Juan Manuel Santos, de faucon à artisan de la paix en Colombie

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Juan Manuel Santos, qui dirige la Colombie depuis plus de six ans, a combattu sans merci la guérilla des Farc en tant que ministre de la Défense avant de s'imposer comme un artisan de la paix dans ce pays déchiré depuis plus d'un demi-siècle.

"Nous tournons la page de la guerre pour commencer à écrire le chapitre de la paix", a déclaré M. Santos mercredi à la tribune des Nations unies, après avoir remis au Conseil de sécurité les 297 pages de l'accord, nouées d'un ruban aux couleurs jaune, bleu et rouge du drapeau colombien.

Lundi devant de nombreux chefs d'Etat et personnalités, il signera un accord de paix historique avec le chef des Farc, Timochenko, lors d'une cérémonie à Carthagène des Indes, sur la côte caraïbe (nord).

Quand il était ministre de la Défense (2006-2009), Juan Manuel Santos avait pourtant dirigé la plus féroce offensive jamais lancée contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), fondées en 1964 et qui comptent encore à ce jour quelque 7.000 guérilleros.

Mais une fois élu en 2010, puis réélu en 2014, ce dirigeant de centre-droit au tempérament réfléchi s'est de plus en plus ouvertement affiché comme un partisan déterminé de la paix. Symboliquement, il arbore au revers de sa veste une minuscule colombe, un pin's en métal qu'il aime à offrir à ses visiteurs.

"Toute ma vie, j'ai été un adversaire implacable des Farc", avait admis M. Santos lors de la signature du cessez-le-feu bilatéral en juin. Mais "maintenant (...) je défendrai, avec la même détermination, leur droit à s'exprimer et à poursuivre leur lutte politique par les voies légales, même si nous ne sommes jamais d'accord".

Libéral formé à la London School of Economics, M. Santos, 65 ans, s'est juré d'en finir avec une guerre qui mine humainement et économiquement son pays, pourtant la plus ancienne démocratie latino-américaine, épargnée par les coups d'Etat un temps coutumiers de la région.

 - De l'offensive acharnée à la main tendue -

 "Il vaut toujours mieux une paix imparfaite qu'une guerre parfaite", a-t-il affirmé début septembre lors d'un entretien à l'AFP.

Il est "convaincu" que le "oui" à la paix avec la guérilla des Farc l'emportera au référendum du 2 octobre, mécanisme non obligatoire mais voulu par le chef de l'Etat afin de donner une légitimité plus large à la paix.

Au fil des décennies, ce conflit complexe - qui a fait au moins 220.000 morts et plus de six millions de déplacés - a opposé guérillas d'extrême gauche, paramilitaires d'extrême droite, forces armées et cartels de la cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial.

Des pans entiers du territoire restent truffés de mines anti-personnel, qui ces 15 dernières années ont tué 2.000 personnes et en ont estropié 9.000 autres, faisant de ce pays de jungles et de montagnes le plus touché par ce fléau après l'Afghanistan.

Et M. Santos entend bien avancer sur le chemin d'une paix globale. Son gouvernement a ainsi pris des "contacts exploratoires" avec l'Armée de libération nationale (ELN), en vue de pourparlers avec cette autre guérilla de 1.500 hommes.

Issu d'un milieu influent - son grand-oncle fut chef de l'Etat et patron du quotidien El Tiempo - ce père de trois enfants a enchaîné les ministères. Mais c'est à la Défense qu'il s'impose par une lutte sans merci contre les guérilleros, sous la férule de son prédécesseur conservateur Alvaro Uribe.

A son actif, l'élimination en 2008 du numéro deux des FARC et la libération de l'otage franco-colombienne Ingrid Betancourt. Puis c'est le chef militaire de la guérilla, Jorge Briceño, qui tombe en 2010, et son chef suprême Alfonso Cano l'année suivante.

En parallèle toutefois, le gouvernement établit des contacts avec la guérilla car, selon Mauricio Rodriguez, plus proche conseiller du président, "la paix est son objectif". "Il a fait la guerre comme un moyen pour y arriver: affaiblir les Farc pour les obliger à s'asseoir à la table du dialogue".

Cette détermination n'a toutefois pas valu que des éloges à Juan Manuel Santos. Alvaro Uribe, qui fut pourtant son mentor, est allé jusqu'à lui reprocher de "trahir la patrie".