Un Rwandais condamné à 25 ans pour génocide, une première en Belgique

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Fabien Neretsé, un ancien haut fonctionnaire rwandais reconnu coupable de "crime de génocide", a été condamné vendredi par la cour d'assises de Bruxelles à 25 ans de réclusion, une première en Belgique.

Les actes de l'accusé, un Hutu de 71 ans, ont porté "une atteinte irrémédiable à l'Humanité toute entière" et "constituent des atrocités qui défient l'imagination et heurtent profondément la conscience humaine", ont estimé les jurés dans leur arrêt, lu par la présidente de la Cour Sophie Leclercq.

"Je suis révolté. C'est un scandale pour la justice belge", a réagi son avocat Me Jean Flamme, annonçant que son client allait se pourvoir en cassation.

Une peine de 30 ans de réclusion avait été requise vendredi matin contre M. Neretsé, reconnu coupable la veille par la cour d'assises de "crime de génocide" au Rwanda en 1994.

"Vous retiendrez la gravité extrême des faits (...), cette volonté d'exterminer l'autre", avait déclaré aux jurés le procureur, Arnaud d'Oultremont, insistant sur le "caractère sans pitié" de l'accusé.

Ce dernier, qui clame son innocence, est le premier Rwandais condamné en Belgique pour génocide. Le verdict de jeudi le reconnaissant coupable de ce crime, après six semaines de procès, avait été qualifié d'"historique" par les avocats des parties civiles.

- "Impunité" -

M. Neretsé s'est révélé "extrêmement organisé, allant jusqu'à mettre en place une milice qui joua un rôle déterminant dans les massacres commis dans tout un secteur", ont estimé vendredi les jurés dans leur arrêt, après plus de six heures de délibération. En outre, il n'a "fait preuve d'aucune remise en question".

Dans ses réquisitions vendredi, le procureur avait demandé aux jurés d'envoyer "un signal clair" au monde : "C'est de dire: Monsieur, Madame, vous ne dormirez jamais tranquille et la Belgique ne sera jamais une terre d'impunité pour les génocidaires et les criminels de guerre."

Le second avocat de l'accusé, Me Jean-Pierre Jacques, avait insisté sur l'âge de son client, "père de cinq enfants" et qui a "neuf petits-enfants". Il avait suggéré une peine de 15 ans.

Cet argument a en partie été entendu car M. Neretsé "bénéficie de circonstances atténuantes en raison de son âge", a précisé la présidente de la cour, Sophie Leclercq.

La qualification de "crime de génocide" n'avait pas été retenue lors des quatre premiers procès à Bruxelles d'accusés rwandais en 2001, 2005, 2007 et 2009.

Elle recouvre le fait de s'être attaqué à un nombre indéterminé de personnes au nom de la volonté de "détruire" le groupe ethnique tutsi. Ce qui a été mis en évidence par des témoignages "accablants" pour Fabien Neretsé, selon l'accusation.

En plus du "crime de génocide", M. Neretsé a été reconnu coupable de "crimes de guerre" contre des victimes identifiées: neuf meurtres à Kigali le 9 avril 1994 et deux autres quelques semaines plus tard dans des zones rurales.

- Une plainte en 1994 -

Parmi les victimes de Kigali, trois étaient issues d'une même famille belgo-rwandaise: Claire Beckers, son mari Isaïe Bucyana (un Tutsi), et leur fille de 20 ans, Katia.

M. Neretsé était un de leurs voisins dans la capitale rwandaise et il a fait intervenir des militaires pour les empêcher de fuir et les exécuter, avec d'autres riverains tutsi.

Cet événement a eu lieu trois jours après l'assassinat du président Juvénal Habyarimana, considéré comme l'événement déclencheur du génocide qui a fait au moins 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi mais aussi parmi les Hutu modérés.

Une plainte déposée en Belgique dès 1994 par Martine Beckers, soeur de Claire Beckers, a déclenché l'enquête.

"Je suis contente", a réagi Mme Beckers à l'annonce de la peine. "Ces personnes devraient être jugées au Rwanda et leurs peines faites au Rwanda".

M. Neretsé, ingénieur agronome, était considéré comme "un seigneur" dans sa région natale, le Nord rural.

Arrêté en 2011 en France, où il avait refait sa vie professionnelle et bénéficiait du statut de réfugié, Fabien Neretsé n'a effectué que quelques mois de détention provisoire et il comparaissait libre.