Gambie: une manifestation pour réclamer le départ du président Barrow fait trois morts

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La mouvement de protestation qui agite depuis des mois la Gambie pour réclamer le départ du président Adama Barrow a connu dimanche ses trois premiers morts, tués lors d'une manifestation ayant tourné en affrontements avec les forces de l'ordre.

Plusieurs personnes, dont des journalistes et le leader de la contestation, ont été interpellées par la police de ce pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, enclavé dans le Sénégal, à l'exception d'une étroite façade atlantique.

"Je peux confirmer qu'il y a trois morts", a déclaré à un groupe de journalistes le directeur de l'Hôpital général de Serrekunda, Kebba Manneh, sans préciser leur identité et les causes de leur décès.

Rassemblés dans la banlieue de Banjul à l'appel du mouvement "Operation Three Years Jotna"" ("Trois ans, il est temps", dans un mélange d'anglais et de wolof), plusieurs centaines de manifestants ont réclamé qu'Adama Barrow quitte le pouvoir après trois ans, comme il s'y était engagé en devenant le candidat unique de l'opposition fin 2016.

Ils avaient déjà été des milliers à manifester pour la même cause à la mi-décembre, lors d'un rassemblement qui s'était déroulé sans incidents.

Dimanche, des heurts ont éclaté lorsque les manifestants, qui s'étaient rassemblés dans les quartiers périphérique d'Old Jeshwang et Stink Corner ont voulu dévier de leur itinéraire pour se rapprocher du centre de la capitale gambienne.

La police a fait usage de gaz lacrymogène pour les disperser et les manifestants ont répliqué en lançant des pierres sur les forces de l'ordre et en allumant des pneus sur la voie rapide menant au centre-ville, selon un correspondant de l'AFP.

Selon la Croix-Rouge, 28 personnes ont été transportées à l'hôpital de Serrekunda, situé non loin du lieu de la manifestation. Les blessés ont été placés en observation et sont traités en raison des gaz qu'ils ont inhalés, selon son directeur, Kebba Manneh.

- Arrestations -

Le président d'Operation "Three Years Jotna", Abdou Njie, a été interpellé lors de la manifestation, a rapporté le journaliste de l'AFP.

Le directeur de la radio locale King FM, Gibril S. Jallow, et l'un de ses animateurs, Ebrima Jallow, "sont détenus au poste de police de Bundung" et "inculpés d'incitation à la violence", a dit à l'AFP un employé de la radio, Ebrima Jarra.

Un autre journaliste, Pa Modou Bojang, directeur de Home Digital FM, "a été arrêté par la police et nous ne savons pas où il est détenu en ce moment", a déclaré à l'AFP le secrétaire général du Syndicat des journalistes de Gambie, Saikou Jammeh.

"Nous protesterons jusqu'à la démission d'Adama Barrow. C'est un traître qui a trahi la confiance de la population, nous lui apprendrons une leçon", a affirmé dans le cortège un manifestant, Amadou Sanyang.

"Allons-y et brûlons tout ce qui appartient à Adama Barrow et à sa famille", a lancé l'un des manifestants à ses camarades, pendant qu'ils reculaient face à la police, selon le journaliste de l'AFP.

"C'est juste le début de notre combat pour le déloger du pouvoir", a assuré un autre manifestant, Musa Jammeh.

- "Personne ne me forcera à partir" -

Investi par une coalition de l'opposition pour défier le président Yahya Jammeh, qui dirigeait cette ancienne colonie britannique d'une main de fer depuis 22 ans, Adama Barrow a remporté la présidentielle du 1er décembre 2016. Il avait prêté serment à l'ambassade de Gambie à Dakar le 19 janvier 2017, alors que Yahya Jammeh se résignait à partir en exil après une intervention politico-militaire régionale.

Selon la charte fondatrice de la "Coalition 2016", le nouveau président devait diriger un gouvernement provisoire pendant trois ans, avant d'organiser une nouvelle élection à laquelle il ne pourrait pas se présenter.

Fin septembre, une partie de la coalition a accepté qu'il aille au bout de son mandat de cinq ans. Mais deux partis de la coalition, dont l'UDP, principale formation du pays et ex-parti d'Adama Barrow, n'ont pas adhéré à ce changement.

Adama Barrow a toutefois assuré récemment que "personne ne pourra (le) forcer à quitter la présidence avant 2021".

Des milliers de partisans de Yahya Jammeh ont manifesté jeudi pour réclamer son retour d'exil, tandis que des centaines de personnes réunies à l'appel d'associations de victimes de son régime ont défilé samedi dans les rues de Banjul pour demander qu'il soit traduit en justice, notamment pour crimes contre l'humanité.