Les manifestants soudanais déterminés à obtenir un pouvoir civil

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Des milliers de manifestants soudanais ont accompli la prière hebdomadaire musulmane du vendredi devant le QG de l'armée à Khartoum, poursuivant leur sit-in pour obtenir le transfert du pouvoir par l'armée à une administration civile.

Depuis le 6 avril, les manifestants sont rassemblés jour et nuit devant ce QG, dans le prolongement d'un mouvement de protestation déclenché le 19 décembre pour dénoncer initialement le triplement du prix du pain dans ce pays confronté à une crise économique, avant de se muer en contestation contre l'ex-président Omar el-Béchir.

Sous la pression de la rue, ce dernier a été destitué le 11 avril par l'armée après près de 30 ans de règne sans partage et un Conseil militaire de transition a pris le pouvoir pour deux ans. Les manifestants réclament aujourd'hui le transfert du pouvoir à une autorité civile.

Bravant une chaleur accablante, les manifestants étaient nombreux, a constaté un journaliste de l'AFP. "Liberté, liberté", ont-ils scandé durant le prêche dirigé par cheikh Mater Younes, un militant originaire de la région en conflit du Darfour (ouest).

"Nous ne nous retirerons pas avant que nos demandes d'un gouvernement civil ne soient satisfaites", a affirmé cheikh Younes, appelant à punir les "symboles" du régime de Béchir qui doivent selon lui être jugés de façon "équitable et transparente". "Sang pour sang, nous n'accepterons pas de compensation", a répondu la foule.

"Nous voulons dire à l'armée qu'ils sont les fils de la nation, mais que leur rôle est de protéger le pays", a poursuivi le cheikh.

"Pour un gouvernement civil libéré de tout militaire", pouvait-on lire sur une banderole alors que des groupes de contestataires venus de l'Etat de Sennar (sud-est) et du Kordofan-Nord (centre) ont rejoint la foule.

- Céder le pouvoir -

"Ma famille habite dans un camp (de déplacés) à Kalma", au Darfour, et "je suis là depuis le 6 avril", a confié Haroun Adam, un manifestant. "Je suis prêt à rester ici encore un an, jusqu'à ce que notre demande principale soit satisfaite: mise en place d'un gouvernement civil et punition de tous ceux ayant commis des crimes".

"Un, deux, trois, quatre, nous sommes tous le Darfour", ont scandé les contestataires derrière lui.

M. Béchir est recherché par la Cour pénale internationale à la suite d'accusations de génocide et de crimes de guerre au Darfour où des insurgés issus de minorités ethniques, s'estimant marginalisés, ont pris les armes en 2003 contre le pouvoir de Khartoum, aux mains de la majorité arabe.

Ce conflit a fait près de 300.000 morts tandis que 2,5 millions de personnes ont été déplacées, selon l'ONU.

Dans une mosquée dans le sud de Khartoum, un imam réputé très conservateur, Abdelhaï Youssef, a appelé de son côté à un rassemblement lundi pour protéger la loi islamique (charia).

"Ils veulent écrire une Constitution séculaire, mais nous allons protéger la charia", a-t-il déclaré.

Jeudi, des dizaines de milliers de manifestants s'étaient rassemblés devant le QG de l'armée à l'appel des leaders de la contestation.

Dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, le Conseil militaire a jusqu'à présent résisté aux appels à céder le pouvoir, y compris ceux de la communauté internationale. Trois des dix membres du Conseil militaire ont toutefois démissionné mercredi sous la pression de la rue.

- Crise économique -

Face à une contestation qui va crescendo, le Conseil militaire a annoncé mercredi avoir conclu un "accord" avec l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC) "sur la plupart des exigences présentées" par cette coalition regroupant les principales formations du mouvement de protestation.

L'ALC a elle annoncé la mise en place d'un "comité conjoint" pour "discuter des problèmes en suspens" et parlé d'une étape vers un "renforcement de la confiance".

Les noms des membres de ce comité seront annoncés "dans les prochains jours", a déclaré vendredi un porte-parole de l'ALC, Rashid al-Sayed, à des journalistes.

Dans un communiqué, le Conseil militaire a indiqué être en "communication constante" avec les leaders du mouvement et être en attente de la nomination des membres du comité.

Selon M. Sayed, une période de transition de quatre ans sera nécessaire à la mise en oeuvre d'un "programme de redressement" permettant au Soudan de sortir de la crise.

Le pays est confronté à une situation économique désastreuse. Amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, il fait notamment face à un grave déficit en devises étrangères.

Interrogé par l'AFP sur l'impact du sit-in permanent devant le QG de l'armée, Mohamed Naji al-Assam, l'un des leaders de la contestation, a souligné que l'économie "se détériorait de jour en jour".

"Mais la raison principale ayant déclenché les manifestations est la crise économique", a-t-il ajouté.

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