Yémen: deux ONG s'opposent au départ de France d'un cargo chargé d'armes

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Deux ONG françaises, l'Acat et ASER, ont déposé jeudi des recours en urgence au tribunal administratif de Paris pour empêcher le départ d'un cargo saoudien venu prendre au Havre (Seine-Maritime) un chargement d'armes qui pourraient, selon elles, être utilisées dans la guerre meurtrière menée au Yémen par l'Arabie.

La France a reconnu mercredi qu'un navire saoudien allait effectuer un chargement d'armes, mais a assuré qu'elle ne disposait d'"aucune preuve" permettant d'affirmer que des armes françaises étaient utilisées au Yémen.

Jeudi, le président Emmanuel Macron a dit "assumer" la vente d'armes françaises à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, susceptibles d'être déployées au Yémen, mais assure avoir obtenu "la garantie" que ces équipements "n'étaient pas utilisés contre des civils", à son arrivée à un sommet européen en Roumanie.

Selon le site d'investigation Disclose, le navire doit prendre livraison de "huit canons de type Caesar" que l'Arabie saoudite pourrait utiliser dans la guerre qu'elle livre au Yémen aux rebelles houthis, minorité chiite soutenue par l'Iran, grand rival de Ryad.

"L'Etat français ne peut ignorer que ces armes peuvent servir à commettre des crimes de guerre au Yémen, où plus de 400.000 civils sont potentiellement sous le feu", a déclaré à l'AFP l'avocat de l'Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), Joseph Breham.

L'association a déposé un "référé-liberté", un recours en urgence visant à protéger une liberté fondamentale menacée, qui devrait être rapidement examiné, selon l'avocat.

L'ONG Action Sécurité Ethique Républicaines (ASER) a également déposé un recours en urgence, un "référé-suspension". "Il ne s'agit pas d'avoir la preuve que ces armes ont été utilisées au Yémen, mais reconnaître que c'est une potentialité d'usage", a rappelé le président de l'association Benoît Muracciole, à l'AFP.

L'Acat conteste la décision de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) d'autoriser le cargo Bahri Yanbu battant pavillon saoudien "à procéder à un chargement, exportation et transfert au sens de l'article 6 du Traité sur le Commerce des Armes, de matériels de guerre et matériels assimilés, dans le port du Havre, à destination finale Djeddah en Arabie Saoudite".

Ce traité de l'ONU, entré en vigueur en 2014, vise à réguler le commerce des armes dans le monde.

Son article 6 porte sur les interdictions de transfert d'armes: il stipule notamment qu'"aucun État Partie ne doit autoriser le transfert d'armes classiques (...) s'il a connaissance, au moment où l'autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie".

Le Bahri Yanbu se trouvait jeudi après-midi à une trentaine de km du port du Havre. Si une des organisations obtient gain de cause, le cargo ne pourra pas quitter la France chargé d'armes. Même en cas d'appel, car la décision du juge des référés est suspensive.

En revanche, si le navire avait quitté les eaux territoriales françaises avant la tenue de l'audience, les recours des deux ONG ne seraient pas examinés, étant devenus sans objet.