CPI : neuf ans de prison pour la destruction des mausolées de Tombouctou

CPI : neuf ans de prison pour la destruction des mausolées de Tombouctou©Photo CPI
Le jihadiste malien Al Mahdi devant la CPI le 27 septembre 2016
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Le Malien Ahmed Al Faqi Al Mahdi a été condamné à 9 ans de prison par la Cour pénale internationale (CPI), mardi 27 septembre. L’ancien djihadiste d’Ansar Dine avait plaidé coupable d’un crime de guerre pour la destruction des mausolées de Tombouctou.

 Le procureur avait requis une peine de 9 à 11 ans de prison. Les juges ont choisi l’option la plus basse. « Bien que fondamentalement graves, les crimes contre les biens le sont généralement moins que les crimes contre les personnes », a lu à l’audience, le président Raul Pangalangan. Tombouctou est « une ville emblématique, ayant une dimension mythique et un rôle spécial pour la diffusion de l’Islam dans la région », a néanmoins rappelé le juge philippin s’appuyant sur les expertises présentées au cours du procès. Puis, il a qualifié la destruction des mausolées d’« acte de guerre, qui visait à abattre la population dans son âme ».

L’âme de Tombouctou

L’âme de la population de Tombouctou, Ahmed Al Mahdi, a bien tenté de la conquérir au cours de son procès, en demandant le pardon de la population du Mali, pour un acte qu’il affirme aujourd’hui regretter. Les juges ont retenu son repentir au titre des circonstances atténuantes, estimant qu’il pourrait « favoriser la paix et la réconciliation dans le nord du Mali en atténuant les souffrances morales des victimes par la reconnaissance de l’importance de la destruction ». En rendant leur verdict, les juges ont retenu la version de l’histoire défendue par l’accusé. Abou Tourab, de son nom de guerre, avait expliqué, lors de son procès organisé fin août, qu’il n’avait jamais ordonné la destruction des mausolées. Pendant un mois, il a observé les rites auxquels s’adonnaient les habitants autour des mausolées. Ce « connaisseur du Coran » estimait que si les monuments étaient illégaux, rien dans le Coran ne préconisait néanmoins leur destruction. C’est ce qu’il aurait expliqué au gouverneur de Tombouctou, et chef d’AQMI, Abou Zeid. Mais le chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, ordonne de les abattre et Ahmed Al Mahdi, alors chef de la brigade des mœurs de la ville occupée, s’exécute. Il supervise, sélectionne les hommes et les sites à détruire, fournit les armes ; pioches et barres de fer ; écrit le sermon du vendredi, et revendique les attaques auprès de journalistes.

Les risques du coupable

Son plaidoyer, ses remords, sa demande de pardon, le fait qu’à l’heure des destructions en Syrie et en Irak, il ait exhorté « les gens à ne pas commettre de tels crimes », et sa coopération avec le procureur, ont plaidé pour lui. Les juges ajoutent qu’il a pris des risques, avec ses aveux et sa coopération, pour lui et sa famille, qu’il n’a pas vue depuis son transfèrement à La Haye, le 26 septembre 2015. Arrêté au Niger dans un convoi d’armes en provenance de Libye, par les forces de l’opération française Barkhane, il avait accepté de répondre aux interrogatoires du procureur dès le début. Au cours du procès, l’accusation avait estimé que cette coopération pourrait alimenter de futurs dossiers. L’enquête, ouverte par la procureure à la demande du Mali en janvier 2013, se poursuit.

Une réponse à l’extrémisme

Huit des neuf mausolées détruits sous la supervision de ce Touareg malien étaient inscrits au patrimoine de l’humanité, comme la porte de la mosquée Sidi Yahia, dont la légende dit que l’ouvrir provoquerait la fin du monde. A l’époque, l’Unesco avait demandé à la procureure de conduire une enquête. La directrice générale, Irina Bokova, a salué le verdict. « Quatre ans après le saccage des mausolées de Tombouctou, dans un contexte marqué par la destruction de Mosul, de Palmyre, 15 ans après le dynamitage des Bouddhas de Bamiya ». La diplomate bulgare a estimé que ce procès est « un élément central de la réponse plus large que nous devons apporter à l’extrémisme aujourd’hui, où la culture et le patrimoine ont acquis un rôle de premier plan ». Constat plus mitigé du côté des ONG, notamment de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) qui a porté plainte à Bamako contre plusieurs djihadistes dont Ahmed Al Mahdi. « Nous aurions souhaité que les charges visant Al Mahdi soient étendues aux crimes commis contre les personnes », a déclaré la vice-présidente de l’organisation, Drissa Traore. Jugé « authentique » par les juges, on ne sait dès lors pas si le repentir de cet érudit porte aussi sur les objectifs et les méthodes d’Ansar Dine et d’AQMI, des groupes « dévoyés » comme il avait dit lors du procès. Ni le procureur, ni la défense ne devrait faire appel de la décision, tel qu’ils l’avaient promis dans l’accord présidant au plaider-coupable si les juges se tenaient à une peine comprise entre 9 et 11 ans de prison. Avec le prononcé du verdict, le procès en réparation peut désormais s’ouvrir. Ahmed Al Mahdi aurait proposé à l’imam de la mosquée Sidi Yahia de rembourser le coût de la destruction de la porte. Mais l’histoire ne dit pas encore quel prix payer pour les croyances envolées.