires croissantes survenues près de Koro, dans la région de Mopti, font craindre des abus encore plus généralisés. Les constats de Human Rights Watch concernant ces abus seront publiés dans un futur rapport.

Un chef local de la commune de Mondoro a décrit comment les membres de sa communauté souffraient d'abus perpétrés par les deux camps: « En avril, les djihadistes sont venus, exhortant les jeunes sans emploi à les rejoindre, et quelques semaines plus tard, ils ont tué un chef local et décapité un homme qu'ils ont accusé d'être un informateur de l'armée. En mai et juin, des militaires maliens et burkinabés ont capturé des dizaines de personnes … 17 membres de ma communauté ont disparu mais les gens sont trop terrifiés pour en parler. Le comportement des deux armées a renforcé le mouvement djihadiste. Certains jeunes l'ont rejoint après avoir vu leurs pères torturés et leurs frères disparaître. »

Toutes les parties au conflit armé malien sont liées par l'Article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et par d'autres traités et articles du droit de la guerre, qui exigent un traitement humain des combattants capturés et des civils détenus. Les individus qui commettent délibérément de graves violations des lois de la guerre, notamment des exécutions sommaires et des actes de torture, peuvent faire l'objet de poursuites pour crimes de guerre. Le Mali est un État partie au Statut de Rome, qui régit la Cour pénale internationale.

Les organisations nationales et internationales de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, ont à plusieurs reprises fait part de leurs inquiétudes au gouvernement malien par lettre, dans des rapports et lors de rencontres avec des responsables gouvernementaux de haut rang. Les médias ont aussi diffusé des informations sur certains de ces cas. Néanmoins, ni l'armée, ni le système judiciaire civil n'a fait d'effort sérieux pour enquêter sur ces abus présumés et pour faire rendre des comptes aux militaires et aux officiers responsables.

Les gouvernements malien et burkinabé devraient enquêter sans tarder et poursuivre en justice les membres des forces de sécurité qui sont impliqués dans de graves violations des droits humains. Le gouvernement malien devrait mettre fin à la pratique consistant à détenir des suspects dans des lieux de détention non autorisés, notamment à la DGSE ; s'assurer que les gendarmes s'acquittent de leur rôle de prévôts défini par leur mandat en accompagnant l'armée malienne dans toutes ses opérations; et s'assurer que les forces de sécurité se conforment au droit international humanitaire et au normes internationales en matière de droits humains.

« Le fait que le gouvernement malien se soit abstenu de faire rendre des comptes à ses forces de sécurité a encouragé les militaires aux tendances abusives à commettre de nouveaux crimes graves », a affirmé Corinne Dufka. « Pour enrayer l'érosion de la confiance du public envers les forces de sécurité et pour rendre justice aux victimes, le gouvernement doit enquêter sur les graves violations des droits humains et punir leurs auteurs. »

Contexte

En 2012, les régions du nord du Mali sont tombées entre les mains de séparatistes d'ethnie Touareg et de groupes armés affiliés à Al-Qaeda. Une intervention militaire dirigée par la France en 2013 et un accord de paix intervenu en juin 2015 entre le gouvernement et plusieurs groupes armés ont permis de rétablir un certain degré de stabilité dans le nord.

Cependant, depuis 2015, les activités et les abus des groupes armés islamistes se sont étendus au centre du Mali. Des groupes liés à Al Qaeda ont attaqué des bases militaires et des postes de police et de gendarmerie; exécuté une cinquantaine de personnes accusées d'être des agents de renseignement de l'armée et des responsables, dont des maires et des édiles locaux; fermé des écoles; et imposé de plus en plus de sévères restrictions basées sur leur stricte interprétation de l'Islam.

Au cours des six premiers mois de 2017, les Forces Armées Maliennes (FAMA) ont mené une série d'opérations soit toutes seules, soit en collaboration avec les forces françaises et burkinabées. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont convenus en janvier de créer une force opérationnelle régionale conjointe pour lutter contre l'insécurité croissante dans la zone frontalière entre les trois pays.

En juillet, le Mali, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad ont mis sur pied une force militaire antiterroriste multinationale, connue sous le nom de Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), pour combattre les groupes armés islamistes dans la région. Cette force, G5 Sahel, coordonnera ses opérations avec les 4 000 troupes françaises et les 12 000 militaires de maintien de la paix des Nations Unies qui se trouvent déjà au Mali.

