La nomination du futur président de Yad Vashem irrite des rescapés de la Shoah

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La nomination probable d'un ex-ministre de la droite nationaliste à la tête du mémorial de la Shoah de Yad Vashem sème la zizanie dans la classe politique israélienne et déroute des rescapés du génocide nazi.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait fait part en août de son intention de nommer Effi Eitam à la tête de ce lieu de mémoire visité chaque année - hors pandémie - par des centaines de milliers de personnes et des dignitaires étrangers.

Ancien officier de l'armée israélienne, Effi Eitam avait dirigé au début des années 2000 le parti nationaliste Mafdal, partisan d'un "Grand Israël", s'étendant sur la Cisjordanie. Il avait aussi été ministre de la Construction, poste clé lié au développement des colonies en Territoires occupés.

Comme Effi Eitam, l'actuel président de Yad Vashem, Avner Shalev, est un ancien officier de l'armée. Mais contrairement à lui, il n'a pas de passé politique et encore moins un héritage de déclarations controversées sur les Palestiniens et les Arabes israéliens.

En 2006, Effi Eitam avait affirmé que "les Arabes israéliens devraient être expulsés de la scène politique car formant une 5e colonne", expression désignant des ennemis de l'intérieur.

Il avait également suggéré "d'expulser la majorité des habitants arabes" de Cisjordanie occupée, estimant que l'Etat d'Israël ne pouvait renoncer à ce territoire sur lequel les Palestiniens veulent établir l'essentiel de leur futur Etat.

En 2014, il avait appelé à annexer l'ensemble de la Cisjordanie et à donner la nationalité israélienne aux Palestiniens, tout en expulsant ceux qui refuseraient de se plier à ce changement.

Une pétition contre sa nomination a été signée par plus de 800 personnalités parmi lesquelles chercheurs, historiens et des rescapés de la Shoah arguant que "la rhétorique d'Effi Eitam envers les Palestiniens et les Arabes israéliens va à l'encontre des valeurs de Yad Vashem".

"Nous ne pouvons admettre la nomination (...) d'un dirigeant politique dont les indignes déclarations contre les populations arabes sont inacceptables aux survivants de la Shoah", a écrit à l'AFP, Serge Klarsfeld, cofondateur de l'association des "Fils et Filles des Déportés Juifs de France".

"Nous respectons Effi Eitam, militaire courageux, mais Yad Vashem doit avoir à sa tête un chairman dont les qualités humaines et la compétence seront cohérentes avec les sentiments des survivants de la Shoah et avec les responsabilités de cette fonction", ajoute-t-il.

A Jérusalem, des rescapés de la Shoah aux visages barrés de masques sanitaires ont même bravé la pandémie pour manifester la semaine dernière devant le siège du ministère de l'Education contre cette nomination.

- Malaise, malaise -

Créé en 1953, Yad Vashem est une institution étatique qui a pour principal objectif de perpétuer le souvenir du génocide du peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale qui a fait environ six millions de morts, principalement en Europe.

Pour l'ancienne députée travailliste Colette Avital, à la tête d'un regroupement d'organisations israéliennes d'aides aux rescapés du génocide, "ce poste exige des compétences dans le domaine de la Shoah", ce qui n'est pas le cas de M. Eitam, dit-elle à l'AFP.

"Yad Vashem n'est pas seulement un mémorial et un musée mais aussi un institut de recherches historiques sur la Shoah et il faut un background professionnel dans ce domaine pour diriger cette institution", ajoute-t-elle appellent à ce que ce lieu de mémoire incarne des "valeurs humanistes".

Le chef de l'opposition Yaïr Lapid a dénoncé la candidature d'Effi Eitam et appelé à ce que "la Shoah ne se transforme pas en sujet de disputes".

La nomination doit encore être approuvée par un comité ministériel. Mais dans le gouvernement d'union dirigé par M. Netanyahu, des voix discordantes se font entendre notamment dans les rangs du parti centriste Bleu-Blanc de Benny Gantz.

Pour la député "Bleu-Blanc" Michal Cotler-Wunsh, opposée à cette nomination, la question de la direction de Yad Vashem "ne doit pas être politisée ou personnalisée", de surcroît "à l'heure d'une montée de l'antisémitisme", dit-elle à l'AFP.

"Nous avons une opportunité de mettre en place un processus de nomination transparent en définissant des critères, des exigences (...) ce poste est trop important, nous devons être en mesure d'arriver à un consensus ne serait-ce que sur une +shortlist+ de candidats".