Retour compliqué pour les réfugiés vietnamiens expulsés des Etats-Unis

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Nguyen a fui le régime communiste vietnamien par bateau seul à l'âge de neuf ans... mais le voilà de retour dans ce pays qu'il connaît à peine, après son expulsion des Etats-Unis où il vivait depuis 40 ans.

Il a laissé ses enfants, aujourd'hui adultes, et sa deuxième épouse à Boston et passe maintenant ses journées dans les administrations vietnamiennes pour tenter d'obtenir des papiers d'identité dans ce pays natal où il pensait ne jamais revenir.

"Je n'arrive toujours pas à croire que je suis ici", explique Nguyen, qui ne souhaite donner que son nom de famille pour des raisons de sécurité.

"Je veux vraiment retourner aux Etats-Unis, j'ai vécu davantage là-bas qu'ici", explique Nguyen qui souffre de la chaleur étouffante de Ho Chi Minh-ville, la capitale économique vietnamienne où il vit dorénavant.

Condamné aux Etats-Unis pour complot et fraude, cet ancien ouvrier a reçu son ordre d'expulsion à sa libération de prison l'an passé. Puis, en décembre, il a été renvoyé vers le Vietnam.

Comme lui, quelque 8.600 ressortissants vietnamiens, dont la plupart ont été emprisonnés pour trafic de drogue ou meurtre, risquent l'expulsion par l'administration Trump. 

 

  - Accélération des expulsions -

 

Entre octobre 2016 et 2017, 71 Vietnamiens ont été expulsés - deux fois plus qu'un an plus tôt - et le rythme s'accélère encore. Entre janvier et la mi-avril de cette année, 76 ressortissants sont arrivés au Vietnam, selon les données des services américains de l'immigration et des douanes (ICE). 

La même politique s'applique pour le Mexique, le Cambodge, la Birmanie...

Certains estiment toutefois que dans le cas du Vietnam il s'agit d'une violation d'un accord signé entre Hanoï et Washington qui interdisait l'expulsion des Vietnamiens arrivés avant 1995 et la normalisation des liens entre les anciens ennemis.

Quatre réfugiés ont intenté un recours collectif contre le gouvernement des Etats-Unis après leur renvoi et dénoncent les mois de détention qui ont précédé leur expulsion.

"L'ICE concentre ses ressources sur les individus qui constituent une menace pour la sécurité nationale, la sécurité publique et la sécurité des frontières", a expliqué à l'AFP son porte-parole, Brendan Raedy.

Quand Nguyen a été expulsé, il y avait dans l'avion une trentaine d'autres Vietnamiens comme lui. Ils ont été débarqués à Ho Chi Minh-Ville après un vol de 24 heures pieds et mains enchaînés.

Un retour après 40 ans aux Etats-Unis où il était arrivé seul après le meurtre de son père par le pouvoir communiste en 1979.

Depuis qu'il est revenu au Vietnam, même la vie de sa mère, qui n'en est jamais partie, est chamboulée: la vieille femme de 80 ans a reçu à plusieurs reprises la visite de policiers vietnamiens en civil.

"C'est très, très risqué", dit-il, l'air soucieux.

D'autres partagent son inquiétude.

Ted Osius, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Vietnam, a expliqué récemment dans une tribune qu'il avait démissionné l'an passé car il était en désaccord avec la politique que souhaitait mettre en place le gouvernement Trump.

Et notamment, sa volonté de tordre le bras des autorités vietnamiennes pour qu'elles acceptent des milliers de réfugiés qu'Hanoï est réticent à voir revenir.

 

  - 'Politique raciste' -

 

"Je pense fondamentalement que c'est une politique raciste", a-t-il déclaré à l'AFP.

Il craint qu'un grand nombre de rapatriés finissent par être victime de violation des droits de l'homme dans le pays communiste qui n'hésite pas à emprisonner ses opposants.

C'est exactement la crainte de Vu Ha. Ce dernier a reçu l'an passé sa lettre d'expulsion après un séjour en prison. Mais le Vietnam n'a toujours pas donné son feu vert à son retour.

"Je suis coincé entre les deux", raconte l'homme de 37 ans.

Il n'a pas mis les pieds au Vietnam depuis ses neuf ans et il est terrifié à l'idée d'y revenir.

"Il n'y a rien de bon au Vietnam. Le gouvernement s'en prend aux citoyens qui n'ont pas de liberté de parole", ajoute Vu Ha, dont la fille termine le lycée.

Ces expulsés ont pour l'instant peu de recours mais ne désespèrent pas de pouvoir rentrer chez eux après le départ de Trump, un homme qui "n'a pas de cœur", d'après Nguyen.

D'ici là, ce dernier veut apprendre à conduire une mobylette, moyen de locomotion de prédilection dans sa nouvelle ville, où sa femme vient de lui rendre une courte visite.

"Il a quitté le Vietnam alors qu'il était un petit garçon", raconte-t-elle en larmes. "Maintenant il ne sait pas quoi faire".

jv/tib/ab