Mali: le mouvement de contestation persiste et appelle à un nouveau rassemblement à risques

2 min 38Temps de lecture approximatif

Le mouvement de contestation qui réclame le départ du pouvoir en place au Mali a donné mardi un nouveau rendez-vous à risques en appelant à un rassemblement "de recueillement" vendredi, une semaine après une manifestation ayant dégénéré en trois jours de troubles qui ont fait au moins 11 morts.

Malgré les tensions, les responsables du mouvement dit du 5-Juin (M5) n'ont délivré aucun signe de vouloir transiger et ont maintenu leur exigence d'une démission du président Ibrahim Boubacar Keïta, surnommé IBK, ainsi que le mot d'ordre de la "désobéissance civile".

"Celui qui a demandé qu'on vienne nous tuer n'est plus notre président", a dit en conférence de presse l'un des chefs de file du M5, Mountaga Tall, qui avait été arrêté avant d'être relâché, comme d'autres leaders, dont Issa Kaou Djim.

"Je n'ai pas peur d'IBK et notre détermination sera encore plus grande qu'avant. C'est pour la libération du Mali", a dit Issa Kaou Djim.

Bamako, préservée en temps normal des violences jihadistes et intercommunautaires qui endeuillent le nord et le centre du pays, a été la proie entre vendredi et dimanche de ses troubles civils les plus graves depuis 2012, point culminant de plusieurs semaines d'une crise qui alarme les alliés et les voisins du Mali.

Les violences ont commencé vendredi à l'issue d'un rassemblement, le troisième à l'appel du M5 depuis juin, mais le premier sous le signe de la "désobéissance civile". Un climat quasiment insurrectionnel s'est propagé à plusieurs quartiers, dont Badalabougou, fief de la principale figure du mouvement, l'imam Mahmoud Dicko, et théâtre samedi soir de scènes de guerre.

Le gouvernement parle de 11 morts. La contestation évoque un bilan plus lourd. Le M5 a dit mardi son intention de demander l'intervention de la Cour pénale internationale pour faire juger les responsables de ces morts. La CPI ne peut toutefois pas être saisie par une organisation.

- "Recueillement et prière" -

Un calme précaire est progressivement revenu, mais la confrontation laisse chaque camp face à des décisions lourdes de conséquences.

C'est dans un contexte volatil que le M5 a décidé d'appeler à prier à la mémoire des morts vendredi à 14H00 (locales et GMT) au monument de l'Indépendance.

"C'est un rassemblement de recueillement et de prière", a dit Mountaga Tall.

Le M5, coalition hétéroclite de personnalités religieuses, du monde politique et de la société civile, s'est agglomérée autour de l'imam Dicko, éminente figure publique et farouche adversaire du pouvoir, après les législatives contestées de mars-avril.

Le mouvement canalise les mécontentements multiples, contre la dégradation sécuritaire et l'incapacité à y faire face, le marasme économique et social, la défaillance de l'Etat, ou le discrédit répandu d'institutions suspectes de corruption.

Le président a tenté différentes ouvertures: offre de gouvernement d'union nationale, dissolution de la Cour constitutionnelle, législatives partielles là où la Cour constitutionnelle avait invalidé les résultats initialement proclamés en avril. Cette invalidation est considérée comme un déclic.

Dans ce qui est vu comme un geste d'apaisement, les autorités, après avoir réprimé la révolte, ont relâché dimanche soir et lundi les opposants arrêtés.

Mais aucune des ouvertures du président n'a dissipé la fièvre. La communauté internationale s'alarme de cette escalade à l'issue imprévisible dans un pays déjà confronté au jihadisme, aux violences de toutes sortes et à la pauvreté, et dans une région elle-même tourmentée.

Elle s'emploie discrètement à désamorcer la crise. Dimanche soir, les représentants de l'Union africaine, de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), de l'ONU et de l'UE au Mali avaient réitéré les préconisations récentes d'une mission de bons offices de la Cédéao: formation d'un gouvernement d'union, organisation de législatives partielles.

La présidence malienne a annoncé la venue, mercredi, d'une mission de la Cédéao conduite par l'ancien président du Nigeria Jonathan Goodluck et composée de présidents de Cours constitutionnelles.