Violations commises par les forces de sécurité maliennes

Des militaires et des membres de la garde nationale en opération dans ou aux alentours des villes de Mondoro, Boni, Sévaré et Boulekessi, dans la région de Mopti, et de Diabaly et Namapala, dans la région de Ségou, ont été impliqués dans des arrestations arbitraires, des actes de torture, des exécutions sommaires et des disparitions forcées. Certains de ces actes semblent avoir été commis en représailles après que des islamistes eurent attaqué ou tué des militaires.

Conformément à une tendance observée depuis 2012, la plupart des détenus ont affirmé que les abus avaient cessé lorsqu'ils avaient été remis aux gendarmes, qui souvent leur fournissaient des soins médicaux. Depuis au moins l’année 2013, des militaires basés dans toutes ces villes ont été impliqués dans des abus d'une gravité comparable. Pratiquement aucun de ces abus commis par les forces de sécurité n'a fait l'objet d'une enquête.

Arrestations arbitraires

Human Rights Watch a documenté la détention de 114 hommes par les forces de sécurité maliennes dans le centre du Mali entre décembre 2016 et juin 2017. Les détenus, dont la grande majorité étaient d'ethnie peule, étaient soupçonnés de soutenir les groupes armés islamistes.

La plupart ont été remis en liberté pour insuffisance de preuves après que leurs dossiers eurent été examinés par un juge appartenant au Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière organisée, basé à Bamako et qui a pour mandat d'étudier et de statuer sur toutes les affaires concernant des crimes présumés commis par des groupes armés islamistes.

Des avocats, des magistrats et des chefs de villages ont affirmé de manière constante à Human Rights Watch leur conviction que de nombreuses détentions, dont beaucoup de celles qui sont documentées dans ce rapport, reposaient sur des bases faibles, parfois même sur des renseignements faux fournis par des personnes souhaitant régler des comptes personnels.

Torture et mauvais traitements

Human Rights Watch a documenté des dizaines de cas de torture et d'autres formes de mauvais traitements commis par les militaires de l'armée malienne lors de séances d'interrogatoire pendant les premiers jours après l'arrestation, en dépit du fait que les militaires ne sont pas autorisés à interroger des détenus. Les abus se sont produits dans des bases militaires, dans des campements de campagne et à des postes de contrôle.

Les détenus, dont beaucoup présentaient des cicatrices et des traces visibles de torture, ont affirmé à Human Rights Watch qu'on leur avait lié les mains et les pieds ; et qu'ils avaient été violemment frappés à coups de poing, de crosse de fusil, de barre de fer et de bâton; ou de ceinturon; roués de coups de pied; brûlés; et menacés de mort à plusieurs reprises. L'un d'eux a eu des côtes fracturées, quelques-uns ont perdu des dents, et plusieurs ont déclaré avoir été hospitalisés pour leurs blessures. Ils ont affirmé avoir été régulièrement privés de nourriture, d'eau et de soins médicaux.

La plupart des anciens détenus qui ont parlé à Human Rights Watch ont décrit avoir eu les poignets et les chevilles liés à l'aide de cordes ou de fil lors de leur détention. Beaucoup avaient des plaies béantes ou des cicatrices résultant de ces liens, qui avaient pénétré dans leurs chairs.

Les unités de l'armée et de la Garde nationale maliennes basées dans et aux alentours de Boni, à 220 kilomètres de la ville de garnison de Sévaré dans la région de Mopti, ont été dans une large mesure associées à des actes de torture. Par exemple, le 23 juin, des militaires ont arrêté et torturé trois commerçants – deux Maliens et un Burkinabé – qu'ils accusaient de soutenir des islamistes armés qui avaient attaqué le poste de gendarmerie de Boni la veille. Les arrestations ont semblé arbitraires : deux des commerçants ont affirmé à Human Rights Watch que les militaires avaient fouillé leurs maisons, n'avaient pas trouvé d'armes et, au bout de plusieurs heures d'abus divers, les avaient libérés sans autres questions. Un commerçant, qui a perdu deux dents du fait de ces sévices, a déclaré :

