Afghanistan : un ancien chef de guerre appelle à manifester contre la réélection de Ghani

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Le vice-président afghan Abdul Rashid Dostum, un ancien chef de guerre très influent sur la scène politique locale, a appelé mercredi ses partisans à descendre dans la rue pour protester contre la réélection du président Ashraf Ghani.

"En tant que votre chef, (...) je vous demande de soutenir le Dr Abdullah de toute votre (force)", a déclaré cet allié du chef de l'exécutif Abdullah Abdullah, candidat malheureux à la présidentielle de septembre.

L'annonce des résultats mardi par la Commission électorale indépendante, qui accorde 50,64% des voix à Ashraf Ghani, contre 39,52% à M. Abdullah, constitue "un coup d'Etat", a-t-il lancé à ses partisans dans son fief de Jawzjan (Nord).

M. Dostum leur a ensuite demandé de "descendre dans la rue pour célébrer la victoire" d'Abdullah Adullah, qui a revendiqué la victoire mardi et annoncé qu'il formerait son propre gouvernement.

Abdul Rashid Dostum, puissant dirigeant ouzbek, est réputé pour sa barbarie extrême et ses changements de loyauté. Il soutenait Ashraf Ghani lors du précédent scrutin, malgré les crimes de guerre rattachés à son nom, notamment le massacre de centaines de prisonniers talibans en 2001 morts asphyxiés.

Plusieurs heures après ses propos, aucun rassemblement massif n'avait toutefois été signalé. Plus généralement, les Afghans ont montré peu d'enthousiasme pour célébrer ou critiquer la réélection de leur président.

La réaction d'Abdullah Abdullah fait craindre une répétition du scénario de 2014, quand il avait déjà contesté les résultats de l'élection, entachée de graves irrégularités, ce qui avait débouché sur une crise constitutionnelle.

"Nous sommes toujours dans une démocratie", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Mariam Safi, avertissant qu'Abdullah Abdullah devrait trouver des justifications juridiques ainsi qu'un soutien populaire pour son action.

"C'est un énorme point d'interrogation... (dans) les prochains jours, nous allons commencer à voir quelques signes qui pourraient indiquer vers où tout cela se dirige", a-t-elle ajouté.

Un autre seigneur de guerre, Gulbuddin Hekmatyar, également candidat malheureux à la dernière présidentielle, a aussi qualifié les résultats de "totalement non valides" lors d'un discours mercredi. Il a par ailleurs appelé à la formation d'un gouvernement "inclusif" dont les talibans feraient partie, sans mentionner Abdullah Abdullah.

Le président Ghani, apparu à la Commission électorale indépendante pour y recevoir un document attestant de son succès, n'a pas commenté ces critiques.

La Fondation pour une élection transparente en Afghanistan, un observateur indépendant, a de son côté qualifié l'annonce des résultats de "mal réfléchie", soulignant le nombre élevé de plaintes non résolues encore en cours d'examen.

L'issue de la présidentielle de septembre 2019 a été annoncée mardi avec trois mois de retard en raison notamment du dépôt par les candidats de 16.500 plaintes pour irrégularités.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a appelé M. Ghani "pour le féliciter", ont indiqué mercredi ses services dans un communiqué. "L'Union européenne prend bonne note des résultats finaux du processus électoral (...) et a hâte de travailler avec la nouvelle administration de M. Ghani" et "M. Borrell a salué l'engagement du président Ghani de former une gouvernement de rassemblement", selon ce communiqué.

"Bien que ce soit aux Afghans de décider du résultat des élections, notre priorité - et ce que nous pensons être la priorité pour la plupart des Afghans - reste la paix et le processus de paix", a commenté Molly Phee, adjointe de l'envoyé américain pour la paix Zalmay Khalilzad, mardi soir à Washington.

Les Etats-Unis continuent de négocier en parallèle un accord avec les insurgés en vue d'un retrait des troupes américaines d'Afghanistan, en échange notamment de garanties sécuritaires.

Un tel accord est imminent, a assuré mardi à l'AFP un cadre taliban basé au Pakistan.

A Doha, un haut responsable afghan a dit que la signature pourrait intervenir le 29 février dans la capitale qatarie, si la "réduction des violences" annoncée par les Américains et les insurgés intervient.