Pour l'opposition, le Soudan doit "immédiatement" rejoindre la CPI

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Le chef du principal parti d'opposition au Soudan, Sadek al-Mahdi, a affirmé samedi que son pays devrait rejoindre immédiatement la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis des mandats d'arrêt pour génocide contre le président déchu Omar el-Béchir.

S'adressant aux journalistes à Khartoum, M. Mahdi a en outre déclaré que la destitution et l'arrestation le 11 avril par l'armée de M. Béchir, sous la pression de la rue, n'était "pas un coup d'Etat".

Ce chef du parti al-Oumma, principal leader de l'opposition au Soudan, avait été évincé du pouvoir en 1989 par le coup d'Etat de M. Béchir alors qu'il était le dernier Premier ministre démocratiquement élu dans ce pays pauvre d'Afrique.

"Il n'y a plus d'objection à répondre à nos demandes (de rejoindre la CPI) et nous devrions le faire immédiatement", a indiqué M. Mahdi.

La CPI a lancé des mandats d'arrêt contre M. Béchir pour qu'il réponde d'accusations de génocide et de crimes de guerre et contre l'humanité lors du conflit au Darfour, région occidentale du Soudan.

Le président déchu, 75 ans, a toujours rejeté ces accusations.

Le Conseil militaire de transition au pouvoir a refusé jusqu'ici d'extrader M. Béchir, emprisonné à Khartoum, laissant cette éventuelle décision au gouvernement civil qu'ils se sont engagés à mettre en place, sans préciser quand.

Pour rejoindre la CPI, chargée de juger les pires violations du droit humanitaire dans le monde et basée à la Haye, le Soudan doit ratifier son traité fondateur, le Statut de Rome et devenir ainsi un "Etat partie".

Les manifestations déclenchées le 19 décembre dernier avaient coïncidé avec le retour d'exil de M. Mahdi.

- "Revendications populaires" -

Pour le chef de l'opposition, "ce qui s'est passé au Soudan n'est pas un coup d'Etat" mais une situation dans laquelle les forces armées "ont pris le parti des revendications populaires".

"Il est possible de se mettre d'accord sur (la mise en place) d'une autorité civile avec le Conseil militaire, car ce dernier n'a pas planifié de coup d'Etat", a dit M. Mahdi, tout en soulignant que son parti ne se joindrait pas au gouvernement civil de transition.

"Le régime renversé pourrait encore tenter de faire un coup d'Etat", a-t-il prévenu.

Depuis le 6 avril, les manifestants sont rassemblés jour et nuit devant le QG de l'armée à Khartoum, dans le prolongement d'un mouvement de protestation déclenché le 19 décembre pour dénoncer initialement le triplement du prix du pain, avant de se muer en contestation contre Omar el-Béchir.

Les manifestants ont décidé de maintenir leur sit-in après le départ de M. Béchir afin d'obtenir le transfert du pouvoir à une autorité civile. Ils réclament aussi le jugement du président déchu et des principaux responsables de son régime.

"Nous ne partirons qu'après avoir obtenu un pouvoir civil et des lois garantissant la liberté d'expression", a lancé Rawan al-Fateh, un manifestant.

Samedi soir, des bus ont amené des centaines de contestataires, venus de la province de Kassala (est) pour participer au sit-in, selon un photographe de l'AFP sur place.

Samedi, un comité conjoint regroupant les représentants de la contestation et ceux du Conseil militaire a tenu sa première réunion, selon l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), qui réunit les partis politiques et groupes de la société civile à la tête de la contestation. Al-Oumma fait partie de l'ALC.

Cette réunion était destinée à établir un lien de confiance entre les "partenaires de la révolution", a déclaré Rachid al-Sayed, porte-parole de l'ALC.

"Le Conseil militaire a promis que le sit-in ne sera pas dispersé par la force", a-t-il déclaré aux journalistes, assurant que d'autres réunions étaient prévues samedi.

- "Programme de redressement" -

La mise en place du comité conjoint avait été annoncée mercredi.

Les leaders de la contestation se sont réunis à plusieurs reprises avec le Conseil militaire de transition qui a pris le pouvoir pour deux ans, sans parvenir à une percée.

Dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, le Conseil militaire a jusqu'à présent résisté aux appels à céder le pouvoir, y compris ceux de la communauté internationale. Trois des dix membres du Conseil militaire ont toutefois démissionné mercredi.

Selon Rachid al-Sayed vendredi, une période de transition de quatre ans sera nécessaire à la mise en oeuvre d'un "programme de redressement" pour sortir de la crise économique.

Le pays d'environ 40 millions d'habitants a été amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, et fait notamment face à une grave pénurie de devises étrangères.

Samedi, lors d'une réunion à Khartoum du Parti du Congrès Populaire (PCP), principal mouvement islamiste et ancien allié de M. Béchir, "un groupe de personnes a jeté des pierres" à ses membres, a déclaré à l'AFP l'un de ses responsables, Suheir Salah.

"Trente-deux membres du Conseil de la Choura ont été blessés" lors de cette "attaque", a-t-il dit, sans identifier les assaillants.

L'ALC a qualifié cet acte "d'isolé" et a insisté sur le caractère "pacifique" des manifestations.