L'armée soudanaise exige la levée des barrages, les manifestants maintiennent la pression

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Les tensions montent au Soudan après la suspension des discussions entre le mouvement de protestation et l'armée au pouvoir, qui a exigé lundi de manière pressante la levée des barrages bloquant l'accès à son QG, point de ralliement de milliers de manifestants.

Les protestataires, rassemblés jour et nuit à cet endroit depuis plus de deux semaines, ont de leur côté promis "d'intensifier le mouvement" pour obtenir le transfert du pouvoir à des civils.

Le Conseil militaire de transition, qui a pris les commandes du pays après la destitution du président Omar el-Béchir, a haussé le ton pour que la situation se normalise devant son QG de Khartoum.

"Les routes doivent être rouvertes immédiatement pour faciliter la circulation des trains et des autres moyens de transport dans la capitale et les autres Etats", a déclaré le Conseil militaire dans un communiqué. L'armée insiste en particulier sur la nécessité de laisser circuler les "produits essentiels".

Le chef du Conseil, le général Abdel Fattah al-Burhane, avait déjà fait monter la pression dimanche soir sur les manifestants en "condamnant le blocage de routes et la fouille de personnes sans en avoir l'autorité".

"Cela ne peut plus continuer, parce que la sécurité est de la responsabilité de l'Etat", avait-il ajouté.

Mais sur place des manifestants demeuraient insensibles à ces injonctions.

"Les check-points vont continuer de fonctionner comme avant", a déclaré à l'AFP une protestataire, Kawthar Hasaballah, 23 ans.

Les manifestants doivent passer par plusieurs points de contrôle pour accéder aux abords du QG militaire, avec notamment une fouille corporelle et une vérification des sacs, a constaté l'AFP.

Sur le plan politique, l'amorce de dialogue ces derniers jours entre militaires et dirigeants de la contestation a tourné court dimanche soir, ces derniers annonçant la suspension des discussions faute de garanties suffisantes sur un transfert rapide du pouvoir aux civils.

Le général Burhane avait affirmé dimanche à la télévision son "engagement à remettre le pouvoir au peuple", et promis que l'armée répondrait dans la semaine aux demandes des manifestants.

Mais ces déclarations ont été jugées trop vagues par les chefs de la contestation, qui ont accusé le Conseil militaire d'être "le prolongement" du régime d'Omar el-Béchir, et appelé à "intensifier" les manifestations.

"Le Conseil militaire a montré sa face sombre", a déclaré une figure de protestation, Wagdi Saleh. Selon lui, un responsable militaire a déclaré à une délégation du mouvement que ses revendications seraient examinées "parmi une centaine d'autres émanant d'autres partis politiques".

- "Recycler le régime" -

Le parti al-Oumma, première formation de l'opposition, a accusé lundi "certains membres du Conseil militaire" de vouloir "recycler le régime renversé". Dans un communiqué il réclame que le pouvoir soit confié à l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui regroupe les principales formations contestataires.

L'ALC, qui avait prévu d'annoncer dimanche la formation d'une instance civile censée remplacer le collège d'officiers supérieurs à la tête du pays, a finalement fait savoir qu'elle le ferait "dans quelques jours".

La contestation au Soudan, déclenchée le 19 décembre après la décision du gouvernement Béchir de tripler le prix du pain, s'est rapidement transformée en contestation inédite contre le président aujourd'hui déchu et emprisonné, et plus largement du système en place.

Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat le 30 juin 1989, Omar el-Béchir a dirigé d'une main de fer un pays miné par des rébellions dans plusieurs régions. La Cour pénale internationale (CPI) a lancé des mandats d'arrêt contre lui pour "crimes de guerre" et "génocide" dans la région du Darfour (ouest).

Le pouvoir militaire a annoncé dimanche que l'équivalent de 113 millions de dollars, en devise américaine, euros et livres soudanaises, avaient été saisis dans la résidence de M. Béchir.

Ryad et Abou Dhabi ont par ailleurs confirmé dimanche leur soutien à Khartoum, en proie à de graves difficultés économiques, avec un dépôt de 500 millions de dollars auprès de la banque centrale soudanaise.

Les deux pays ont également débloqué une somme de 2,5 milliards destinée à financer les besoins de la population en produits alimentaires, médicaments et produits pétroliers, selon l'agence saoudienne officielle SPA, qui n'a pas précisé s'il s'agissait de dons ou de prêts.