OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : doutes et manquements au Mali, Kenya, Burkina Faso

La semaine de la justice transitionnelle : doutes et manquements au Mali, Kenya, Burkina Faso©
Fresque dans le Nord Mali
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La justice transitionnelle cette semaine s’est retrouvée confrontée aux classiques tensions entre droit et politique, entre justice et paix. La Cour Pénale Internationale shérif du monde a notamment montré ses limites et contradictions.

En visite au Mali, pays du Sahel qui vit une transition difficile et incomplète, la procureure Fatou Bensouda a été interpellée par les représentants de la société civile notamment des femmes qui reprochent à la Cour ses lenteurs à instruire une procédure initiée en 2013 en pour les viols commis par des djihadistes dans le nord du pays. Ces ONG demandent aussi une extension des poursuites contre Ahmad Al Faqi, condamné en septembre 2016, par la Cour pour la destruction des mausolées de Tombouctou. Selon les représentants de la société civile malienne, ce djihadiste a commis bien d’autres crimes dans le nord du pays – châtiments islamiques notamment - dont il n’a pas été redevable. Mme Bensouda a promis que le travail de la CPI se poursuivait au Mali sans plus de précisions. Enfin, Mme Bensouda a assuré qu'une plainte contre l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir déclenché la guerre en Libye et causé la mort de son dirigeant Mouammar Kadhafi, déposée devant la CPI par plusieurs organisations de la société civile ouest-africaine réunies début octobre à Bamako, serait "traitée comme toutes les autres communications et allégations que la CPI reçoit". Une plainte certainement symbolique et qui n’à aucune chance d’aboutir mais qui illustre les critiques récurrentes notamment en Afrique contre la CPI, accusée de poursuivre les Africains plutôt que les dirigeants occidentaux.

L’affaire Ocampo, du nom du premier procureur de la CPI, révélée par un consortium de journaux, ne peut que nourrir ce ressentiment. Parmi d’autres graves manquements à l’éthique professionnelle, Luis Moreno Ocampo aurait ainsi emprisonné sans mandat le président ivoirien déchu Laurent Gbagbo. De quoi affaiblir la justice internationale si décriée. Pierre Hazan, conseiller éditorial de JusticeInfo.net, écrit : « La justice pénale internationale, et les hommes et les femmes qui l’incarnent, même après la fin de leur mandat, doivent avoir une conduite irréprochable. Le shérif ou l’ex-shérif de la justice internationale ne peut se mettre au-dessus des lois ni égarer sa boussole morale ».

Doutes au Kenya

Même souci au Kenya qui attend avec inquiétude un nouveau scrutin présidentiel fixé au 26 octobre après que le premier a été annulé par la Cour Suprême du pays. Comme si il y avait trop de droit et de décisions de justice, s’interroge notre correspondante Aileen Kimutai dans un pays encore traumatisé par les violences post-électorales de 2007 qui avaient fait plus de 1000 morts. Ocampo avait inculpé à la suite de ces violences le Président Kenyatta pour « crimes contre l’humanité » avant de se faire rémunérer par le même chef d’Etat pour l’aider à échapper à la justice. Finalement, la CPI avait renoncé à ces poursuites : un des épisodes les plus piteux dans la courte vie de l’institution.

Justice pour Sankara

Autre pays où la justice hoquette, le Burkina Faso qui a célébré le 15 octobre le 30° anniversaire de la mort du Président Thomas Sankara, une crime jamais jugé et toujours impuni, écrit Morgane Le Cam, notre correspondante à Ouagadougou. Elle explique : «  Avec l’enquête sur la répression de l’insurrection populaire d’octobre 2014 et celle sur le coup d’Etat manqué de septembre 2015, cette enquête est l’un des dossiers les plus attendus par les Burkinabè. Il aura fallu attendre la chute du régime de Blaise Compaoré, en octobre 2014, pour qu’une enquête soit enfin ouverte, 28 ans après les faits ».

Dans ce dossier géré par la justice militaire burkinabè, une quinzaine de personnes sont inculpées et deux mandats d’arrêts internationaux ont été lancés. Ils visent les deux principaux suspects. Le premier n’est autre que l’ancien Président Blaise Compaoré. L’autre est le chef du commando qui aurait criblé de balles le capitaine Sankara. Ironie de l’histoire, Compaoré est réfugié en Côte d’Ivoire, pays dont il a pris la nationalité pour échapper aux poursuites du pays dont il fut le Président.