 

Les FAMA m'ont arrêté au marché où je vendais ma marchandise – ils ne m'ont pas dit pourquoi. Dans leur camp, ils m'ont dit : « Nous vous avons amené ici pour vous tuer. » Ils m'ont pris mon argent et ma montre et pendant les deux heures qui ont suivi, ils nous ont frappés à coups de pied, de bâton et de crosse. Ils m'ont relevé et m'ont frappé deux fois la tête contre un camion … j'ai perdu deux dents et deux autres sont maintenant ébranlées. J'ai perdu connaissance et ma bouche saignait. Ils ont saisi le chauffeur burkinabé et lui ont projeté la tête contre le sol … il était mal en point. Il est à l'hôpital à Djibo [Burkina Faso].

Cet homme et un de ses compagnons ont affirmé que les militaires leur avaient infligé des brûlures avec le pot d'échappement d'un véhicule. Le deuxième homme a déclaré:

Ils nous ont accusés de vendre des marchandises aux djihadistes. Après avoir été passé à tabac, j'ai entendu le bruit du moteur d'un véhicule. Ils m'ont redressé et m'ont tenu la tête près du pot d'échappement d'un gros camion jusqu'à ce que ma tête soit en feu. Finalement un militaire a dit : « Assez maintenant, arrêtez, …. ils pourraient mourir. » Plus tard, les militaires nous ont emmenés au poste de gendarmerie, mais quand ils [les gendarmes] sont montés dans le camion et ont vu dans quel état nous étions – la bouche et la tête ensanglantées, enflées, incapables de marcher – ils se sont mis en colère contre les militaires et ont refusé de nous prendre. Les gendarmes et les FAMA se sont vraiment discutés … les gendarmes ont dit aux FAMA de nous emmener à l'hôpital, ce qu'ils ont fait.

Deux autres hommes ont affirmé que le 22 ou le 23 juin, ils avaient été passés à tabac et l'un d'eux brûlé par des militaires basés au camp militaire de Diabaly, à 140 kilomètres de Ségou. « Ils m'ont accusé de traiter avec les djihadistes », a déclaré l'un de ces hommes. « J'ai été détenu pendant trois nuits. Lors de la dernière nuit, ils m'ont frappé dans le dos et m'ont donné des coups de botte. Je ne sais pas combien de temps cela a duré – j'ai été frappé jusqu'à perdre connaissance. Le lendemain, ils m'ont versé du plastique brûlant sur sur mon épaule et sur mon dos. »

Cet homme a affirmé qu'un second détenu avait également été sévèrement passé à tabac : « Alors qu'on m'emmenait hors du camp, j'ai rencontré un autre homme qui avait été si violemment battu qu'il ne pouvait pas se tenir debout. » Quand le militaire a amené les victimes à la gendarmerie à Niono pour interrogatoire, le commandant des gendarmes s'est mis en colère. « Il a dit à l'officier de l'armée qu'il devrait payer pour nos traitements médicaux … mais j'ai dit : ‘Non, ce n'est pas la peine … Je veux juste retrouver ma liberté’ », a dit cet homme. Après avoir enquêté sur ses affirmations, les gendarmes l'ont remis en liberté.

Le 8 mai, les militaires ont arrêté 10 hommes, âgés de 19 à environ 50 ans, dans plusieurs hameaux près de Boni. Tous les 10 ont été sévèrement passés à tabac et on leur a dit qu'ils seraient tués par balles ou brûlés vifs. Selon un chef de village qui s'est occupé de ces hommes après leur transfert à Bamako, « plusieurs jours après leur arrestation, ils avaient encore les mains, les pieds et la tête enflés ; tous présentaient des ecchymoses ou des cicatrices; quelques-uns ne pouvaient plus s'asseoir à cause de la violence des coups reçus. » Après avoir comparu devant un juge à Bamako fin mai, au moins huit d'entre eux ont été libérés. L'un d'eux a ainsi décrit leur épreuve :

Les militaires m'ont trouvé près du puits. Ils m'ont accusé d'être avec AQMI [Al Qaeda au Maghreb islamique], m'ont demandé mon arme et ont dit « Où sont les djihadistes ? » Ils m'ont volé 143 000 FCFA [260 dollars] et m'ont emmené avec six autres hommes. C'était une vaste opération – ils nous ont emmenés par la route, puis nous ont mis dans un cratère créé sur la route par l'explosion d'une mine plus tôt dans l'année. Ils ont débattu pour savoir s'ils allaient nous tuer sur place ou non. « Allons-nous les tuer maintenant ? » a dit l'un d'eux. « Va chercher les pelles », a dit un autre. « Non, si nous le faisons, cela se saura à Bamako. » Certains de nos frères sont enterrés dans des fosses communes à Issèye et à Yirima, donc nous étions certains que ça allait être notre tour.

