La CPI donne raison au vice-président kényan Ruto sur l'utilisation d'anciens témoignages

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Les juges de la CPI ont donné raison vendredi au vice-président kényan William Ruto, qui protestait contre l'admission au dossier d'anciennes dépositions de témoins recueillies avant leurs rétractions, un coup très dur pour le procureur dans ce procès pour crimes contre l'humanité.

Le juge Piotr Hofmanski a annulé la décision de ses collègues, en août, d'accepter "dans l'intérêt de la justice" ces anciens témoignages, le procès ayant été marqué par des allégations de menaces et d'intimidations de témoins.

Le procureur avait à l'époque affirmé que pas moins de 16 de ses 42 témoins avaient "succombé aux influences irrégulières" et arrêté de coopérer, évoquant des menaces, intimidations ou la peur de représailles.

Deux Kényans avaient été arrêtés en septembre, accusés d'avoir soudoyé des témoins via des pots-de-vins allant jusqu'à 5 millions de shillings kényans (43.000 euros).

La décision avait été prise en vertu d'un article du règlement de la CPI, la règle 68, autorisant dans certains cas, l'utilisation de ces témoignages.

Cette règle avait été votée par l'Assemblée des Etats parties, qui regroupe les pays ayant adhéré à la Cour pénale internationale, en novembre 2013. Le procès de William Ruto et de son co-accusé, le présentateur de radio Joshua Arap Sang, s'était ouvert deux mois plus tôt, en septembre 2013.

Les deux hommes sont accusés d'avoir orchestré certaines des violences ayant accompagné et suivi la réélection contestée du président Mwai Kibaki face à Raila Odinga, fin 2007-début 2008.

Elles ont fait plus de 1.300 morts et 600.000 déplacés, selon l'accusation.

William Ruto, 49 ans, et Joshua Arap Sang, 40 ans, comparaissent libres et nient toute responsabilité dans ces violences, les pires de l'histoire post-coloniale du Kenya.

Cette règle 68 peut être appliquée de manière rétroactive, a assuré le juge Hofmanski, mais pas au détriment de l'accusé : l'admission de ces témoignages "affectent négativement la position générale de MM. Sang et Ruto".

-"Grande victoire"-

La décision, qui a été rendue à l'unanimité des cinq juges de la chambre d'appel, est un coup très dur pour le bureau du procureur, alors que les juges doivent se prononcer sous peu sur la demande de M. Ruto de clore le dossier, faute de preuves.

La décision de vendredi est "une très grande victoire pour la justice", a affirmé à l'AFP l'avocat de M. Ruto, Karim Khan : "la chambre d'appel a correctement appliqué la loi".

Pour les experts, cette décision affaiblit de nouveau le dossier du procureur.

"Il y a un consensus que le dossier est plutôt faible", a affirmé à l'AFP Mark Kersten, chercheur à l'Université de Toronto : "il se trouve désormais très clairement entre la vie et la mort".

Pour Aaron Matta, chercheur à l'Institut de La Haye pour la justice mondiale, la décision "augmente les chances de MM. Ruto et Sang d'être déclarés innocents". Pour la représentante à La Haye de la FIDH, la Fédération internationale des droits de l'Homme, la tâche du bureau du procureur est "désormais plus difficile".

Au Kenya, le chef de la majorité à l'Assemblée, Aden Duale, membre du parti du vice-président kényan William Ruto, a salué la décision : la chambre d'appel "a restauré la crédibilité de la CPI". "La règle du droit a prévalu", a-t-il ajouté dans un communiqué.

Le bureau du procureur a affirmé dans un communiqué "avoir pris note de la décision et être en train de l'étudier".

Le procureur désirait également poursuivre le président kényan Uhuru Kenyatta mais avait du renoncer, faute de preuves suffisantes.

Les procédures ont également été marquées par une campagne internationale menée par le Kenya, et soutenue par l'Union africaine (UA), pour mettre un terme aux poursuites contre le président kényan et son vice-président.