Le Congrès américain ouvre un nouveau front avec Pékin sur les droits des Ouïghours

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Le Congrès américain a adopté mercredi une proposition de loi pour sanctionner des responsables chinois accusés de "l'internement de masse" des musulmans ouïghours, qui risque d'envenimer encore davantage des relations déjà tendues à l'extrême entre Washington et Pékin.

Ce vote intervient dans un climat explosif: l'administration de Donald Trump vient de conclure formellement que Hong Kong ne jouit plus de l'autonomie promise par la Chine, ce qui ouvre la voie à une remise en cause des avantages commerciaux accordés par les Etats-Unis à l'ex-colonie britannique.

La Chambre des représentants a voté le texte en faveur des droits des Ouïghours à l'écrasante majorité de 413 voix pour et seulement une contre. Le Sénat l'avait déjà approuvé à l'unanimité mi-mai.

Reste à savoir si Donald Trump promulguera la loi dans la foulée.

"Nous regardons ça de très près", avait seulement répondu mardi le président des Etats-Unis, laissant planer le suspense.

Il peut théoriquement y opposer son veto, mais le Congrès pourrait réunir la majorité qualifiée pour passer outre, tant le sujet dépasse, une fois n'est pas coutume, les clivages partisans à Washington.

S'il signe le texte, la colère de la Chine est assurée. En décembre, lors d'un premier vote, elle avait promis d'en faire "payer le prix" aux Etats-Unis.

- "Actes barbares" -

La proposition de loi reprend des accusations déjà émises par l'administration Trump comme par d'autres pays occidentaux et les organisations internationales de défense des droits humains.

A savoir que le gouvernement chinois a perpétré "des violations graves des droits humains" dans la province du Xinjiang, dans le nord-ouest du pays, en instaurant "la surveillance et l'internement de masse de plus d'un million de Ouïghours et membres des ethnies kazakhe ou kirghize ou d'autres minorités musulmanes".

"Les personnes détenues dans les camps d'internement" ont "décrit un endoctrinement politique forcé, torture, violences, privation de nourriture et négation des libertés religieuse, culturelle et linguistique", affirment les élus américains.

Ils demandent au gouvernement des Etats-Unis de désigner dans les 180 jours les responsables au sein des autorités chinoises, et de leur imposer des sanctions financières et des interdictions de visa.

La loi "tient le Parti communiste chinois pour responsable d'actes monstrueux", a estimé son auteur, le sénateur républicain Marco Rubio, un proche allié du président Trump. Le texte cite nommément Chen Quanguo, le chef du Parti communiste dans le Xinjiang.

La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a elle dénoncé "les actes barbares de Pékin contre les Ouïghours", qui "sont insupportables pour la conscience collective du monde".

La Chine nie toute atteinte aux droits et tout internement dans cette région et évoque des "centres de formation professionnelle", destinés à éloigner la population de la tentation de l'islamisme et du terrorisme.

- Hong Kong, autre front -

Souvent silencieuse sur la question des droits humains dans le monde, l'administration Trump s'est en revanche rapidement saisie du sort des Ouïghours, au nom de la liberté de religion dont elle a fait sa priorité en la matière.

Dénonçant "l'horrible campagne de répression", elle a multiplié les réquisitoires implacables contre la Chine, qu'elle considère comme son principal rival stratégique sur le long terme.

Et elle a déjà annoncé des sanctions, toutefois limitées, contre certaines entités chinoises.

Mais le Congrès, réputé pour sa ligne dure à l'égard du géant asiatique, réclame des mesures punitives plus fermes pour ce qu'une commission parlementaire américaine a qualifié de "crimes contre l'humanité".

Donald Trump pourrait brandir cette nouvelle menace de sanctions comme moyen de pression dans sa confrontation qui fait rage avec Pékin.

Le milliardaire républicain a haussé le ton en accusant la Chine d'être responsable de la propagation du nouveau coronavirus à travers la planète, et a promis des représailles.

Son secrétaire d'Etat Mike Pompeo a officiellement conclu mercredi que Hong Kong ne jouit plus de l'autonomie promise par les autorités chinoises, en riposte à une loi sur la sécurité très controversée que le Parlement chinois veut imposer à l'ex-colonie britannique.

Là aussi, des sénateurs américains appellent à aller plus loin et veulent adopter leurs propres sanctions contre des responsables chinois.