Les Péruviens élisent leur président, Keiko Fujimori favorite

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Les Péruviens élisent dimanche leur nouveau président, qui a de fortes chances d'être Keiko Fujimori, mais le scrutin est sous la menace d'une loi permettant de disqualifier des candidats jusqu'au dernier moment et se déroule au lendemain d'attaques meurtrières de l'ex-guérilla maoïste.

Jetant une ombre menaçante sur le vote, deux attaques samedi attribuées par les autorités à des forces résiduelles du Sentier lumineux maoïste ont fait quatre morts, trois soldats et un civil, et sept blessés, dans le centre du pays.

Le président péruvien Ollanta Humala a condamné ces "actes de démence": "Le terrorisme et ceux qui s'allient à lui n'ont aucune place dans notre société et notre famille".

Mariano Cucho, chef du Bureau national du déroulement des élections, a déclaré pour sa part que "ces attaques n'entacheraient pas le scrutin".

Les guérilleros ont d'abord mené une attaque dans la région de Hunin, une zone de jungle considérée comme un bastion de l'ex-guérilla, tuant trois soldats et un chauffeur qui emmenaient des militaires surveiller le scrutin dans le district de Santo Domingo de Acobamba. Cinq soldats ont été blessés.

Une deuxième attaque a visé un bateau de l'armée sur la rivière Apurimac, dans le district de Yochegua, situé dans la région d'Ayacucho (sud-est), blessant deux soldats.

Quelque 23 millions de Péruviens se rendent aux urnes dimanche, à partir de 13H00 GMT, pour le premier tour de la présidentielle et afin d'élire leurs parlementaires.

Depuis le début de la campagne, Keiko Fujimori (Fuerza Popular, droite) est la favorite. L'ombre de son père, Alberto Fujimori, l'ancien président qui purge une peine de 25 ans de prison pour corruption et crime contre l'humanité plane toujours sur la trajectoire de sa fille de 40 ans.

Une nouvelle loi électorale, adoptée en janvier et qui permet de disqualifier des candidats jusqu'au dernier moment, faisait planer une lourde incertitude sur les candidats.

Cette législation interdit, sous peine d'exclusion, la distribution d'argent ou de cadeaux durant la campagne. Pour ouvrir une enquête, une simple plainte suffit.

Des 19 candidats inscrits au départ, neuf ont déjà été mis hors jeu ou ont renoncé.

Cette loi, conçue à l'origine pour combattre la corruption et l'achat de voix, est contestée par des juristes car elle laisse la possibilité d'éliminer des candidats jusqu'au jour même du vote, faisant régner l'incertitude.

- 'Malléabilité des votants' -

Signe de cette confusion, les millions de bulletins de vote comportent encore les photos et les noms de 14 candidats, quatre d'entre eux s'étant retirés après l'impression, mi-mars.

Si depuis le début de la campagne Mme Fujimori tient la corde, l'électorat péruvien reste très imprévisible, souligne Gaspard Estrada, directeur exécutif de l'Opalc, l'observatoire sur l'Amérique latine de SciencesPo Paris. "Il y a une grande malléabilité des votants. Le Pérou est un pays où ça peut bouger très fortement à la fin de la campagne, quand les intentions de vote se cristallisent", déclare-t-il à l'AFP.

Le pays l'a démontré en 1990 lorsque l'inconnu Alberto Fujimori s'était imposé face à l'archifavori, l'écrivain et prix Nobel Mario Vargas Llosa.

Mais à en croire les derniers sondages, "Keiko" est toujours solidement installée en tête, avec 31,5 à 35,4% des intentions de vote.

A la fois avantagée et desservie par son patronyme, elle ne devrait cependant pas dépasser la barre des 50%, et aura donc à affronter un second tour le 5 juin.

Lors du dernier meeting électoral, elle a promis d'appliquer un ambitieux plan sécuritaire pour en finir avec la criminalité, une des principales préoccupations des Péruviens.

Sa politique pénitentiaire, avec des prisons à plus de 4.000 mètres d'altitude, rappelle celle de son père qui avait isolé les guérilleros et était presque venu à bout de la guérilla du Sentier lumineux lors de ses mandats (1990-2000).

Loin derrière avec 14,8 à 17,3%, l'économiste de droite Pedro Pablo Kuczynski est au coude-à-coude pour la deuxième place avec la jeune parlementaire de gauche Veronika Mendoza (13,8 à 16,8%).

Cette psychologue de 35 ans a enregistré une forte progression durant les derniers jours de la campagne, rattrapant l'ex-banquier de Wall Street de 77 ans pour tenter d'accéder au second tour.

Celui ou celle qui prendra les rênes du pays à partir du 28 juillet devra faire face à de nombreux défis.

Outre l'insécurité et une économie très dépendante des ressources minières, de la pêche et de l'agriculture, le pays connaît un net ralentissement économique, avec une prévision de croissance pour 2016 de 3%.

Ce chiffre est "bien en-dessous des 7% (de croissance) qui seraient nécessaires pour résoudre les problèmes de l'extrême pauvreté, de l'inégalité dans la distribution des richesses et l'inégalité des chances" dont souffrent les Péruviens, souligne l'ancien ministre du Travail, Jorge Gonzalez Izquierdo.