L'est de la RDC, 25 ans de guerres, de conflits et d'instabilité

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Les ADF à Beni, le Sud-Kivu, l'Ituri: les violences actuelles dans l'est de la République démocratique du Congo prolongent des conflits enracinés depuis 25 ans dans cette région de hauts plateaux, de lacs et de frontières riche en minerais.

Accusées d'inefficacité dans la protection des civils, les Nations unies vont renouveler pour 2020 le mandat de leur mission présente depuis 20 ans en RDC, avec actuellement une force de 15.500 Casques bleus.

- 2019: une région encore instable -

En 2019, 718 civils ont été tués dans des violences armées rien que dans le Nord et le Sud-Kivu, d'après le "baromètre sécuritaire" des chercheurs du Groupe d'études sur le Congo (GEC) et leurs partenaires.

En juin, des dizaines de civils ont aussi été tués en Ituri voisine, avec des dizaines de milliers de déplacés.

Au total, 130 groupes armés sont encore actifs, d'après le GEC.

Parmi les plus notoires figurent deux rébellions d'origine étrangère, les Forces démocratiques alliés (ADF, d'origine ougandaise), et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des hutus rwandais.

A leur côté, les groupes d'autodéfense congolais (les Maï Maï) prétendent défendre leurs communautés locales, en profitant surtout d'une "économie de guerre" (banditisme, enlèvements, rackets).

- Des violences sur trois fronts -

En cette fin 2019, les tensions se poursuivent sur trois fronts:

- A Beni depuis le 30 octobre, l'armée a lancé une offensive contre les ADF, accusés d'avoir tué plus de 1.000 civils depuis 2014

- Dans le Sud-Kivu, l'armée congolaise a continué son offensive contre des bases des FDLR, après avoir tué leur chef en septembre, poursuivi par la CPI.

- Toujours dans le Sud-Kivu, un conflit oppose des Tutsi congolais aux lointaines origines rwandaises (les Banyamulenge) à d'autres communautés locales

- 1994: le contre-choc du génocide rwandais -

L'exode d'un million de Hutu rwandais dans l'est du Congo (ex-Zaïre) en juillet 1994 a bouleversé les rapports de force entre les communautés qui se partagent les terres du Kivu (communautés congolaises, Hutu et Tutsi congolais...).

Parmi les fugitifs, figurent des militaires et des miliciens interahamwe responsables du génocide des Tutsi rwandais, et prêts à poursuivre leur combat avec le nouveau pouvoir du FPR de Paul Kagame à Kigali.

Pour en finir avec cette menace à sa frontière, le Rwanda soutient en 1996 avec l'Ouganda la rebellion congolaise de Laurent-Désiré Kabila, qui renverse le maréchal Mobutu à Kinshasa en mai 1997.

L'Ouganda voulait en découdre avec les ADF, historiquement des rebelles musulmans installés dans l'est de l'ancien Zaïre "avec la bénédiction des services de renseignements" de Mobutu, d'après le chercheur français Thierry Vircoulon.

- Les guerres du Congo, 1996-2003 -

En 1998, renversement d'alliance: Kabila s'éloigne du Rwanda et de l'Ouganda, et se rapproche de l'Angola, la Namibie, du Tchad et du Zimbabwe.

Le Rwanda et l'Ouganda ont continué d'exercer une influence directe dans l'est de la RDC, d'abord à travers leurs armées, qui vont jusqu'à se battre entre elles dans la ville diamantifère de Kisangani en juin 2000. Ils ont ensuite été accusés - surtout le Rwanda - de soutenir des milices défiant l'armée congolaise (RCD, CNDP, M23).

Cette "guerre mondiale africaine", comme l'on appelé certains, a provoqué des ravages parmi les civils (tueries, exodes, viols des femmes soignées à Bukavu par le gynécologue Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018).

Cependant, le chiffre de six millions de morts souvent avancé est contesté par les démographes comme trop important.

En marge des violences dans le Kivu, un conflit ethnique secoue l'Ituri voisine entre 1999 et 2003. Bilan: des milliers de morts jusqu'à l'intervention d'une force de la paix européenne sous commandement français en 2003 (Artémis).

- Depuis 2003: un fragile situation de "post-conflit"-

Depuis 1999, la Mission des Nations unies au Congo (Monusco, anciennement Monuc) tente de stabiliser une région, en revendiquant des réussites malgré les critiques (stabilisation d'autres régions de la RDC comme le Katanga, neutralisation du M23 en 2013).

Officiellement, les armées étrangères des pays africains voisins n'interviennent plus directement sur le territoire congolais.

Aucun groupe armé n'est en mesure s'emparer d'une grande ville, comme il y a sept ans le M23 à Goma.

Cependant, une économie de guerre s'est constituée dans la région, qui attire des jeunes emploi.

L'un des enjeux est le contrôle des ressources minérales (l'or de l'Ituri, le coltan dans le Kivu...).

Face aux groupes armés, l'Etat et ses représentants sont faibles et voire complices. En avril, le président Félix Tshisekedi a mis en garde à Beni "tous les acteurs qui manipulent les groupes armés" : "Tous ceux qu'on arrêtera, qu'il soit député national ou provincial, pas question d'immunité. Il sera traduit devant la justice".