03.09.14 - CPI /RDC - LA CPI N'A PAS D'IMPACT SUR LA PAIX, SELON UNE ETUDE D'HARVARD ET DU PNUD

La Haye, 03 septembre 2014 (FH) – Pour la majorité des habitants de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) la Cour pénale internationale (CPI) n'a d'impact ni sur la paix, ni sur la justice, révèle une étude d'Harvard Humanitarian Initiative et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

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Les rapporteurs d' « A la recherche d'une paix durable » précisent que 28% des 5166 adultes interrogés dans les Kivus et en Ituri fin 2013 pensent que la juridiction internationale a une influence négative sur la paix. Seule une personne sur cinq a une vision positive de la Cour.Ce rapport destiné à comprendre « les perceptions connaissance et attitude de la population face à la justice, la paix et la sécurité » souligne néanmoins que « le travail de sensibilisation de la CPI a conduit à une amélioration notable » des connaissances de la population à ses travaux. Les rapporteurs étayent leurs conclusions par le fait qu'en 2008, seules 28% des personnes interrogées avaient entendu parler de la Cour contre 52% en 2013. Ils préconisent néanmoins « un engagement plus local sur le mandat et la réalité de la CPI », afin, écrivent-ils, de « gérer les attentes ». Les rapporteurs n'évoquent pas explicitement la nature de cet engagement. Mais la Cour a notamment la possibilité, jamais exercée à ce jour, de tenir des procès près des victimes et des sites de crimes.

  La CPI enquête depuis dix ans

Le rapport salue aussi le travail de la juridiction, notant qu'« en 2012, la CPI a fait des progrès sans précédent » en prononçant la première condamnation de son histoire, contre le chef milicien Thomas Lubanga. Les auteurs semblent oublier que la Cour a pourtant été épinglée par de nombreux observateurs pour sa lenteur (il a fallu six ans pour juger Thomas Lubanga, et l'appel est encore pendant), et le procureur sévèrement critiqué par les juges pour la faiblesse de son dossier. Mais pour Harvard Humanitarian Initiative et le PNUD, la perception plutôt négative de la CPI, comme de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco), serait due au fait que « leurs mandats ne sont pas bien compris ».Le procureur avait ouvert sa première enquête, à la demande du gouvernement congolais, en 2004. Depuis dix ans, six responsables ont fait l'objet de mandats d'arrêt publics pour les crimes commis dans l'Est congolais. Parmi eux, Thomas Lubanga et Germain Katanga ont été condamnés à des peines de 12 et 14 ans de prison, Sylvestre Mudacumura est en fuite, Mathieu Ngudjolo a été acquitté, Callixte Mbarushimana a bénéficié d'un non-lieu et Bosco Ntaganda s'est rendu volontairement à la Cour en mars 2013.Près de 4 millions de personnes sont décédées lors de la guerre ou à cause d'elle entre 1998 et 2004, selon l'International Rescue Committee, et le nombre de responsables impliqués dans les crimes est incommensurable. La contribution de la Cour à la lutte contre l'impunité reste donc à ce jour limitée. Selon les enquêteurs mandatés par Harvard et le PNUD, si « le système de justice est globalement perçu négativement », ils sont cependant près de 90% à vouloir une justice d'après-guerre et 92% à penser qu'il est possible que justice soit rendue pour ces violences.

La justice congolaise pour juger les crimes de guerre

« La plupart des répondant étaient prêts à pardonner si c'était la seule façon de parvenir à la paix », explique aussi le rapport, mais lorsqu'ils en avaient le choix, la plupart des sondés ont dit qu'ils aimeraient voir les responsables des violences être punis (60%), mis en prison (42%), voir tués, pour 13% des sondés (Voir figure 48). Pour rendre justice, ils préconisent à 48% l'intervention de la justice congolaise, plutôt que les tribunaux militaires ou la CPI. Le rapport conforte ainsi l'idée, défendue par plusieurs ONG et gouvernements, dont au premier chef les Etats-Unis, de consolider la justice nationale pour tenir plus de procès sur le territoire congolais. Pourtant, la méfiance de la population envers le système judiciaire national est bien réelle, puisque 75% des Congolais de l'Est pensent qu'il leur faut payer pour que leur dossier soit examiné, 54% assurent que la justice est corrompue, 41% qu'elle n'existe pas et 35% qu'elle s'exerce en faveur des plus riches (Voir figure 43). Ils ne sont, en outre, que 17% à penser que les décisions sont équitables (Voir figure 42). Au cours des dix dernières années, de nombreuses initiatives émanant d'ONG, d'Etats, de l'Union européenne, ont été initiées pour tenter de réformer le système, mais les succès sont lents. La population préconise la lutte contre la corruption comme étape essentielle, devant la formation des juges et des avocats, et leur rémunération (voir figure 44).Mais plus que la justice, c'est d'abord le dialogue entre les groupes ethniques, qui selon la population, pourra ramener une paix durable. Les personnes interrogées citent ensuite, dans l'ordre, la défaite des groupes armés, la vérité sur les conflits, l'arrestation des auteurs de violences, la création d'emploi, la relance de l'économie, et le dialogue avec les groupes armés. « Le large éventail de réponses reflète le fait qu'une combinaison d'approches est nécessaire pour amener la paix », constatent les chercheurs. Pour les Congolais, le gouvernement (73%) est le plus à même d'y œuvrer, devant Dieu (35%), et leur propre communauté (30%).SM/ER