Accord de sortie de crise en RDC : l'espoir fait place au doute

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La République démocratique du Congo était dans l'attente vendredi de la signature d'un accord pour sortir de la crise politique provoquée par le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, annoncé comme imminent la veille mais qui semblait se "compliquer" après la nuit.

L'espoir a laissé place au doute. "Ça se complique", a laconiquement confié à l'AFP vendredi matin une source au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui assure la médiation de ces négociations pour une transition politique pacifique, ouvertes le 8 décembre.

Après des travaux en commission dans l'après-midi et une séance plénière en soirée, les négociateurs s'étaient pourtant quittés jeudi soir en affichant un certain optimisme, laissant leurs juristes finaliser la rédaction de l'accord.

"C'est sûr, nous terminerons demain" (vendredi), avait assuré Mgr Fridolin Ambongo, vice-président de la Cenco.

"Nous avons obtenu tout ce que nous voulions", confiait de son côté à l'AFP une source dans l'opposition. "Normalement, l'accord sera signé demain vendredi", ajoutait Félix Tshisekedi, chef de la délégation de l'opposition à l'issue d'une séance plénière vers 22h00 (21h00 GMT).

"Le président a fait suffisamment de concessions, l'accord sera signé demain", avait également affirmé Lumanu Mulenda, négociateur de la majorité présidentielle. 

L'AFP a pu consulter le document de travail résumant les principaux points du projet d'accord ayant fait l'objet d'un consensus lors de travaux en commission jeudi en fin d'après-midi.

Ce texte prépare l'instauration d'une "transition politique" et la tenue "fin 2017" de la présidentielle, qui aurait dû être organisée cette année et que le pouvoir disait ne pas pouvoir organiser avant avril 2018.

Il inclut aussi une forme de garantie que le président Kabila ne briguera pas un troisième mandat, conformément à la Constitution, et prévoit la création d'un "Conseil national de transition" chargé de veiller à la bonne exécution de l'accord, particulièrement sur les questions électorales.

En contrepartie, l'opposition, rassemblée autour de la figure historique d’Étienne Tshisekedi, accepterait le principe du maintien au pouvoir de M. Kabila jusqu'à une passation de pouvoir avec un successeur élu, alors qu'elle demandait jusque-là son retrait immédiat de la vie publique.

 

- Ultimatum des évêques -

 

Âgé de 45 ans, M. Kabila est au pouvoir depuis 2001. La Constitution lui interdit de se représenter. Son second mandat s'est achevé mardi dans un climat de violence.

De lundi à jeudi, entre 56 et 104 personnes, selon les sources, ont péri dans des violences politiques ou interethniques dans le pays. Ces chiffres ne tiennent pas compte d'affrontements au bilan encore inconnu mardi dans la ville de Kananga (centre) entre forces de l'ordre et une milice opposée au gouvernement central.

Mercredi, à la reprise des discussions après un intermède de trois jours, le président de la Cenco avait lancé un ultimatum aux participants, les sommant de trouver un accord "avant Noël". 

"Si les acteurs politiques et de la société civile n'arrivent pas à un compromis à cette échéance, à faire des concessions pour une gestion consensuelle de la période transitoire, la Cenco en tirera toutes les conséquences qui s'imposent", avait ajouté Mgr Marcel Utembi.

L'Église catholique a joué un rôle majeur dans l'ouverture démocratique pendant les dernières années du règne du dictateur Mobutu Sese Seko, renversé en 1997 par Laurent-Désiré Kabila, père de l'actuel président.

Elle jouit d'une audience sur les questions politiques qui dépasse largement le cercle de ses fidèles (environ 40% de la population).

Les pourparlers à l’initiative des évêques visent à éviter le scénario du pire : une nouvelle descente aux enfers du pays, ravagé entre 1996 et 2003 par deux guerres ayant fait au moins trois millions de morts. 

État-continent de 70 millions d'habitants, la RDC n'a jamais connu de transition pacifique du pouvoir depuis son indépendance de la Belgique en 1960, et sa partie orientale reste déchirée par de multiples conflits armés depuis plus de vingt ans.

Les cinq premières années de son existence ont été marquées par une lutte pour le pouvoir ayant entraîné une guerre civile dont est sorti seul vainqueur le général Mobutu en 1965.

Celui-ci sera déposé en 1997 par Laurent-Désiré Kabila, père de l'actuel président, qui lui succèdera à son assassinat en 2001, en plein conflit.

Confirmé en 2006 à la tête du pays lors des premières élections libres organisée depuis l'indépendance, M. Kabila a été réélu en 2011 lors d'un scrutin entaché de fraudes massives, à l'origine de la crise actuelle.