RDC: en Ituri, les massacres continuent loin de Kinshasa

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La province de l'Ituri dans le nord-est de la République démocratique du Congo a été dimanche le théâtre d'une nouvelle tuerie d'au moins 20 civils, qui viennent s'ajouter aux près de 1.000 victimes et aux dizaines de milliers de déplacés depuis décembre 2017.

Des hommes, des femmes et des enfants ont été massacrés en pleine nuit avec diffétentes armes, dont des machettes, par les assaillants dans cette province où quelques notables dénoncent l'indifférence des autorités de Kinshasa à 2.000 km de là.

"Nous enregistrons pour le moment 20 personnes tuées et 17 autres blessées dont certaines ont été admises à l'hôpital", a déclaré à un correspondant de l'AFP l'Administrateur du territoire de Djugu, Adel Alingi.

Une autre source au sein de l'administration locale avance un bilan de 22 victimes, dont "huit hommes, sept femmes, les autres sont des enfants".

"Les victimes sont de tous âges confondus, enfants, jeunes, femmes et vieillards, tués à la machette, au couteau, avec des armes à feu", confirme un chef coutumier, Pilo Mulindro, joint par le correspondant de l'AFP.

Une photo d'enfants découpés en morceaux a circulé plusieurs fois sur Twitter.

Au moins 274 personnes ont été massacrées et 200.000 autres ont fui les violences depuis le début de l'année, a estimé l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) le 8 mai.

Le 10 janvier, un rapport conjoint de la Mission des Nations Unies au Congo (Monusco) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme recensait au moins 701 personnes tuées depuis fin 2017.

"Nous avons pu confirmer les crimes contre l'humanité", avait déclaré la Haute commissaire aux droits de l'homme Michèle Bachelet en visite en Ituri le 23 janvier.

Les tueries sont attribuées à une milice ethnico-religieuse, la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco).

- "Actes terroristes et génocidaires" -

La Codeco prétend défendre les intérêts d'une communauté, les Lendu, majoritairement agriculteurs. Les victimes sont en majorité des membres de la communauté hema, principalement agriculteurs et commerçants.

C'est ce qui s'est passé dimanche: les miliciens ont attaqué une chefferie hema, a détaillé l'administrateur du territoire. Les assaillants venaient d'un territoire lendu, a indiqué une source de la société civile, Charité Banza.

Les violences ont lieu en territoire de Djugu, où les villages et les terres des deux communautés sont imbriqués les uns dans les autres.

"Nous avons poursuivi ces hors-la-loi", assure un porte-parole de l'armée congolaise, qui dénonce "les actes terroristes et génocidaires" des Codeco.

"C'est une milice émanant de la population civile. Ils se retirent dans leur communauté" après leurs tueries, ajoute ce porte-parole, le lieutenant Jules Ngongo, joint par l'AFP.

"Aucune armée au monde ne peut être partout dans une zone comme Djugu", affirme-t-il en demandant à la population de collaborer avec l'armée par des systèmes d'alerte. Le territoire de Djugu s'étend sur un peu plus de 8.000 km2.

Deux bataillons onusiens sont également présents dans la province de l'Ituri. Ils ont été renforcés par des "forces spéciales de réserve uruguayennes", avait indiqué la Monusco le 28 avril.

"La mission de ces Casques bleus est de venir en appui à la police congolaise et à l'armée congolaise pour sécuriser les populations de plusieurs entités victimes des exactions des miliciens", précisait la Monusco.

Les Casques bleus font des patrouilles et ont évacué des soldats congolais blessés la semaine dernière.

Cette semaine, des parlementaires de l'Ituri ont rencontré les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les interpeller sur la situation sécuritaire dans leur province.

Entre 1999 et 2003, des dizaines de milliers de personnes avaient été tuées en Ituri dans un conflit entre des milices hema et lendu.

Les violences ont repris fin 2017. Contrairement à la guerre de 1999-2003, la communauté hema n'a pas reconstitué de milices pour répondre aux violences attribuées à la Codeco.

La communauté hema "dans sa majorité, s'est jusqu'ici abstenue de lancer des représailles", avait souligné la Haute commissaire aux droits de l'homme lors de sa visite en janvier.

Récemment sorti de prison après avoir purgé sa peine prononcée par la Cour pénale internationale (CPI), un ancien chef de guerre actif en Ituri, Thomas Lubanga, a appelé ses "frères" du Codeco "à arrêter leur entreprise criminelle".