Guatemala : une idée neuve pour l'Amérique centrale

Guatemala : une idée neuve pour l'Amérique centrale©ORLANDO ESTRADA / AFP
Manifestations de joie au Guatemala après la levée de l'immunité du Président Otto Pérez Molina
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Des manifestations pacifiques contre la corruption et pour un nouveau système politique : la vague populaire inédite qui déferle au Guatemala rappelle le mouvement des Indignés espagnols, ses promoteurs souhaitant inspirer le Honduras et le Salvador voisins.

"Oui, nous nous réclamons des Indignés", confie Alvaro Montenegro, étudiant en droit de 27 ans qui fait partie des organisateurs des premières manifestations au Guatemala, en avril.

"D'une certaine manière, oui cela nous inspire mais ce n'était pas planifié, il y a des circonstances propres à chaque pays", dit-il, soulignant les différences entre l'Espagne et le Guatemala, pays miné par la violence du crime organisé et la pauvreté, après 36 ans de guerre civile.

L'étincelle est un simple événement organisé via Facebook : l'appel à manifester le 25 avril, après la révélation d'un scandale de corruption touchant le gouvernement.

"Nous avons écrit un communiqué pour dire que nous n'étions liés à aucun parti politique, qu'on n'allait installer aucune scène car nous ne voulions promouvoir aucun leader, et que nous voulions un mouvement pacifique", précise Alvaro.

Grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux, tous leurs espoirs sont dépassés: dès la première manifestation 30.000 personnes, un cortège mélangé où se côtoient familles, étudiants, retraités et indigènes, descendent dans la rue.

L'ambiance et les mots d'ordre ne sont pas sans rappeler les Indignés, vaste mouvement de ras-le-bol populaire contre la corruption qui a secoué l'Espagne à partir de 2011.

"Effectivement il y a beaucoup de similitudes, à l'exception du contexte de violence et de la culture politique existante", commente pour l'AFP Kevin Parthenay, chercheur à l'Opalc, l'observatoire sur l'Amérique latine de Sciences Po Paris.

"Prenant en considération ces deux derniers aspects, on semble là plus proche du Printemps arabe que des Indignés", ajoute-t-il, se disant "pas totalement convaincu" d'un effet de contagion à toute l'Amérique centrale.

"L'émulation, je la vois davantage possible au Honduras qu'au Salvador", dit-il par exemple.

 

- Les Honduriens torche à la main -

 

Depuis des semaines, des manifestations ont lieu au Honduras, où le parti du président Juan Orlando Hernandez (droite) est lui aussi accusé de corruption.

Encouragés par les résultats de la Commission de l'ONU contre l'impunité au Guatemala (Cicig), les Honduriens, qui s'auto-proclament également "Indignés", exigent de bénéficier d'une commission similaire.

Défilant chaque semaine avec des torches à la main, ils réclament la démission de leur président.

"Avant, les participants aux manifestations étaient vus comme des paresseux, des voyous, maintenant ça a changé, des familles entières sortent manifester, même les enfants voient que la corruption est mauvaise", confie Gabriela Blen, étudiante de 27 ans en contact régulier avec le mouvement guatémaltèque.

De manière plus générale, "il y avait auparavant une attitude passive face à la corruption et cela a changé".

"Les médias ont essayé de rendre ce mouvement invisible, mais c'est devenu tellement grand que cela a été impossible", raconte Paul Emilio Zepeda, avocat de 28 ans impliqué dans les manifestations, qui ont réuni jusqu'à près de 100.000 personnes.

 

- 'Partager notre expérience' -

 

Les indignés du Guatemala espèrent aussi inspirer le Salvador, où une première manifestation est prévue samedi.

"Nous leur donnons beaucoup d'informations sur comment s'organiser, nous partageons notre expérience", explique Alvaro Montenegro.

Dans ce pays, c'est l'ex-président Francisco Flores qui est impliqué dans un scandale de corruption, mais jusqu'à présent aucun mouvement de ras-le-bol n'a émergé, ni au Panama où l'ex-président Ricardo Martinelli, poursuivi, a quitté le pays en janvier.

Au Salvador, c'est avant tout "l'opposition de droite qui voudrait voir installer une commission du style de la Cicig", indique l'analyste Dagoberto Gutiérrez.

Et au Panama, "il y a un réveil de la population, de plus en plus attentive chaque jour au thème de la corruption", commente Ramon Arias, président de la Fondation pour le développement et la liberté citoyenne, mais "cela n'a pas encore la même force qu'au Guatemala et Honduras, car ici les gens sont un peu plus passifs" face à cette question.

En Espagne, le mouvement des Indignés a débouché, en 2015, sur les succès politiques des partis Podemos et Ciudadanos.

Au Guatemala, où des élections générales sont prévues dimanche, "nous sommes à peine en train de commencer", observe Manfredo Marroquin, président de l'ONG Accion Ciudadana, branche locale de l'organisation anti-corruption Transparency international.

Mais si cela ne se traduit pas plus tard en force politique, alors "ça n'aura servi à rien".