La France face au génocide rwandais

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L'attitude de la France face au génocide au Rwanda, déclenché en 1994 par l'assassinat du président rwandais Juvénal Habyarimana pour lequel le parquet de Paris demande un non-lieu, génère depuis plus de 20 ans de très vives controverses.

- Génocide -

Le 6 avril 1994, l'avion du président Juvénal Habyarimana, un Hutu, est abattu au-dessus de Kigali.

Le lendemain débutent des massacres à grande échelle. Les Tutsi sont accusés par le pouvoir, alors dominé par les Hutu, de collusion avec la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, à majorité tutsi) venue d'Ouganda et entrée dans le Nord depuis 1990.

Quelque 500 parachutistes français évacuent plus d'un millier de ressortissants français et étrangers au cours de l'opération Amarylis.

- Controverse sur l'opération Turquoise -

Le 22 juin, l'ONU donne son feu vert à la France pour une opération militaire à but humanitaire baptisée Turquoise.

Le FPR accuse Paris de chercher à sauver le régime et les auteurs du génocide.

L'opération mobilise jusqu'à août 2.500 soldats français et crée une "zone humanitaire sûre" (ZHS) dans le sud-ouest, freinant de facto la progression du FPR. Le 4 juillet, celui-ci s'empare de Kigali, mettant fin au génocide.

La controverse autour de cette opération a, depuis, rebondi plusieurs fois. En 2005, une enquête est ouverte à Paris sur le massacre de Bisesero en juin 1994 dont des rescapés accusent les soldats français de Turquoise d'avoir sciemment abandonné des centaines de Tutsi aux génocidaires. L'enquête vient d'être close sans mise en examen.

En juin 2018, un ex-aviateur français ayant participé à Turquoise a par ailleurs contesté, sous couvert d'anonymat, le caractère strictement humanitaire de l'opération, affirmant que les militaires français étaient préparés à "frapper" les troupes du FPR.

- "Dysfonctionnements" -

Le 15 décembre 1998, une mission parlementaire française exonère la France, "nullement impliquée" dans le génocide, mais retient une certaine responsabilité, due à "une erreur globale de stratégie" et à des "dysfonctionnements institutionnels".

Le lendemain, Kigali accuse la France d'être "coupable de crimes de génocide au Rwanda".

- Rupture des relations -

Le 17 novembre 2006, le juge français Jean-Louis Bruguière recommande des poursuites contre le président Paul Kagame, l'ancien chef du FPR, pour sa "participation présumée" à l'attentat déclencheur du génocide, puis signe neuf mandats d'arrêt contre des proches du président. Kigali rompt ses relations diplomatiques avec Paris. Elles seront rétablies trois ans plus tard.

- Rapport d'enquête rwandais -

Le 7 janvier 2010, un rapport rwandais sur l'attentat offre une version diamétralement opposée à celle de l'enquête française et désigne comme responsable une frange extrémiste, "Hutu Power", des Forces armées rwandaises (FAR).

Le 10 janvier 2012, un rapport d'expertise français conclut que l'avion a été abattu par des missiles tirés depuis le camp de Kanombé tenu par des loyalistes. Kigali estime que le rapport "rend justice" à sa position.

- Procès liés au génocide -

Environ 25 dossiers liés au génocide rwandais sont instruits au pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris, créé en 2012 face à l'accumulation des plaintes, plusieurs auteurs présumés s'étant réfugiés en France.

Deux grands procès ont eu lieu à ce jour. Le 14 mars 2014, l'ex-officier de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa est condamné à 25 ans de prison.

Le 6 juillet 2016, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, deux anciens bourgmestres du village de Kabarondo, théâtre de massacres, sont condamnés à la perpétuité pour "crime contre l'humanité" et "génocide".

- La justice française clôt son enquête -

Le 20 décembre 2017, à Paris, les juges antiterroristes Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux, qui ont repris le dossier, signifient la fin de l'enquête sur l'attentat.

Dans son réquisitoire du 10 octobre 2018, le parquet demande l'abandon des poursuites contre les sept protagonistes mis en examen, issus du clan de Paul Kagame, faute de "charges suffisantes".

Les relations franco-rwandaises se sont améliorées ces derniers mois, après le soutien appuyé de Paris à la candidature rwandaise à la tête de la Francophonie, aboutissant vendredi à la nomination de Louise Mushikiwabo.