Syrie: l'affaire du cimentier Lafarge

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Le cimentier français Lafarge, suspendu à la décision de la cour d'appel de Paris sur la validité de ses mises en examen, notamment pour "complicité de crimes contre l'humanité", fait l'objet d'une instruction ouverte en 2017.

Il est soupçonné d'avoir versé, via sa filiale syrienne, près de 13 millions d'euros en 2013 et 2014 à des groupes jihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), pour maintenir son activité en Syrie malgré la guerre.

- "Arrangements troubles" -

Le 21 juin 2016, Le Monde affirme que Lafarge a tenté, en 2013 et 2014, de faire fonctionner "coûte que coûte" son usine en Syrie, "au prix d'arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants", dont l'EI.

Le journal cite des courriels envoyés par la direction de Lafarge, révélant ces "arrangements" visant à poursuivre la production jusqu'au 19 septembre 2014, date à laquelle l'EI s'est emparé du site et le cimentier a annoncé l'arrêt de toute activité.

Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, assure que sa "priorité absolue" a "toujours été d'assurer la sécurité et la sûreté de son personnel".

Située à 150 km au nord-est d'Alep, la cimenterie a été achetée par Lafarge en 2007 et mise en route en 2011.

- Plaintes -

En septembre 2016, le ministère de l'Économie dépose plainte, déclenchant l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris et la saisine du service national de douane judiciaire (SNDJ).

La plainte porte sur une interdiction d'acheter du pétrole en Syrie, édictée par l'Union européenne dans le cadre d'une série de sanctions contre le régime de Bachar al-Assad.

En novembre, Lafarge est visé par une autre plainte déposée par deux ONG, qui vont jusqu'à réclamer des poursuites pour "complicité de crimes contre l'humanité": l'association Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme (ECCHR). Une autre association, la Coordination des chrétiens d'Orient en danger (Chredo), se joindra à elles par la suite.

- Enquête -

Le 9 juin 2017, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui", confiée à deux juges d'instruction du pôle financier et un du pôle antiterroriste.

Le SNDJ conclut pour sa part dans son rapport que Lafarge Cement Syrie (LCS), branche syrienne du groupe, a "effectué des paiements aux groupes jihadistes" pour que la cimenterie continue à fonctionner. La direction française de Lafarge a, selon lui, "validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables".

- Mises en examen -

Le 1er décembre, deux anciens directeurs de la filiale syrienne, Bruno Pescheux et Frédéric Jolibois, et le directeur de la sûreté du groupe, Jean-Claude Veillard, sont mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui".

Quelques jours après, Bruno Lafont, ex-PDG (2007-2015), Eric Olsen, DRH à l'époque des faits, et l'ex-directeur général adjoint opérationnel Christian Herrault sont mis en examen.

Au total, huit cadres et dirigeants sont mis en examen pour financement d'une entreprise terroriste et/ou mise en danger de la vie d'autrui.

En outre, un des hommes soupçonnés d'avoir servi d'intermédiaire, un Syro-Canadien, a été mis en examen fin août 2019 pour "financement du terrorisme".

- "Complicité de crimes contre l'humanité" -

Le 28 juin 2018, Lafarge est mis en examen pour "complicité de crimes contre l'humanité", "financement d'une entreprise terroriste", "mise en danger de la vie" d'anciens salariés et "violation d'un embargo".

Le groupe et trois dirigeants font appel et contestent les fondements de l'enquête.

Le 11 juin 2019, le parquet général de Paris demande l'annulation d'une des mises en examen de Lafarge, la plus grave, celle pour "complicité de crimes contre l'humanité".

Le 24 octobre 2019, la cour d'appel repousse sa décision au 7 novembre. Elle déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de quatre associations plaignantes (Sherpa, l'ECCHR, le Chredo et Life for Paris).

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