Trêve en Syrie: des espoirs mais aussi beaucoup d'interrogations

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Le président syrien Bachar al-Assad a affirmé vouloir reconquérir toute la Syrie, quitte à mener de "longs" combats, à quelques jours de l'entrée en vigueur espérée d'une trêve âprement négociée entre les grandes puissances.

A l'issue d'intenses discussions à Munich (sud de l'Allemagne), les Etats-Unis, la Russie et leurs principaux alliés -en dehors des parties syriennes- sur ce dossier ont appelé dans la nuit de jeudi à vendredi à une "cessation des hostilités" d'ici une semaine.

Si elle se confirme sur le terrain, elle constituera un premier pas concret pour faire taire les armes dans cette guerre qui a fait 260.000 morts depuis 2011 et poussé des millions de personnes à l'exil.

A Munich, les parties ont aussi convenu d'intensifier les livraisons d'aide humanitaire pour les villes assiégées par le régime de Damas ou le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Réunis à Genève vendredi les 17 pays membres du Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG) ont fait savoir qu'une "livraison soutenue" d'aide devrait commencer "dès cette semaine dans les zones où les civils ont un besoin désespéré d'assistance".

La trêve négociée à Munich exclut les groupes jihadistes tels que l'Etat islamique (EI) et al-Nosra - branche locale d'Al-Qaïda - et donc l'arrêt des bombardements occidentaux et russes visant ces groupes.

Annonçant cette "cessation des hostilités", le chef de la diplomatie américaine John Kerry a néanmoins souligné ne pas se faire d'"illusions" sur la difficulté à faire mettre en oeuvre cette décision par les rebelles et les forces gouvernementales syriennes.

- 'Longs combats' -

Dans un entretien exclusif à l'AFP accordé jeudi, avant l'accord, Bachar al-Assad a affiché sa détermination à reprendre le contrôle de toute la Syrie, avertissant que les combats contre les rebelles qui cherchent à le renverser pourraient être "longs".

"Depuis le début de la crise, nous croyons totalement aux négociations et à l'action politique. Cependant, négocier ne signifie pas qu'on arrête de combattre le terrorisme", a poursuivi M. Assad.

Le régime syrien désigne par "terroriste" tous ses opposants armés, qu'ils appartiennent à une tendance modérée ou jihadiste.

Il s'agit de la première interview de M. Assad à un média depuis l'échec le mois dernier des pourparlers de Genève et le lancement par son armée au début du mois d'une vaste offensive militaire dans la région d'Alep (nord) appuyée par les bombardements de l'aviation russe.

Cette offensive a poussé des dizaines de milliers de Syriens à fuir les combats et à tenter de se réfugier en Turquie, suscitant l'inquiétude des Occidentaux.

Pour les Occidentaux, les Russes, principaux soutiens avec Téhéran du régime de Bachar al-Assad, doivent désormais montrer l'exemple.

"Les mots doivent être suivis de faits (...) et c'est à la Russie que revient la principale responsabilité" de mettre en oeuvre la cessation des hostilités, a insisté une porte-parole du gouvernement allemand, Christine Wirtz.

Du côté de l'opposition syrienne, on s'est montré circonspect, ses dirigeants ayant annoncé qu'il revenait aux groupes armés sur le terrain de décider de leur position.

"Le projet de cessation provisoire des hostilités sera examiné par les factions rebelles sur le terrain", a déclaré George Sabra, un membre du Haut comité des négociations (HCN), organe constitué de représentants des principaux partis d'opposition et mouvements rebelles.

Autre difficulté, les Occidentaux reprochent depuis des mois aux Russes de frapper sans discrimination groupes extrémistes et rebelles modérés, susceptibles d'être des partenaires de négociations. Ils craignent que cela ne continue malgré l'accord de Munich, Moscou et Damas classant de nombreux groupes sous la même étiquette de "terroriste".

"Al-Nosra est actif à Alep et plusieurs groupes ont des liens avec cette organisation. C'est un feu vert donné aux Russes pour poursuivre leurs actions militaires tout en faisant semblant de respecter l'accord", commente Julien Barnes-Dacey, expert à l'European Council on Foreign Relations à Londres.

"Nous continuerons, de même que la coalition conduite par les Etats-Unis, à combattre" les groupes "terroristes", s'est borné à dire le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

La "bataille principale" d'Alep a pour but de "couper la route" entre cette province et la Turquie car elle constitue "la voie principale de ravitaillement des terroristes", a renchéri M. Assad en désignant par ce terme les rebelles soutenus par la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar.

Prudent, Mazen Darwich, un défenseur des droits de l'Homme emprisonné pendant trois ans par le régime syrien, a relevé que "tous les efforts étaient bienvenus" mais appelé à bien "évaluer sur le terrain" le bon vouloir de Moscou.

- Négociations de Genève -

Pour la Turquie, vers laquelle se pressent les civils fuyant les bombardements, l'accord de Munich est un "pas important sur la voie d'un règlement de la crise syrienne".

Les négociations intersyriennes, suspendues début février en pleine offensive du régime sur Alep (nord), doivent "reprendre dès que possible", a insisté John Kerry.

L'opposition syrienne réclame des signes concrets au plan humanitaire et l'arrêt des bombardements avant de reprendre ces négociations reportées au 25 février.

Moscou refuse de faire du départ de Bachar al-Assad un préalable alors que les Occidentaux estiment qu'avec lui aucune solution durable n'est possible.

L'ONU a accusé dans plusieurs rapports le régime Assad de crimes de guerre, récemment pour "l'extermination" de détenus, mais le président rejette ces accusations.

"Les institutions onusiennes (...) sont essentiellement dominées par les puissances occidentales et la plupart de leurs rapports sont politisés", a-t-il affirmé à l'AFP.

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