CENTRAFRIQUE : TIRER DES LEÇONS DU TRIBUNAL CHARGÉ DE JUGER HISSÈNE HABRE

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Bangui, 24 mai 2015 (FH) – Décidée à se doter d’une Cour pénale spéciale (CPS), la Centrafrique veut tirer des leçons des Chambres africaines extraordinaires (CAE) créées au sein de la justice sénégalaise pour juger l’ancien président tchadien Hissène Habré.
C’est dans ce cadre que se sont déroulés cette semaine à Bangui, en Centrafrique, des échanges entre, d’une part, le Consortium de sensibilisation sur les Chambres africaines extraordinaires et le Réseau centrafricain des ONG de promotion et de défense des droits de l'Homme et, d’autre part, les professionnels centrafricains du droit, dont certains auront certainement un rôle à jouer dans cette Cour.
Le projet de loi créant cette Cour pénale spéciale, qui avait été déposé au Parlement de transition par le gouvernement le 6 février dernier, a été adopté le 22 avril en plénière à une très grande majorité des voix.
La Cour sera chargée d’enquêter sur les crimes les plus graves et de poursuivre les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis sur le territoire centrafricain depuis 2003.
Les discussions de cette semaine à Bangui ont notamment porté sur les enjeux de la mise en place d'un tel mécanisme judiciaire en Centrafrique. Les juristes centrafricains ont suivi avec intérêt des explications sur le cheminement des CAE, qui s’apprêtent à ouvrir, le 20 juillet prochain, le procès de l’ex-président tchadien en exil au Sénégal depuis sa chute fin 1990.
Hissène Habré est poursuivi pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et tortures commis au Tchad durant ses huit ans de pouvoir.
« Les Chambres africaines extraordinaires (siégeant au Sénégal) nées de la volonté africaine et la Cour pénale spéciale (pour la Centrafrique) ont l'avantage d'être ancrées dans le système judiciaire de ces deux pays, ce qui constitue un avantage décisif en terme de coûts, de proximité avec les populations et de renforcement des capacités judiciaires nationales », a expliqué Franck Petit, expert en communication et chef d'équipe du Consortium de sensibilisation sur les CAE.
Pour lui, cette future Cour pénale spéciale, qui a le soutien des Nations-Unies, amènera les professionnels centrafricains du droit à rompre avec un certain nombre d’habitudes contribuant à discréditer la justice nationale.
Magistrats, avocats et huissiers de justice locaux ont par ailleurs soulevé des préoccupations relatives, entre autres, à la sécurité des juges de la future Cour et de leurs familles, au principe de la non- rétroactivité de la loi pénale, à la peine capitale encore gravée dans le code pénal centrafricain et à la contribution de la Cour au rétablissement de la sécurité.
Des questions légitimes pour l’avocat centrafricain Célestin Nzala qui estime, néanmoins, qu’il faut une solution « audacieuse pour la Centrafrique » où « l'impunité fait perdurer le cycle de violence ».
Même avis de la part du député Blaise Fleury Otto, président de la Commission chargée des lois au Parlement de transition. « La création de la Cour pénale spéciale en Centrafrique répond à un souci, celui de toute l'opinion nationale centrafricaine de mettre un terme à l'impunité des crimes les plus graves qui ont été commis en Centrafrique depuis le 1er janvier 2003 ».
Après son adoption par les députés de transition, le projet de loi sur la Cour pénale spéciale pour la Centrafrique doit maintenant être promulgué par la présidente Catherine Samba-Panza. « Ce sera bientôt chose faite », a promis le ministre d’Etat à la Justice, Aristide Sokambi, présent à l’ouverture des discussions.
Au lendemain de l’adoption du texte par le Parlement, des organisations de défense des droits de l’Homme avaient exhorté l’exécutif centrafricain à le signer le plus tôt possible.
« Il n’y a maintenant aucun temps à perdre pour que le gouvernement et ses partenaires internationaux rendent la Cour pénale spéciale opérationnelle dès que possible», avait ainsi demandé Human Rights Watch.
Selon le texte approuvé par les députés, la Cour pénale spéciale pour la Centrafrique sera un mécanisme judiciaire hybride – c’est-à-dire composé de magistrats centrafricains et internationaux – établi au sein du système judiciaire centrafricain pour une période de 5 ans, renouvelable. Le président de la Cour sera centrafricain et tandis que le procureur sera citoyen d’un autre État.
HM/ER