Serviettes hygiéniques contre "Terminator": le duel de la présidentielle au Sri Lanka

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L'élection présidentielle de samedi au Sri Lanka consiste principalement en un duel entre un ancien soldat qualifié de "Terminator" par sa famille et un candidat proposant des serviettes hygiéniques gratuites.

Gotabhaya Rajapaksa, 70 ans, lieutenant-colonel à la retraite, était le chef militaire de fait lors de l'écrasement de la rébellion séparatiste tamoule en 2009 sous la présidence de son frère Mahinda (2005-2015). Ce bain de sang a sonné la fin de 37 ans de guerre civile.

Sa posture d'homme fort, qui promet de combattre la corruption et l'extrémisme islamiste dans une nation traumatisée par les attentats jihadistes du 21 avril qui ont fait 269 morts, lui vaut le surnom de "Terminator" au sein de sa famille, le puissant clan des Rajapaksa qui convoite un retour au pouvoir après cinq ans dans l'opposition.

Par contraste, son principal rival Sajith Premadasa, 52 ans, candidat de la première formation au Parlement, est un responsable politique discret qui espère mobiliser le vote des femmes en promettant d'améliorer l'hygiène menstruelle.

Fils du président Premadasa, aux tendances autocratiques et assassiné par les insurgés tamouls en 1993, il a annoncé qu'en cas de victoire les autorités distribueront des serviettes hygiéniques gratuites.

Les règles sont un sujet tabou dans cette société conservatrice à majorité bouddhiste et le camp Rajapaksa a tôt fait de se moquer de sa proposition en affublant son adversaire du sobriquet "M. Serviettes Hygiéniques".

"Je reste engagé pour le droit des femmes", a rétorqué Sajith Premadasa sur Twitter. "Je porterai l'étiquette de +M. Serviettes Hygiéniques+ fièrement. Il me semble que c'est certainement préférable à être +L'homme avec la camionnette+".

Cette allusion est une référence aux "escadrons de la mort", qui opéraient dans des camionnettes blanches et ont fait disparaître des dizaines d'opposants durant les deux mandats de Mahinda Rajapaksa. Gotabhaya Rajapaksa est accusé d'avoir été à leur tête, ce qu'il nie.

Le manque d'expérience politique de Gotabhaya est compensé par la présence à ses côtés durant la campagne de son charismatique grand frère Mahinda, empêché par la Constitution actuelle de se présenter au scrutin.

Mahinda Rajapaksa a été battu dans les urnes il y a cinq ans par une coalition d'opposants, alors qu'il briguait un troisième mandat présidentiel, et a tenté de devenir Premier ministre l'année dernière lors d'un coup de force qui a échoué.

- "Concentrez-vous sur le futur" -

Bien qu'il ne concoure pas en personne à la présidentielle, Mahinda reste la force motrice du clan et devrait prendre la tête du gouvernement en cas de victoire de son frère.

Lors de la seule conférence de presse de Gotabhaya en trois mois de campagne électorale, le candidat a dû se tourner vers Mahinda lorsque des journalistes l'ont confronté à des questions ardues.

Gotabhaya a balayé les allégations de crimes de guerre commis durant l'ultime offensive militaire contre les Tigres tamouls, au cours de laquelle l'armée a tué 40.000 civils tamouls selon les défenseurs des droits humains.

"Pourquoi parlez-vous tout le temps du passé ? Posez des questions sur le futur", a-t-il lancé. "Je tente de devenir président du futur Sri Lanka. Donc si vous vous concentrez sur le futur, c'est mieux."

Gotabhaya Rajapaksa est actuellement en liberté sous caution dans une affaire de détournement de centaines de milliers de dollars de fonds publics, qu'il aurait utilisés pour construire un monument à ses parents durant la présidence de son frère.

Il dément également des accusations selon lesquelles il a perçu des millions de dollars de rétrocommissions lors de l'achat d'avions de seconde main à l'Ukraine en 2007. Il n'est pas inculpé à ce stade de l'enquête.

Une plainte le vise par ailleurs aux États-Unis, selon laquelle il a ordonné des actes de tortures sur des Tamouls lorsqu'il était au pouvoir.

Titulaire de la double nationalité sri-lankaise et américaine, ce qui l'empêche normalement de se présenter à l'élection, il affirme avoir renoncé à sa nationalité américaine cette année afin de participer à la présidentielle.

Sa nationalité exacte fait l'objet d'une enquête de justice, mais celle-ci sera gelée jusqu'à la fin du quinquennat en cas d'accession à la présidence du Sri Lanka.