Plus tard, ils nous ont mis dans un autre trou – d'environ un mètre de profondeur – près du poste de contrôle routier de l'armée à Boni. Dans ce trou, il y avait déjà trois autres hommes, tous les yeux bandés, ensanglantés et tuméfiés. Ils nous ont également bandé les yeux et lié les mains, et nous ont fait allonger en plein soleil, et les sévices ont commencé. Ils nous ont frappés à coups de barre de fer, nous ont roués de coups de pieds et ont insulté nos parents. Cela a duré des heures … ils nous ont versé du liquide dessus, disant que c'était de l'essence et qu'ils allaient nous brûler vifs. Ils ne nous ont même pas posé de questions, nous accusant seulement d'être des djihadistes. Nous avions terriblement soif après plusieurs heures en plein soleil, qui en mai est plus chaud que le feu, mais ils ont refusé de nous donner à boire.

Nous sommes restés deux jours sans manger et n'avons reçu de soins médicaux qu'en arrivant à Bamako. Au total nous avons passé 26 jours en détention. Même maintenant, des mois après les abus, j'en souffre encore … hier j'ai essayé de travailler mais je n'ai pas pu.

Human Rights Watch a documenté quelques affaires dans lesquelles des officiers de l'armée sont intervenus pour faire cesser les abus commis par leurs subordonnés. Un témoin a décrit l’un de ces cas qui a eu lieu en mars, et qui a impliqué des militaires originaires de Ténenkou, dans la région de Moptif :

C'est arrivé à un poste de contrôle routier de l'armée à quelques kilomètres de la ville. Les soldats étaient en train de battre cet homme, qui avait à peu près 35 ans, puis ils ont pris du papier, l'ont enflammé et lui ont brûlé le ventre. Au bout d'environ 30 minutes, un officier est arrivé et a demandé, sur un ton de colère, « Pourquoi faites-vous cela?». Les militaires ont affirmé avoir reçu un renseignement selon lequel l'homme vendait des armes aux djihadistes ; et qu'ils l'avaient trouvé en possession d'une grosse somme en liquide. L'homme a expliqué qu'il était marchand de bestiaux et qu'il venait juste de vendre des vaches. L'officier a ordonné aux militaires de mettre fin aux abus et de l'emmener à l'hôpital.

Human Rights Watch a interrogé 18 hommes et 4 garçons, âgés de 14 à 17 ans, qui ont affirmé avoir été maltraités par les militaires après leur arrestation en mai dans des villages proches de la frontière du Mali avec le Burkina Faso. Deux mois plus tard, presque tous avaient des cicatrices visibles autour des poignets et des chevilles ; deux d'entre eux avaient encore des pansements aux mains, tandis que six autres avaient des traces d'écorchures et des cicatrices résultant apparemment de profondes entailles sur les poignets. Ils ont affirmé avoir eu les mains liées pendant plus de deux jours, y compris pendant le long trajet entre le centre du Mali et Bamako. Un homme qui avait des cicatrices autour du cou a affirmé que cela venait du fait qu'il était resté « attaché dans le pickup pendant des heures sur une route défoncée, avec une corde autour du cou... ils ne me l'ont retirée que quand j'ai perdu connaissance. »

Dix de ces hommes avaient été initialement arrêtés lors d'une opération conjointe entre l'armée malienne et les forces françaises. « Quand les Français étaient là, ils nous faisaient étendre au sol pendant qu'ils fouillaient nos maisons mais ils ne nous attachaient pas et ne nous frappaient pas; les Français prenaient des photos de nous », a déclaré l'un d'eux.

