La semaine de la justice transitionnelle : le génocide Herero rattrapé

La semaine de la justice transitionnelle : le génocide Herero rattrapé©archives allemandes
Le général Lotha von Trotha (assis, au centre) qui dirigeait les troupes allemandes auteur de l’ordre d’extermination des Herero en 1904
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La justice transitionnelle a rattrapé cette semaine le génocide des Herero par l’armée coloniale allemande en 1904 qui passe pour le premier génocide de l’histoire. Une juge à New York a accepté la plainte des descendants de deux tribus de l’actuelle Namibie les Herero et les Nama massacrées par le colonisateur allemand.

Jamais jugé, assimilé aux guerres coloniales, ce massacre recense pourtant les critères d’un génocide définis par le juriste américain Raphael Lemkin en 1944 pour la Shoah et depuis reconnus par l’ONU. Et, La Namibie envisage de faire un procès à l'Allemagne pour obtenir 30 milliards de dollars en compensation de ce génocide, selon des documents officiels consultés par le quotidien The Namibian et l'AFP. Les autorités namibiennes ont engagé des juristes pour préparer le dépôt devant la Cour Pénale Internationale d'une plainte pour violations des droits de l'Homme incluant "des excuses et des réparations".

Intentionnalité de faire disparaître une communauté, dépossession, camps de concentration, expériences scientifiques sur des "spécimens" d'une race jugée inférieure, extermination: les ingrédients des grands génocides du XXe siècle étaient déjà réunis. Le chef Herero Vekuii Rukoro, 62 ans et venu spécialement de Namibie, a déclaré jeudi aux Etats-Unis que "ce qui est arrivé aux Juifs (pendant l'Holocauste) n'était que le perfectionnement de ce qui (nous) est arrivé". Pierre Hazan, conseiller éditorial de JusticeInfo.net explique : « Le général Lotha von Trotha, qui dirigeait les troupes allemandes écrit l’ordre d’extermination en 1904 selon lequel « tout Herero trouvé sur le territoire allemand, avec ou sans fusil, avec ou sans bétail, devra être tué. Je n’accepte pas non plus les femmes et les enfants : ils devront être renvoyés ou fusillés ». Certains historiens ont tracé une filiation entre « l’Holocauste du Kaiser » et celui commis par l’Allemagne de Hitler, tous deux reposant sur une idéologie eugéniste, la pureté raciale et une vision scalaire de l’humanité. L’impunité absolue dont bénéficia le général Lotha von Trotha après avoir commis ce crime de masse conforta sans doute les nazis qu’ils ne risquaient rien à exterminer d’autres populations ».

En fixant la prochaine audience au 21 juillet, la juge new yorkaise Laura Taylor Swain a accordé une première victoire à la quinzaine de représentants des deux tribus venus spécialement à New York depuis la Namibie, le Canada ou des Etats-Unis, parfois en costumes traditionnels hérités de l'ère coloniale. L'Allemagne dispose de quatre mois pour répondre à leur demande de réparation pour les "dommages incalculables" subis par les deux peuples, déposée le 5 janvier à New York.

Plusieurs représentants de l’Allemagne contemporaine ont employé le terme de “génocide” en rapport avec l’extermination de ces deux peuples mais Berlin refuse de verser des reparations arguant de l’aide au développement accordée à la Namibie et à l’Afrique du Sud avant l’indépendance de la Namibie en 1990.

Colombie

Autre avancée du droit, la Colombie où un tribunal spécial a été mis en place pour juger les crimes de la guerre civile. La réforme instaure un dispositif appelé "Système intégral de justice, de vérité, de réparation et de non-répétition", qui comprend trois mécanismes: une Commission pour la vérité, une Unité pour la recherche des personnes considérées comme disparues pendant le conflit entre les Farc et les forces gouvernementales, et une Juridiction spéciale pour la paix (JEP).. La Colombie veut ainsi mettre un terme à un conflit armé de plus d'un demi-siècle qui a impliqué une trentaine de guérillas, des paramilitaires et les forces de l'ordre, faisant au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

À noter aussi, le Myanmar où l’ONU demande une enquête sur les massacres de la minorité musulmane des Rohingya par l’armée et la police notamment dans l’état du Rakhine. Dans une interview avec notre partenaire au Myanmar The Frontier, la rapporteur spéciale Yanghee Lee explique : “ Personne aujourd’hui ne sait exactement ce qui s’est passé dans le nord de l’Etat de Rakhine durant « les opérations de ratissage » - nous avons des allégations graves et troublantes de graves violations des droits de l’homme qui auraient été commises par les forces de sécurité dans une région qui était bouclée depuis plusieurs mois et que des dizaines de milliers de personnes avaient apparemment fuie”.