« Les violences sexuelles dans les zones de conflits peuvent être empêchées » selon une Conférence du CICR

« Les violences sexuelles dans les zones de conflits peuvent être empêchées » selon une Conférence du CICR©Wojtek Lembryk/ ICRC
Une victime de violence sexuelle à l'hôpital de Shabunda dans le Sud Kivu en RDC
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« Les violences sexuelles contre les civils ne sont pas une conséquence inévitable des conflits armés ». C’est le message d’une récente conférence organisée par le Comité International de la Croix Rouge (CICR) et le Centre d’enseignement et de recherche en action humanitaire (CERAH) à Genève.

La conférence a examiné les causes et les stratégies de prévention à l'égard de toutes les formes de violences sexuelles dans les zones de conflits. Alors que la recherche a fait apparaître certaines tendances concordantes, il n'y a toujours pas de consensus sur les meilleures stratégies de prévention, dit le CICR. Parmi les intervenants figuraient un chercheur, un membre du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, une juriste spécialisée dans le droit international humanitaire et une représentante de l'Appel de Genève, une ONG basée en Suisse qui travaille avec des acteurs armés non-étatiques pour promouvoir le respect du droit international humanitaire (DIH).
 
Selon les recherches, les acteurs armés étatiques commettent davantage de violences sexuelles durant les conflits que les acteurs armés non-étatiques. Mais les groupes rebelles et milices tels que l’Etat islamique, Boko Haram et des milices en République démocratique du Congo (RDC) ont également usé du  viol, de l'esclavage sexuel et d'autres formes de violence sexuelle contre des civils. Il est plus difficile d’agir avec eux.
 
Marie Coutin-Lequin de l’ONG l’Appel de Genève estime que cela est néanmoins possible, et que les violences sexuelles dans les conflits peuvent être évitées. Elle a parlé à JusticeInfo.Net.
 
Marie Coutin-Lequin : Je pense qu’on peut empêcher les violences sexuelles dans les conflits si on agit à temps, et je pense que l’on ne devrait pas attendre l’apparition de la violence. Je pense que nous pouvons prédire si des violences sexuelles seront commises ou non. Nous devrions écouter la propagande, le discours de chaque partie et je pense que nous pouvons détecter les discours de haine et de déshumanisation. Ces discours peuvent être des signaux de violences sexuelles. Je pense également qu’on peut observer les tactiques militaires. Plus tôt nous commençons à observer, plus tôt on peut réagir.
 
JusticeInfo.Net : Quand vous parlez de discours de haine et de déshumanisation, voulez-vous dire spécifiquement contre les femmes ?
 
MCL : Non, quand vous regardez les cas de génocides et de violences de masse, la violence sexuelle est utilisée pour déshumaniser l'ensemble du groupe, violer des femmes fait partie de la stratégie pour le détruire. Donc la déshumanisation vise tout le groupe.
 
JusticeInfo.Net : Votre organisation travaille avec des groupes armés non-étatiques et vous leur proposez un Acte d’Engagement. Pouvez-vous nous dire comment ça fonctionne ?
 
MCL : Les Etats peuvent signer des traités internationaux, ce qui n’est pas le cas des groupes armés. Donc, c’est un moyen pour eux de s’engager à des niveaux de normes internationales similaires, voire supérieures.  Il s’agit d’un document par lequel ils s’engagent à respecter une liste de règles. Nous avons un Acte d'Engagement sur ​​l'interdiction des mines antipersonnel, nous en avons un sur l’interdiction de recruter des enfants, la protection des enfants dans les conflits armés, et le troisième est relatif à l'interdiction de la violence sexuelle et l'élimination de la discrimination entre les sexes. Donc, c’est un moyen pour eux de respecter le droit international et de déclarer publiquement qu'ils se conforment à ces règles. Et nous les surveillons une fois que cet Acte est signé.
 
JusticeInfo.Net : Pouvez-vous nous dire dans quels pays et avec quels groupes vous travaillez ?
 
MCL : Nous travaillons actuellement en Syrie, avec des groupes d’opposition syriens. Il ne s’agit pas de l’Etat islamique mais de l’opposition syrienne qui se bat contre le Gouvernement et contre l’Etat islamique. Nous travaillons avec le PKK, avec le SPLM-North au Soudan et aussi au Sud Soudan. Dans la région du Kurdistan, la plupart des groupes ont signé l’Acte d’Engagement. En Asie, nous avons aussi beaucoup de  groupes qui l’ont signé. En Afrique, il n’y a pas encore de signature sur les violences sexuelles malgré le fait qu’ils ont signé d’autres Actes d’Engagement tels que la protection des enfants dans les conflits armés et l’interdiction des mines anti personnel.
 
JusticeInfo.Net : Travaillez-vous ou pensez-vous pouvoir travailler avec des groupes comme l’Etat islamique ou Boko Haram ?
 
MCL : Nous étudions la question. Dans tous les conflits armés, peu importe le degré de violence de ces groupes, il y a toujours des gens qui ont de bonnes pratiques et une certaine volonté de ne pas nuire, donc nous allons identifier ces personnes. Nous allons travailler aussi avec les universitaires qui comprennent les lois islamiques et interprètent l'islam d'une manière plus positive. Nous allons travailler avec eux et voir comment ils peuvent convaincre l’Etat islamique d'agir différemment. Je ne dis pas que dès maintenant, depuis Genève, tout cela est faisable, mais nous avons besoin de nous y intéresser, nous avons besoin de mieux comprendre ces groupes. Et je pense que plus il y a d’organisations pour discuter, moins l’Etat islamique se sentira isolé. Donc, je pense que cela devrait être un effort commun. Pensons à ce sujet et préparons-nous.