Le Gabon solde toujours sa crise post-électorale après l'investiture de Bongo

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Des familles qui dénombrent 26 morts, des opposants toujours aux prises avec la justice, le rétablissement complet des connexions internet, le Gabon continuait mercredi de solder sa crise post-électorale, au lendemain de l'investiture du chef de l'Etat Ali Bongo Ondimba.

Des centaines de personnes avaient été arrêtés dans les violences post-électorales début septembre, 407 avaient été relâchées, 393 déférées au parquet de Libreville et 31 incarcérées, avait indiqué le procureur.

D'autres personnalités avaient été arrêtées fin septembre de façon plus ciblée avant la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle.

Parmi elles, l'ex-patron du renseignement, Léon-Paul Ngoulakia, cousin du président passé à l'opposition, "vient d'être libéré", a indiqué son avocat français Eric Moutet à l'AFP. "Il est en liberté provisoire le temps de l'instruction du dossier, il rentre chez lui ce soir" (mercredi).

M. Ngoulakia avait été arrêté vendredi alors qu'il "circulait à bord d'un véhicule avec une forte somme d'argent et des tracts appelant à la sédition", selon une source sécuritaire.

Un autre opposant, l'ex-député Bertrand Zibi, qui avait démissionné en provoquant publiquement Ali Bongo dans un discours fin juillet, "est toujours emprisonné à Gros-Bouquet (centre de détention à Libreville, NDLR). On va déposer une plainte à New York dans 15 jours parce qu'il a la nationalité américaine". 

La loi gabonaise prévaut au Gabon pour les binationaux, avait prévenu le gouvernement pour des binationaux français interpellés pendant les troubles.

"D'autres personnes ont été arrêtées la semaine dernière mais je n'ai pas encore les mandats (de défense)", a poursuivi  M. Moutet, qui est également l'avocat du rival d'Ali Bongo, Jean Ping. "Les gens commencent à avoir peur. Il y a une espèce de chape de plomb qui est en train de s'installer sur le Gabon", selon lui.

Une "cellule des disparus" au QG de Jean Ping a par ailleurs enregistré "26 décès déclarés par des parents, qui ont identifié les corps. Tous ont été tués par balles entre le 31 août et le 4 septembre", a déclaré à l'AFP l'une de ses responsables.

Le gouvernement a fait état de trois morts dans l'éruption des violences qui a suivi la première proclamation de la victoire d'Ali Bongo le 31 août.

 

 - L'internet de retour le soir -

 Cette victoire a été validée vendredi dernier par la Cour constitutionnelle qui a rejeté la requête de Jean Ping dénonçant des fraudes. Ce dernier parle d'un "déni de justice" et s'autoproclame toujours le "président élu", mais ne dispose plus d'aucun recours légal après la décision de la Cour.

Une campagne intitulée "Tournons la page" a demandé "la libération" de "tous les détenus politiques", ainsi qu'"une enquête internationale indépendante sous égide des Nations unies pour faire la lumière sur les massacres, les disparitions et les arrestations arbitraires".

Animée par un acteur de la société civile gabonaise, Marc Ona, et le Secours catholique en France, "Tournons la page" demande aussi à la communauté internationale "de ne pas reconnaître le gouvernement d'Ali Bongo Ondimba".

Pour la première fois depuis le 31 août, l'internet était disponible après 18h00 (17h00 GMT), alors que les connexions étaient impossibles depuis quatre semaines toutes les nuits jusqu'à environ 06h30 du matin. Aucune explication officielle n'a jamais été donnée. Le réseau de messagerie instantanée Whatsapp était également de nouveau disponible.

Le président Bongo a prêté serment mardi pour un second septennat en répétant dans son discours d'investiture son appel à un dialogue politique. Un appel auquel M. Ping n'a pas répondu.

M. Bongo apparaît à la tête d'un pays divisé et relativement isolé. Seuls quatre chefs d'Etat africains ont assisté à son investiture (Sao Tomé, Mali, Togo, Niger). D'autres pays, comme le Cameroun, le Sénégal et le Maroc, l'ont aussi félicité pour sa réélection.

L'Union africaine n'a fait que "prendre acte" de la décision de la Cour constitutionnelle. La France et les observateurs électoraux de l'Union européenne ont regretté que la Cour n'ait pas dissipé tous les doutes entourant le scrutin à un tour du 27 août.

Des diplomates - France, Etats-Unis, Union européenne et Nations unies - ont rencontré M. Ping mardi après-midi après avoir assisté à la prestation de serment d'Ali Bongo.