Les hommes ont affirmé que les sévices avaient commencé le lendemain, après que les Français et un gendarme malien eurent quitté les lieux et les détenus eurent été emmenés à Douna, à 24 kilomètres de leurs villages. « Quand nous sommes descendus du camion, ils nous ont jetés au sol et nous ont frappés à coups de crosse », a raconté l'un d'eux. « Quand nous les avons implorés de nous donner de l'eau, les militaires m'ont versé de force de l'eau dans le nez, pour me donner l'impression que je me noyais. » Un autre détenu a décrit comment un militaire lui a placé la tête dans une prise de bras et lui a dit : « Nous allons t'égorger comme un mouton. » Deux autres hommes ont affirmé avoir été poignardés à l'épaule avec un petit couteau.

Human Rights Watch a également documenté la mort d'un homme de 50 ans après qu'il eut été sévèrement battu par des militaires maliens en mai. Trois témoins ont affirmé que l'homme était mort à l'hôpital de Sévaré. Selon l'un des témoins :

À 6h00 du soir, l'armée a amené à la gendarmerie de Sévaré cinq hommes qu'elle avait détenus. Ils étaient mal en point et souffraient vraiment ; leurs visages étaient tuméfiés ; ils saignaient. Le plus âgé ne pouvait pas bouger et a dû être porté dans la cellule. Quelques heures plus tard, j'ai entendu dire : « Donnez-lui de l'eau, il a besoin de boire, vite... » Mais il ne pouvait déjà plus … il était en train de mourir. Il a été sorti de la cellule pendant la nuit … Nous avons appris auprès des infirmiers qu'il avait rendu l'âme à l'hôpital quelques heures plus tard. Ils ont dit que son corps était couvert de marques.

Human Rights Watch a documenté un cas de graves mauvais traitements par les gendarmes du gouvernement. Fin mars 2017, les gendarmes de Sévaré auraient passé à tabac sept hommes d'un village proche de Djenné, dont un maître coranique. « Pendant la nuit, quelques gendarmes sont venus dans notre cellule et nous ont frappés, notamment à coups de pied. Un homme a eu quelques côtes cassées et deux autres saignaient du nez », a raconté l'un des détenus.

Exécutions sommaires et fosses communes

Human Rights Watch a documenté l'existence de trois fosses communes, dont des témoins et des proches affirment qu'elles contiennent les restes d'au moins 14 hommes tués peu après avoir été appréhendés par les services de sécurité maliens entre fin décembre 2016 et mai 2017. Toutes les trois sont situées ­dans les communes de Mondoro ou Koro situées dans la région de Mopti, près de la frontière du Mali avec le Burkina Faso.

« Nous sommes tous au courant de l'existence des fosses communes près de Mondoro, mais personne n'a porté plainte en justice », a déclaré un témoin. « Les gens sont terrifiés à l'idée de parler – nous essayons juste d'éviter de subir de nouveaux sévices. »

En août, des chefs locaux ont donné à Human Rights Watch des photos de ce qu'ils croient être une fosse commune à environ 7 kilomètres au sud de Mondoro, contenant les restes d'au moins 6 hommes qui faisaient partie d'un groupe de 17 qui ont disparu après leur arrestation par les militaires entre le 2 et le 9 mai. Une commerçante locale a déclaré :

Vers 11h00 du matin, j'étais dans la brousse quand j'ai entendu des coups de feu. J'ai vu trois ou quatre véhicules de l'armée à environ 200 à 300 mètres, à l'écart de la route principale. J'ai pensé que quelque chose n’était pas normal et je me suis plaquée au sol. … J'ai entendu une seconde salve de coups de feu. Je suis restée cachée pendant 15 minutes, jusqu'à ce qu'ils partent dans la direction de Mondoro sur la route principale. Plus tard, je suis allée voir et j'ai vu un monticule de terre … comme une tombe fraîchement creusée, et les traces de pneus. Il y a beaucoup de tensions dans notre zone. J'ai très peur.

