En Syrie, le viol comme arme de guerre (presse)

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Dès 2011, Damas a utilisé le viol comme arme de guerre pour mater et terroriser ses opposants et leur famille, selon une enquête publiée lundi par Libération, qui s'appuie sur des témoignages d'ex-cadres du régime.

"Ces viols sont loin d'être le fait d'agents incontrôlables dans des centres de détention isolés. Des dizaines de témoignages concordants de victimes indiquent que les forces pro-Al-Assad ont violé des femmes, ainsi que des hommes, dans la quasi totalité des gouvernorats, tout au long du conflit", écrit le journal.

Il cite des chiffres du réseau syrien des droits de l'Homme, selon lesquels 7.700 femmes ont été victimes de violences sexuelles ou de harcèlement aux mains des forces pro-régime dont plus de 800 en prison. Un nombre sans doute sous-estimé tant la honte éprouvée par les victimes les empêche souvent de dénoncer ces crimes.

Une enquête publiée le 15 mars par l'Onu, basée sur 454 interviews, a elle aussi rapporté des viols et violences sexuelles systématiques contre des civils, perpétrés par des soldats de l'armée syrienne et des miliciens pro-régime.

"Impossible d'imaginer que les plus hauts dignitaires ignoraient ces pratiques, tant l'appareil syrien est hiérarchisé", estime Libération.

Le journal cite notamment Mahmoud (prénom modifié), ancien haut fonctionnaire à Homs en 2011-2012 qui a participé à plusieurs réunions des services de renseignement syriens, les moukhabarat.

Ce dernier rapporte cet ordre lancé par le directeur des services de renseignements de l'armée de l'air à Homs à un autre officier: "Allez baiser les femmes de leurs familles ! Faites tout ce que vous voulez ! Personne n'aura à rendre de compte". 

Pour lui, le régime a utilisé le viol "comme punition parce que c'est extrême. Il n'y a rien de pire dans notre culture". 

Oum Ahmad, ancienne gardienne de prison de 57 ans, évoque elle les hurlements des opposantes violées et torturées en détention, et les pillules contraceptives qui leur étaient distribuées tous les jours avec leur repas, dès mars 2011. 

Pour avoir dénoncé "les choses horribles" dont elle a été témoin, elle aussi a été arrêtée et violée.

Si plusieurs femmes ont accepté de témoigner, beaucoup d'autres se taisent par crainte d'être perçue comme déshonorées, dans une société largement patriarcale et conservatrice.

"Nombre de victimes de viol ont été rejetées par leur famille, répudiées par leur mari" écrit Libération, qui rapporte le cas d'une jeune fille de 23 ans, enceinte à sa sortie de prison, qui s'est défenestrée.