Lafarge en Syrie: les juges saisissent une partie des indemnités de départ de l'ex-PDG Bruno Lafont

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Les juges d'instruction ont saisi près de quatre millions d'euros sur les indemnités de départ de l'ex-PDG de Lafarge Bruno Lafont et de trois anciens dirigeants mis en examen dans l'enquête sur les soupçons de financement du terrorisme en Syrie visant le cimentier, a-t-on appris lundi de sources proches du dossier.

Les magistrats ont notamment saisi une partie des indemnités de départ de Bruno Lafont, pour un montant de 2,475 millions d'euros, a indiqué l'une de ces sources, confirmant une information de France Inter.

Dernier patron de Lafarge jusqu'à sa fusion avec le Suisse Holcim en 2015, il avait, au moment de son départ, touché au total plus 8,4 millions d'euros, une somme comprenant une indemnité de 5,9 millions d'euros et une rémunération exceptionnelle de 2,5 millions au titre de sa gestion de la fusion avec le concurrent.

Les autres dirigeants concernés sont les deux anciens directeurs de la filiale syrienne (Lafarge Cement Syria, LCS), Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois, et l'ex-directeur général adjoint de Lafarge, Christian Herrault, en charge de plusieurs pays dont la Syrie.

Au total, le montant saisi s'élève à "près de 4 millions d'euros", a indiqué une source proche du dossier à l'AFP. Les quatre mis en examen ont tous fait appel de l'ordonnance prise par les juges après des réquisitions favorables du parquet de Paris.

Joint par l'AFP, l'avocat de Frédéric Jolibois, Me Jean Reinhart, a dénoncé une forme de "pré-jugement assez inique dans ce blocage des sommes".

Cette mesure ordonnée à titre conservatoire vise à garantir l'exécution d'une peine complémentaire de confiscation de leurs biens dans l'éventualité de condamnations futures. Cette sanction est possible pour le délit de financement du terrorisme. Les sommes confisquées sont alors affectées au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

Dans cette vaste enquête née d'une plainte de deux associations et de Bercy, le cimentier est soupçonné d'avoir versé entre 2011 et 2015, via sa filiale LCS, près de 13 millions d'euros, notamment à des groupes armés dont l'organisation État islamique (EI), pour maintenir l'activité de son usine de Jalabiya dans le nord de la Syrie alors que le pays s'enfonçait dans la guerre.

Huit ex-cadres ou anciens dirigeants dont Bruno Lafont ont été mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste" et/ou "mise en danger de la vie" d'anciens salariés du site dans cette information judiciaire ouverte en juin 2017.

En juin dernier, l'entreprise Lafarge SA a à son tour été mise en examen pour "complicité de crimes contre l'humanité" et "financement d'une entreprise terroriste".

"Cette saisie représente un bon signe de l'avancée de l'instruction. Nous attendons maintenant que le chef d'accusation de complicité de crimes contre l'humanité retenu à l'encontre de la personne morale soit également étendu à l'ensemble des dirigeants mis en examen, qui ont agi au nom de l'entreprise", a réagi Marie-Laure Guislain, responsable du contentieux au sein de Sherpa, l'une des deux ONG à avoir porté plainte contre le cimentier fin 2016.

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