Deux autres fosses communes qui ont fait l'objet d'informations documentées par Human Rights Watchn'ont toujours pas suscité d'enquête de la part des autorités maliennes. Selon quatre témoins de Yirima, la première contiendrait les restes de trois membres d'une famille arrêtés par les militaires le 21 janvier et ultérieurement exécutés. Un témoin a déclaré :

Les militaires leur ont bandé les yeux et les ont emmenés par la route dans la direction de Mondoro [à 26 kilomètres de distance]. Quelques minutes plus tard, nous avons entendu des coups de feu dans le lointain. Nous avons suivi les traces du véhicule jusqu'au village de Bamguel, à 18 kilomètres de là, et nous avons vu une tombe, fraîchement creusée, recouverte de branchages, et de nombreuses douilles de fusil … Nous avons déblayé la terre et nous avons trouvé nos proches. Je suis retourné au village pour annoncer la mauvaise nouvelle.

La deuxième tombe contiendrait les restes de cinq hommes du village d'Issèye arrêtés et exécutés par les militaires le 19 décembre 2016. L'un des témoins a raconté:

Vers 11h00 du matin, 10 véhicules des FAMA pleins de soldats lourdement armés ont fait irruption dans le village. Ils ne sont pas restés longtemps. Ils ont tout d'abord arrêté le chef du village, puis les autres. Vers 4h00 de l'après-midi, nous avons entendu des coups de feu, et le lendemain matin nous avons trouvé la tombe de fortune à quelques kilomètres de là. Nous avons déterré les corps … le chef était par dessus les autres … ils avaient tous plusieurs blessures par balles.

Disparitions forcées

Des témoins et des proches ont décrit les disparitions forcées de 27 hommes, qui avaient tous été vus pour la dernière fois aux mains des forces de sécurité maliennes. Ces hommes ont été arrêtés entre juin 2016 et juin 2017 lors d'opérations militaires dans les régions de Mopti et de Ségou. Des membres de leurs familles ont affirmé que le gouvernement ne leur avait fourni aucune information sur le sort des détenus ou sur l'endroit où ils se trouvaient, bien que certaines familles aient obtenu des informations de sources non officielles.

Les témoins et les membres des familles ont fourni à Human Rights Watch des informations selon lesquelles au moins 9 de ces hommes avaient été exécutés par les services de sécurité dès les premiers jours après leur arrestation. D'autres membres des familles ont affirmé posséder des informations selon lesquelles plusieurs autres hommes se trouvaient en détention extrajudiciaire dans les locaux de la Direction générale de la sécurité d’État (DGSE).

Human Rights Watch a reçu une liste de 17 hommes des villages de Mougnoukana, Douna, Kobou, Yangassadio et Guedouware qui avaient fait l'objet de « disparitions » depuis leur arrestation début mai. Plusieurs témoins ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils avaient été arrêtés le 2 mai en même temps que sept des hommes portés disparus.

« Nous avons cherché partout », a déclaré un proche de plusieurs des disparus de Mondoro. « Nous avons demandé à la Garde nationale, aux FAMA et aux gendarmes, mais nos proches ne sont nulle part. »

Parmi d'autres cas de disparition forcée dans le centre du Mali documentés par Human Rights Watch, figurent:

  • Samba Diallo dit Samba Niger, 67 ans, un berger de Dogo (région de Mopti), a été arrêté par les forces de sécurité alors qu'il attendait un bus dans la ville de Mopti vers le 8 juin 2016. Des membres de sa famille pensent qu'il est détenu à la DGSE.
  • Hassan Sidibé, 53 ans ; Boubacar Sidibé, 49 ans; Boubacar Sidibé, 30 ans; et Yonousa Sidibé, 30 ans, ont été arrêtés lors d'une opération de l'armée dans le village de Tomoyi, près de la ville de Ténenkou, le 17 janvier 2017. Des membres de la famille ont appris qu'ils étaient détenus à la DGSE.
  • Boura Alou Diallo, 32 ans, arrêté par les militaires près du village de Kokoli vers le 23 janvier 2017, a été vu pour la dernière fois attaché à un arbre près du camp militaire de Mondoro. Les membres de sa famille pensent qu'il a été exécuté fin janvier.
  • Hamidou Barry et Hamadoun Dambou, tous deux âgés d'environ 25 ans et originaires du village de Karena, ont été arrêtés en janvier 2017 par les gendarmes dans un hôpital de Douentza, où Barry était soigné. Les membres des familles pensent qu'ils sont détenus à la DGSE.
  • Ibrahim Barry, 35 ans, a été vu pour la dernière fois le 3 février 2017, après avoir été arrêté par des gendarmes basés à Sévaré lors d'une réunion à Mopti organisée par une organisation non gouvernementale locale. Les membres de sa famille ont déclaré qu'ils pensaient que Barry avait été battu à mort en détention.
  • Sidi Koita, 34 ans, a été vu pour la dernière fois le 31 mai ou 1er juin 2017, alors qu'il était interrogé par des militaires à un poste de contrôle situé à un kilomètre de la ville de Nampala. Des témoins ont déclaré qu'il était interrogé à propos d'une embuscade tendue la veille près de Nampala, dans laquelle plusieurs militaires avaient été tués. Les membres de sa communauté pensent que Koita a été exécuté.

