Allemagne : un ex-officier syrien de haut rang nie tout rôle dans la torture

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Un ancien officier de haut rang des services de renseignement syriens, jugé en Allemagne pour crimes contre l'humanité, a nié lundi sa responsabilité présumée dans la mort et la torture de détenus dans un centre de détention de Damas qu'il commandait.

Près d'un mois après l'ouverture de ce procès historique des exactions imputées au régime de Bachar al-Assad, Anwar Raslan, 57 ans, s'est pour la première fois exprimé devant le tribunal de Coblence.

Cet homme, présenté comme un ex-colonel de la Sûreté d'Etat, a affirmé "n'avoir ni frappé, ni torturé" de détenus dans le centre de détention damascène Al-Khatib, dit branche 251, dont il avait la charge jusqu'en septembre 2012.

"Je n'ai jamais agi de manière inhumaine", a-t-il assuré dans une déclaration écrite lue pendant plus de 90 minutes à tour de rôle par ses avocats Michael Böcker et Yorck Fratzky.

L'accusé, qui encourt la réclusion à perpétuité, a insisté sur le fait qu'il avait au contraire "aidé à libérer" de nombreux prisonniers, des personnes arrêtées dans le cadre du soulèvement contre le régime à partir de mars 2011.

Des milliers de Syriens étaient descendus dans les rues pour réclamer la démocratie dans un pays tenu d'une main de fer par les Assad depuis près de 40 ans.

- Vitre en plexiglas -

Placé derrière une vitre en plexigas en raison de la pandémie liée au nouveau coronavirus, Anwar Raslan, moustache grise et fines lunettes, a écouté avec grande attention la traduction simultanée en arabe.

Anwar Raslan doit répondre de la mort de 58 personnes, de la torture d'au moins 4.000 autres, d'un viol et de sévices sexuels aggravés dans le centre de détention Al-Khatib entre le 29 avril 2011 et le 7 septembre 2012.

Revenant en détail sur les accusations dont il fait l'objet de la part de 24 témoins survivants interrogés par les enquêteurs allemands, il a systématiquement écarté toute responsabilité, notamment dans le viol d'une détenue. "C'est contre notre morale, contre notre religion", a-t-il assuré.

- "Discussion amicale" -

Il a par exemple décrit l'interrogatoire d'une actrice syrienne interpellée dans une manifestation comme "une discussion amicale dans mon bureau" au cours de laquelle il lui a fait part de "sa grande admiration pour son travail".

Or le Parquet général l'accuse d'"avoir eu parfaitement connaissance de l'ampleur des tortures et notamment du fait que des détenus mouraient en raison des violences massives" perpétrées.

Anwar Raslan a insisté sur le fait qu'il avait fait défection et fui la Syrie fin 2012 avant de rejoindre l'Allemagne le 26 juillet 2014.

"Je suis devenu un réfugié parce que je n'ai pas cautionné et n'ai pas voulu cautionner" les exactions commises par le régime syrien, a-t-il conclu, exprimant "ses regrets et sa compassion" à toutes les victimes d'une guerre qui a fait quelque 380.000 morts en neuf ans et des dizaines de milliers de disparus.

Jugé avec un autre ancien membre des services de renseignement, Eyad al-Gharib, il assure avoir rejoint l'opposition syrienne et participé à des pourparlers de paix en 2014 à Genève.

- "Abattoir humain" -

De nombreuses ONG dénoncent depuis des années la torture pratiquée dans les centres de détention du régime syrien, Amnesty International évoquant même un "abattoir humain" dans la prison de Saidnaya à Damas.

Les victimes, entendues par les enquêteurs allemands, ont décrit les tortures auxquelles elles ont été soumises : flagellation, électrochocs, brûlures de cigarettes, coups dans les parties génitales.

D'autres ont été frappées sur les plantes des pieds avec un tel acharnement qu'elles ne pouvaient plus marcher, d'autres encore ont été encastrées de force dans des pneus de sorte qu'elles ne pouvaient pas se protéger des coups.

"C'est une déclaration absolument insuffisante", a déploré l'un des avocats des parties civiles, Patrick Kroker. "Il n'a pas dit un seul mot de la situation générale dans la branche (251)", a-t-il ajouté, tandis que pour l'ONG ECCHR, qui soutient 17 victimes, l'accusé a "tenté de minimiser" son rôle.

Ce procès historique, qui pourrait s'étaler sur deux ans, marque, selon des ONG, un tournant, à un moment où le régime syrien continue de commettre des exactions en toute impunité.