Au Pérou, l'ex-président Fujimori fête ses 80 ans et défend son héritage

2 min 43Temps de lecture approximatif

Aussi adulé que détesté, l'ex-président péruvien Alberto Fujimori, gracié alors qu'il purgeait une peine pour crimes contre l'humanité, fête samedi ses 80 ans en défendant son héritage qui doit faire du Pérou "un pays leader en Amérique latine".

"J'arrive à 80 ans avec toutes les marques du temps, les soubresauts de la vie politique, d'énormes satisfactions et de profondes tristesses", écrit-il dans une lettre manuscrite adressée à l'AFP.

Alberto Fujimori, qui a dirigé le Pérou d'une main de fer de 1990 à 2000, purgeait une peine de 25 ans de prison pour crime contre l'humanité et corruption lorsqu'il a été gracié le 24 décembre pour raisons de santé. Il avait été reconnu coupable d'avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992.

Cette libération anticipée au bout de 12 ans décidée par l'ancien président Pablo Pedro Kuczynski a déclenché une crise politique et de vives protestations d'organisations de défense des droits de l'homme et des victimes de la répression du régime Fujimori.

Mi-juin, la Cour interaméricaine des Droits de l'homme a épinglé le Pérou pour cette grâce.

Retiré de la vie politique, il vit seul dans une maison en location dans un quartier chic de Lima. Ce père de quatre enfants et grand-père de deux petites-filles y rédige ses mémoires et s'occupe des ses plantes, un de ses grandes passions.

"Après 1990, ma vie a adopté un rythme vertigineux car je me suis engagé à sauver le Pérou du désastre dont j'avais hérité : chaos, terrorisme et catastrophe économique. Je connais ce pays, car, depuis ma jeunesse, je parcours ses territoires, je sais donc combien il possède d'énormes richesses matérielles mais aussi d'inestimables capacités humaines", poursuit l'ex-président qui défend son héritage politique.

Dans ce pays andin, difficile d'oublier le passage au pouvoir de celui que l'on surnomme "El Chino" (le Chinois). Pour certains, il est l'homme qui a combattu avec succès la guérilla maoïste du Sentier lumineux et dopé l'essor économique du pays.

- Hors-jeu -

D'autres se souviennent surtout de ses méthodes autoritaires, qui l'ont conduit derrière les barreaux pour avoir commandité deux massacres perpétrés par un escadron de la mort en 1991-1992, dans le cadre de la lutte contre le Sentier lumineux.

"Une nation comme la nôtre aura beau connaître des hauts et des bas, elle parviendra au final à son destin, qui est celui d'être un pays leader en Amérique latine. Je ne verrai probablement pas cet objectif se réaliser complètement, mais peu importe. Je suis convaincu d'avoir posé les bases pour y arriver", estime-t-il dans son courrier.

Comment expliquer une telle division des Péruviens à son sujet?

Pour l'écrivain Luis Jochamowitz, auteur d'une biographie non autorisée, "si l'on se place sur le long terme, il semble être un des présidents (du Pérou) les plus influents du XXe siècle, pas parmi les meilleurs mais de ceux qui ont laissé une trace", explique-t-il à l'AFP.

"A la différence d'autres hommes politiques à succès, Fujimori a un bilan: il a résolu les problèmes liés au terrorisme et à l'économie", souligne le sociologue et analyste Carlos Melendez.

Sur les rares photos diffusées par lui-même ou ses enfants via les réseaux sociaux, il a un air fatigué et fragile, loin de l'image de toute puissance qu'il donnait à voir quand il dirigeait le Pérou.

Après "la libération de Fujimori, (il est arrivé) exactement le contraire de ce que nous craignions. Ce n'est pas un retour (en politique) par la grande porte, il est plutôt hors-jeu, on sent qu'il a perdu de l'influence", juge M. Jochamowitz.

"Le peu d'années qu'il me reste, je me consacrerai à trois objectifs : unir ma famille, améliorer mon état de santé et faire un bilan équilibré de ma vie. L'histoire jugera mes réussites et mes erreurs", conclut l'ancien chef d'Etat.

Jusqu'à présent, le patriarche du clan Fujimori n'a pas réussi à réconcilier deux de ses enfants, Keiko, 43 ans, et Kenji, 39 ans, devenus ouvertement rivaux en politique. Au point qu'ils pourraient s'affronter lors de la prochaine présidentielle en 2021.