Direction générale de la sécurité d’État

Human Rights Watch s'est entretenu avec 24 anciens détenus qui ont affirmé avoir été placés dans un centre de détention géré par la DGSE pendant des périodes allant de 27 jours à cinq mois. Ces hommes n'avaient aucun accès aux membres de leurs familles ou à des avocats et n'étaient pas autorisés à passer des coups de téléphone. Ils ont précisé qu'ils n'avaient pas été présentés à un juge avant ou durant leur détention dans ces lieux.

Un agent de la DGSE a déclaré à Human Rights Watch que chaque personne détenue avait comparu devant un juge et avait été placée sous mandat de dépôt. Ces affirmations ont également été contredites par plusieurs avocats, par des défenseurs des droits humains et par un juge, qui ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils étaient au courant de plusieurs cas d'hommes qui étaient détenus par la DGSE de manière extrajudiciaire.

Tous les hommes interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir été nourris régulièrement, avoir passé des examens médicaux périodiques et avoir été placés dans des cellules équipées de ventilateurs ou de l'air conditionné. Cependant, ils se sont plaints de l'exiguïté des lieux pour dormir et plusieurs ont affirmé qu'ils n'avaient pas accès à une hygiène adéquate. Un ancien détenu a affirmé avoir été maltraité au centre de la DSGE.

Un autre ancien détenu, qui a passé 37 jours au centre de la DSGE entre mai et juillet, a déclaré :

Nous étions 13 dans ma cellule et ils étaient huit dans une autre cellule. Nous avions été amenés là directement de nos villages. La nourriture était passable et un seul d'entre nous a été un peu passé à tabac, mais ce qui est bizarre c'est qu'ils ne nous ont interrogés qu'une seule fois ou, au maximum, deux fois. Nous ne connaissons pas la loi, mais je sais que nous n'avons pas vu un juge avant d'être transférés de la DGSE à la gendarmerie cinq semaines plus tard.

Un homme âgé qui a été détenu pendant plus de quatre mois a déclaré à Human Rights Watch :

Nous étions 16 dans cette petite cellule. Pendant tout ce temps, aucun de nous n'a eu de contact avec sa famille. Tout ce temps … pas de lumière du soleil – vous ne savez pas s'il fait jour ou nuit. Je n'ai été interrogé que trois fois, au début. Le jour où j'ai été libéré, ils m'ont mis un sac noir sur la tête, m'ont fait monter dans une voiture civile, m'ont emmené à plusieurs kilomètres et m'ont dit de descendre. Je n'ai jamais signé de papiers, ni vu un juge… c'est comme si cela ne s'était pas produit. Le jour où je suis arrivé dans mon village… vous auriez dû voir leurs têtes … ils étaient persuadés que j'étais mort.

Violations commises par les forces de sécurité du Burkina Faso

Plusieurs témoins originaires de hameaux proches de la frontière du Mali avec le Burkina Faso ont décrit comment, le 9 juin, des militaires burkinabés ont arrêté environ 74 hommes, âgés de 20 à 70 ans. Les militaires ont accusé les villageois de soutenir le groupe armé islamiste du Burkina Faso Ansaroul Islam, qui a également des bases au Mali.

Beaucoup de ces hommes ont été sévèrement passés à tabac et deux d'entre eux sont morts de ces mauvais traitements peu après leur arrivée à Djibo, au Burkina Faso, selon des témoins. Ceux-ci ont ajouté que les militaires burkinabés avaient incendié des biens lors de l'opération.

