Opération "Tempête": la Croatie célèbre la "victoire", la Serbie commémore les victimes

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La Croatie a entamé mardi des célébrations de deux jours de sa "victoire" dans l'opération "Tempête", qui lui avait permis, il y a 20 ans, de reconquérir des territoires contrôlés par des sécessionnistes serbes, alors que la Serbie s'est souvenue de son côté des victimes d'un "pogrome".

A Zagreb, le 20e anniversaire de la "libération" du pays a été célébré en fin de journée par un défilé militaire auquel ont participé quelque 3.000 militaires, dont des anciens combattants du conflit serbo-croate (1991-95), plus de 300 véhicules et une trentaine d'avions et d'hélicoptères.

"C'est l'armée qui avait remporté la victoire il y a vingt ans. Nous célébrons aujourd'hui une fête, mais on ne se réjouit pas de la peine d'autrui, comme certains l'affirment", a déclaré en marge du défilé le Premier ministre croate, Zoran Milanovic.

La proclamation en 1991 par la Croatie de son indépendance de la Yougoslavie a été suivie d'une guerre entre les forces de Zagreb et les rebelles serbes de Croatie, soutenus par Belgrade, qui s'y opposaient. Ce conflit a fait environ 20.000 morts.

Le 4 août 1995, les forces croates ont lancé l'opération "Tempête" pour reprendre une grande partie des territoires tenus par les indépendantistes serbes, mettant ainsi, pratiquement en quelques jours, fin à la guerre.

Des centaines de Serbes - 667 personnes selon le Comité Helsinki, et 2.500 selon le gouvernement serbe - ont été tués pendant et après cette opération, et plus de 200.000 ont fui la Croatie.

"La Tempête avait été un tournant crucial (dans le conflit), une opération militaire brillante, justifiée et légitime", a déclaré la présidente croate Kolinda Grabar Kitarovic, en appelant ses concitoyens à être "fiers et dignes" pendant les deux jours de célébrations.

Dans la soirée, plusieurs milliers de personnes ont assisté à Sremska Raca, dans le nord-ouest de la Serbie, à une commémoration pour les victimes, organisée près d'un pont entre la Bosnie et la Serbie par lequel arrivait, il y a vingt ans, la colonne avec des réfugiés serbes.

-"un crime horrible"-

Le Premier ministre serbe, Aleksandar Vuicic, a déploré la "célébration d'un pogrome pendant deux jours" en Croatie et affirmé que l'opération "Tempête" était un "crime horrible".

"Dans l'histoire récente serbe, il n'existe pas de jour plus triste", a-t-il déclaré, en ajoutant toutefois que la Serbie devait "soigner" la paix avec la Croatie et avoir avec ce pays voisin "les meilleures relations à l'avenir".

"J'espère que nous serons bientôt de bons amis au sein d'une maison commune, l'Union européenne. Mais nous adressons aujourd'hui ici un message clair: le crime doit être pardonné, mais il ne peut pas et ne doit pas être oublié", a déclaré M. Vucic.

Le gouvernement serbe a décrété un jour de deuil national pour mercredi, en affirmant que l'opération "Tempête" était le "pire nettoyage ethnique" dans l'histoire récente de l'Europe.

Les autorités croates poursuivront mercredi les célébrations à Knin (sud), chef-lieu pendant la guerre d'une "république" autonome éphémère, proclamée à l'époque par les rebelles serbes.

Jugés pour crimes de guerre commis dans l'opération "Tempête", deux généraux croates, Ante Gotovina et Mladen Markac, avaient été condamnés en première instance, en 2011, respectivement à 24 ans et 18 ans de prison, par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

Ils ont ensuite été acquittés en appel en novembre 2012, un verdict qui avait été accueilli avec enthousiasme en Croatie et qui a provoqué la colère en Serbie.

La justice croate a condamné à ce jour un seul militaire croate, Bozo Bacelic, à 7 ans de prison, pour avoir tué un couple serbe de septuagénaires et un prisonnier militaire dans les jours ayant suivi l'opération.

Les Serbes sont toujours la minorité la plus importante en Croatie, comptant pour 4,4% des 4,2 millions d'habitants du pays. En 1991, ils représentaient 12,2% de la population de l'ex-république yougoslave, qui comptait alors plus de 4,7 millions d'habitants.