Kosovo et Serbie reprennent un dialogue compliqué, l'UE demande un esprit de compromis

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La Serbie et le Kosovo ont repris jeudi à Bruxelles leur dialogue après des mois d'interruption et de crises répétées, mais le chemin vers une normalisation de leurs relations est jonché d'obstacles.

"J'attends un dialogue constructif", a annoncé le chef de la diplomatie européenne, l'Espagnol Josep Borrell, facilitateur de ce dialogue entre les frères ennemis.

Le premier ministre kosovar Avdullah Hoti est arrivé le premier à Bruxelles pour une bilatérale avec Josep Borrell, a annoncé sa porte-parole. Une seconde bilatérale était ensuite planifiée avec le président serbe Aleksandar Vucic avant la réunion de travail à trois.

"J'encourage les deux parties à aborder les discussions d'aujourd'hui dans un esprit de compromis et de pragmatisme et en gardant à l'esprit l'avenir européen de leurs populations au Kosovo et en Serbie", a déclaré Josep Borrell.

L'Espagnol s'est félicité de pouvoir faciliter ce dialogue. "Je suis heureux de constater que l'Union européenne est de nouveau aux commandes du processus", a-t-il déclaré.

Vieux de plus de deux décennies, insoluble depuis la dernière des guerres ayant déchiré l'ex-Yougoslavie (1998-99), le conflit entre serbes et kosovars reste un danger pour la stabilité du Vieux Continent.

Belgrade ne reconnaît pas l'indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province méridionale, majoritairement peuplée d'Albanais. Des accords de normalisation conclus en 2013 sont restés pour la plupart lettre morte.

- L'Indépendance, cause de divisions -

Le Kosovo est reconnu comme Etat indépendant par la plupart des Occidentaux, mais cinq des 27 membres de l'UE (Espagne, Roumanie, Grèce, Chypre et Slovaquie) refusent cette reconnaissance et ni la Russie ni la Chine ne l'ont acceptée, ce qui ferme de facto les portes de l'ONU à ce territoire de 2 millions d'habitants. Côté serbe, le dossier est un obstacle dans son processus d'adhésion à l'UE.

La rencontre de Bruxelles est la première rencontre officielle depuis le printemps 2019 et l'échec d'un sommet à Berlin entre Aleksandar Vucic et son homologue kosovar Hashim Thaçi. Personnage central de la politique kosovare depuis l'indépendance, ce dernier est hors-jeu en raison des accusations de crimes de guerre le visant.

Mais le rapport de forces est déséquuilibré. Avdullah Hoti est "un novice en négociations" et dirige un gouvernement faible qui "ne bénéficie pas du soutien de sa population", souligne l'analyste politique de Pristina Imer Mushkolaj.

Aleksandar Vucic semble omnipotent, avec un Parlement sans opposition, laquelle a boycotté les dernières législatives, et les principaux médias à sa main.

Mais cette hégémonie est paradoxalement son "point faible", car elle entraîne "une responsabilité absolue", explique l'analyste politique serbe Aleksandar Popov: "Cela va être compliqué pour Vucic de convaincre ses partenaires étrangers qu'il n'est pas en mesure de faire passer quelque chose au parlement, ou de faire bouger l'opinion publique".

La reconnaissance de son indépendance est un préalable pour Pristina. "La normalisation des relations" ne peut passer que par là, a prévenu Avdullah Hoti.

Le sujet est hautement inflammable. Pour de nombreux Serbes, "le Kosovo c'est la Serbie", leur berceau historique et culturel.

Cette reconnaissance est surtout un trompe-l'oeil, la partie émergée de questions à résoudre: quel statut pour les zones où vivent les quelque 120.000 Serbes du Kosovo; quelles réparations pour les déplacés et pour les familles des disparus du conflit entre forces serbes et rébellion indépendantiste kosovare albanaise; quid des réparations de guerre exigées par le Kosovo; quel statut pour les sites religieux orthodoxes, etc.

"Notre route vers une adhésion à l'UE dépend de ces discussions, les investissements étrangers dépendent de ces discussions", a dit Aleksandar Vucic. "En même temps nous devons tenir compte de notre peuple au Kosovo et sauvegarder nos intérêts vitaux. Cela ne sera pas facile", a-t-il ajouté.

Annonçant un "automne difficile" pour le Kosovo avec une "crise sanitaire et économique" en raison de la pandémie, et de possibles remous politiques en cas d'inculpation formelle d'Hashim Thaçi, le fondateur du quotidien indépendant Koha Ditore, Veton Surroi, juge que cette fragilité serait "significativement aggravée par un processus de négociation avec la Serbie".

La guerre du Kosovo a fait plus de 13.000 morts, des Albanais pour la plupart. Elle s'est terminée quand une campagne occidentale de bombardements a contraint les forces serbes à se retirer.