Kosovo: Les guérilleros vent debout face à la cour internationale

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Les anciens rebelles indépendantistes kosovars ne veulent pas choir de leur piédestal: ils rejettent la nouvelle cour internationale qui pourrait prochainement prononcer ses premières inculpations pour crimes de guerre.

Au Kosovo, qui fête samedi les dix ans de son indépendance de la Serbie, ils sont 40.000 inscrits à l'association des anciens combattants (OVL), même si le nombre réel de guérilleros fut sans doute moindre lors de la guerre d'indépendance contre les forces serbes (1998-99).

Leur poids politique est important, les statues de leurs camarades défunts couvrent le pays, les rues et les places portent leurs nom. OVL entretient des liens quasi organiques avec les partis au pouvoir, le PDK du président Hashim Thaçi ou encore l'AAK du Premier ministre Ramush Haradinaj.

Les vétérans sont à l'origine d'une pétition qui a recueilli 15.000 signatures, exigeant l'abrogation de ce tribunal accepté par Pristina en 2015, ce que des députés de la coalition au pouvoir ont à deux reprises tenté de faire depuis décembre.

- Fermeté occidentale -

"Les députés qui soutiennent cette initiative et les politiciens qui la mènent malgré leurs démentis, auront à en subir les conséquences ciblées et dures. Ils le savent, nous leur avons dit", a prévenu l'ambassadeur américain Greg Delawie. Cette fermeté a marqué dans un pays d'1,8 million d'habitants, sous perfusion internationale.

De droit kosovar mais installée à La Haye par souci de protection des témoins, cette cour enquêtera notamment sur les accusations de crimes commis par l'Armée de libération du Kosovo (UCK).

Parmi les inculpés potentiels régulièrement évoqués, figurent Hashim Thaçi, ex-chef politique de l'UCK, et Kadri Veseli, président du parlement et ex-patron des services secrets de la guérilla.

Frère du Premier ministre et ancien commandant d'une unité commando, Daut Haradinaj, 39 ans, est également évoqué. "Je n'ai pas peur", répond-il à l'AFP, silhouette affutée, regard direct. Composée de magistrats étrangers, cette cour "viole la souveraineté de la République du Kosovo", dit ce député de 39 ans, qui a perdu deux autres frères au combat.

Le tribunal est la conséquence d'un rapport de 2011 du Conseil de l'Europe, accusant des responsables de l'UCK de crimes contre des Serbes, des Roms ou des adversaires politiques kosovars albanais.

Ultime conflit dans l'ex-Yougoslavie, la guerre du Kosovo avait fait, selon l'ONG indépendante Humanitarian Law Centre, 13.578 morts, dont 10.830 Albanais, 2.281 Serbes et Monténégrins, 240 Roms et 227 autres.

- 'Guerre juste' -

Patron de l'OVL, Hysni Gucati, 59 ans, s'offusque de l'"injustice" de ce tribunal qui ne viserait "que les membres de l'UCK", même si la cheffe de la cour, la Bulgare Ekaterina Trendafilova, a assuré l'inverse.

"Nous avons mené une guerre juste pour la libération de notre pays", dit le vétéran, montrant les photos d'atrocités commises par des Serbes.

"Nous nous sommes opposés à ce tribunal et continueront à le faire", prévient Xhevdet Qeriqi, 43 ans, dirigeant du Conseil pour la défense des anciens combattants de l'UCK, une autre association.

La motion parlementaire semble promise à l'échec. Tout en qualifiant d'"injustice historique" ce tribunal, Hashim Thaçi a assuré que le Kosovo respecterait "toutes ses obligations internationales". Lui-même se tient à la disposition des enquêteurs "à n'importe quelle heure, dans n'importe quelles circonstances, (...) avec tous (ses) moyens", a-t-il dit à l'AFP.

Les vétérans peuvent-ils compter sur un soutien populaire ?

Aucun sondage n'a été réalisé, mais Arben Hajrullahu, professeur de sciences politiques à l'Université de Pristina, en doute: "Nous n'aurons pas de rébellion d'une majorité des citoyens, qui seront heureux que tout cela soit éclairci une fois pour toutes".

Députée d'opposition du LDK (centre droit), Doruntina Maloku, 35 ans, se réjouit de cette nouvelle chance de confondre les assassins de son père, Enver Maloku, abattu en janvier 1999 à Pristina. Ce journaliste était proche du "père de la nation" Ibrahim Rugova, adversaire politique de l'UCK. Pour l'élue, "une population entière n'a rien à craindre d'accusations de crimes portées contre quelques personnes".