Syrie: indignation après une frappe meurtrière contre un camp de déplacés

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Une partie de la communauté internationale a accusé vendredi le régime syrien d'avoir tué 28 civils dans une frappe contre un camp de déplacés dans le nord-ouest du pays, mais Moscou et Damas ont rejeté la faute sur les rebelles et les jihadistes.

A Alep, la grande ville du nord, une trêve de 48 heures mise en place sous pression des Américains et des Russes, parrains respectivement des rebelles et du régime, était toujours respectée vendredi soir. Elle doit expirer samedi à 01H01 locale (vendredi 22H00 GMT) selon le pouvoir.

Jeudi soir, des raids aériens avaient visé un camp de déplacés dans la province d'Idleb, où sont réfugiées des familles ayant fui les combats d'Alep. Bilan: au moins 28 morts dont des femmes et des enfants et une cinquantaine de blessés.

L'incertitude demeurait sur la partie responsable de ces frappes sur le camp proche de la ville de Sarmada, frontalière de la Turquie, alors que le ciel syrien est encombré par les appareils du régime, ceux de la Russie et ceux de la coalition internationale.

L'armée du président syrien Bachar al-Assad, pointée du doigt par des militants antirégime, a nié toute implication, accusant les rebelles de mener des "attaques contre des cibles civiles" pour en faire assumer la responsabilité au pouvoir. Les rebelles ne disposent toutefois pas d'avions.

Son allié russe a de son côté estimé qu'il ne s'agissait pas de frappes aériennes mais de bombardements d'artillerie des jihadistes du Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda. "Aucun aéronef russe ou autre (appareil) n'a survolé" cette zone, a assuré le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konachenkov.

Des vidéos publiées sur internet par des militants et présentées comme celles du drame, montrent des tentes bleues en lambeaux, des flammes et d'épaisses fumées noires s'élevant du lieu et des cris d'hommes et des pleurs d'enfants.

- 'Que Dieu les maudisse' -

"Que Dieu les maudisse!", peut-on entendre dans une des vidéos. "Où sont les ONG (internationales)?", s'écrie une voix d'homme.

Des volontaires avec des seaux d'eau s'activaient dans le camp ravagé, où on peut voir des blessés, notamment des femmes, hurler de douleur.

Attribuant les frappes au régime Assad, le chef de la diplomatie britannique Philip Hammond s'est dit "horrifié". "Le mépris du régime d'Assad devant les efforts destinés à rétablir la trêve est clairement visible par tous".

Pointant aussi un doigt accusateur vers le régime, la France a dénoncé vendredi un raid "révoltant et inacceptable".

Les responsables de l'attaque "semble-t-il calculée" devront "rendre des comptes", a déclaré un porte-parole du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon qui s'est lui-même dit "scandalisé" par le bombardement du camp de déplacés.

Pour sa part, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a affirmé dans un communiqué qu'il "était probable que les attaques aient été délibérées et (qu'elles) constituent un crime de guerre".

Il souligne que "des rapports préliminaires suggèrent que ces attaques ont été menées par le gouvernement syrien", mais considère que "ces informations restent à vérifier".

La guerre en Syrie, qui a fait plus de 270.000 morts, a aussi poussé à la fuite des millions de personnes depuis son déclenchement en mars 2011, provoquant un désastre humanitaire qui a atteint les portes de l'Europe.

La province d'Idleb est contrôlée par le Front Al-Nosra et ses alliés, le groupe jihadiste étant exclu, au même titre que son rival Etat islamique (EI) de l'accord de cessation des hostilités entré en vigueur le 27 février à l'initiative des Etats-Unis et de la Russie et gravement compromis.

- Mutinerie à Hama -

La coalition internationale dirigée par les Etats-Unis concentre ses frappes sur l'EI alors que le régime cible rebelles et jihadistes. La Russie, alliée de M. Assad, vise certains groupes rebelles et les jihadistes.

Des dizaines de milliers de civils fuyant les combats se sont retrouvés dans des camps établis près de la frontière de la Turquie qui pour le moment refuse de les laisser passer.

Dans le centre du pays, les forces de sécurité syriennes ont donné l'assaut à la prison de Hama où une mutinerie a éclaté lundi pour protester contre les conditions de détention ainsi que les peines de mort visant plusieurs dizaines de prisonniers, selon des militants syriens.

Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux montre un couloir sombre, des flammes. La voix d'un détenu affirme que ces images ont été prises ce 6 mai dans la prison de Hama.

"Il y a des évanouissements et des cas de suffocation", selon le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane. Un grand nombre de détenus sont des prisonniers politiques, selon Paris qui a dit son inquiétude face au risque de "représailles meurtrières de la part du régime".

Alors qu'une trêve durable peine à s'instaurer en Syrie, la Russie et le Qatar, opposés sur le dossier syrien, ont prôné vendredi un règlement politique du conflit.

A l'occasion d'une rencontre sur les bords de la mer Noire avec le président russe Vladimir Poutine, le ministre des Affaires étrangères du Qatar a assuré être venu en Russie pour parler des possibilités de "sauver le processus politique" dans un pays ravagé par plus de cinq années de guerre.