Crimes contre l'humanité: la procureure générale de Paris s'inquiète du manque de moyens de la justice

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Les perspectives sur la capacité de la justice à traiter les affaires de crimes contre l'humanité sont "sombres", a mis en garde jeudi la procureure générale de Paris, Catherine Champrenault, soulignant que les procès étaient "complexes" et "coûteux".

"La cour d'appel de Paris ne pourra assurer correctement, à effectifs et ressources constants, l'organisation et la tenue de futurs procès tels que ceux du génocide rwandais", a-t-elle déclaré lors d'un colloque sur le Pôle crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre organisé jeudi au tribunal de Paris, à la porte de Clichy.

Crée en 2012, ce pôle spécialisé regroupe trois magistrats du parquet, trois magistrats instructeurs et six assistants spécialisés, et enquête sur des affaires de crimes contre l'humanité et crimes de guerre en vertu d'une compétence universelle.

Selon le procureur de Paris François Molins, "il traite à ce jour près de 120 dossiers, enquêtes préliminaires et informations judiciaires confondus".

Depuis sa mise en place, quatre procès - deux en première instance et deux en appel - se sont déjà tenus en lien avec le génocide rwandais de 1994.

"L'activité du pôle, qui est déjà lourde, ne pourra que s'aggraver encore, tant les conflits récents que connaît notre monde s'accompagnent d'actes qualifiables de crimes contre l'humanité voire de génocide", a alerté Mme Champrenault, soulignant que les dossiers sur le conflit syrien occupaient désormais la deuxième place après ceux du Rwanda.

Or, "ces procès sont très complexes à organiser et à tenir", a-t-elle observé, soulignant qu'ils représentaient un temps d'audience moyen de 250 heures, soit environ 40 jours, et coûtaient cher, "de l'ordre du million d'euros".

En outre, "ils engagent un nombre important de magistrats et de fonctionnaires dès un an avant l'audience", notamment pour organiser l'accueil, l'hébergement et le retour des témoins et parties civiles.

La procureure générale a aussi estimé "qu'une pédagogie restait à faire à l'égard des jurés sur les enjeux de l'application de la justice pénale internationale". Alors que ces citoyens sont retenus pendant plusieurs semaines sur ces procès, "beaucoup ne comprennent pas pourquoi ils ont à juger ces crimes commis il y a un quart de siècle, à l'étranger par les étrangers", a-t-elle expliqué.

Dans ce contexte, la magistrate a appelé à "l'ouverture de discussions avec l'administration centrale et le service interministériel d'aide aux victimes" afin "d'apporter des solutions aux difficultés de gestion de nature financière et opérationnelle de ces procès".