L'un des témoins a déclaré : « L'armée du Burkina a reçu des renseignements sur la présence de quelques islamistes [armés] dans le secteur – certains d'entre eux s'étaient peut-être repliés là après la grosse opération des forces françaises dans la forêt de Foulsaré, plus au nord – mais ils [l'armée burkinabée] ont pris tous les hommes qu'ils ont rencontrés, qu'ils aient été en train de cultiver, de faire paître leurs vaches ou dans leur maison. »

Des témoins et des chefs locaux ont affirmé que 44 hommes avaient été emmenés au Burkina Faso pour interrogatoire et que sept d'entre eux y étaient toujours détenus.

Plusieurs membres des familles ont affirmé que ni les autorités burkinabées ni les maliennes ne les avaient informés sur le statut juridique des détenus. « Comment une armée étrangère peut-elle venir ici, en sol malien, et arrêter, passer à tabac, tuer ou emprisonner nos compatriotes ? », a déclaré un chef coutumier. « Je viens de parler au père d'un homme qui a été tué. Personne ne l'a appelé pour lui dire que son fils est là-bas. Doit-il aller lui-même au Burkina pour récupérer le corps de son fils ? »

Si les forces de sécurité burkinabées sont autorisées à effectuer des opérations à travers la frontière, elles ne sont pas autorisées, selon des responsables du ministère malien de la Justice interrogés par Human Rights Watch, à mettre en détention et à interroger des habitants du Mali au Burkina Faso. « Les autorités du Burkina ne sont pas habilitées à emmener des gens de l'autre côté de la frontière pour interrogatoire », a déclaré un responsable de haut rang. « Un tel arrangement nécessiterait un processus de transfert ou d'extradition. »

Un agriculteur âgé de 25 ans de la ville de Kobou, située à sept kilomètres de la frontière du Burkina Faso, a ainsi décrit ce qu'il s'est passé le 9 juin :

Vers 9h00 du matin, j'étais dans mon champ lorsque j'ai vu de nombreux véhicules chargés de militaires. Ils étaient agressifs et ont commencé à me passer à tabac dans mon champ, me frappant à coups de crosse ou de ceinturon. Ils m'ont jeté dans leur véhicule avec les autres et nous ont emmenés au hameau de Dolga, à quelques kilomètres de là. « Pourquoi travaillez-vous avec les djihadistes qui nous tuent? », ont-ils hurlé. Ils nous ont battus là-bas aussi, mais le plus sévère passage à tabac a eu lieu au moment de notre arrestation. Leur médecin a posé des points de suture sur quelques-uns d'entre nous. Je suis parmi les 30 qui ont été libérés le même jour … mais ils en ont emmené plus de 40 au Burkina.

Un agriculteur âgé de 57 ans du village de Kobou a ainsi décrit la mort apparente d'un homme nommé Bourema Hama Diallo:

Ils ont commencé à me frapper dans le dos avec des ceinturons dès leur arrivée dans ma ferme. Ils m'ont jeté dans le camion … c'était une vaste opération… quand nous sommes arrivés à Dolga, j'ai retrouvé presque toute la population masculine là-bas. Beaucoup étaient blessés ; parmi eux, Bourema – il avait été frappé à la tête et saignait beaucoup. Il a failli perdre connaissance avant qu'ils ne nous mettent dans des camions et nous emmènent à Djibo, où ils ont livré certains d'entre nous à la police et d'autres à la gendarmerie. Je faisais partie d'un groupe de 18 dans un camion qui est allé à la gendarmerie.

Après notre arrivée, ils m'ont enlevé mon bandeau et j'ai vu que [Bourema] était très mal en point. Voyant cela, les gendarmes ont dit : « Il faut que nous l'emmenions à la clinique. » Ils ont dû le porter. Je sais qu'il est mort car plus tard ce soir-là, le gendarme qui nous surveillait a dit : « Deux d'entre vous sont morts avant d'arriver au centre médical.» Le second [homme] n'était pas dans le même camion que moi. Je n'ai pas vu les corps après cela, mais je connais le père de Bourema, et il n'a toujours pas revu son fils.

Cet article a été précédemment publié par Human Rights Watch.