Génocide au Rwanda: un deuxième médecin rwandais renvoyé aux assises en France

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Condamné par contumace au Rwanda mais résidant en Belgique, le médecin rwandais Eugène Rwamucyo a été renvoyé devant les assises par des juges français pour génocide et crime contre l'humanité, vingt-six ans après les massacres contre la minorité tutsi dans ce petit pays d'Afrique.

Treize ans après une plainte déposée notamment par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), les juges d'instruction du pôle "crimes contre l'humanité" du tribunal de Paris ont ordonné mardi un procès contre cet homme aujourd'hui âgé de 61 ans.

Ils souhaitent qu'il comparaisse pour "génocide", "crime contre l'humanité", "complicité" de ces crimes et "association de malfaiteurs" en vue de la préparation de ces derniers, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

Il s'agit du septième homme renvoyé devant la cour d'assises de Paris pour participation au génocide rwandais qui a fait environ 800.000 morts, essentiellement des Tutsi, entre avril et juillet 1994.

Trois hommes ont à ce jour été jugés et définitivement condamnés. Un ancien chauffeur d'hôtel, Claude Muhayimana, doit comparaître pour complicité de génocide en février, tandis qu'un autre médecin, Sosthène Munyemana, et un ex-préfet, Laurent Bucyibaruta, ont fait appel de leur ordonnance de renvoi et attendent encore l'issue de ces recours.

"Mon client conteste formellement les accusations", a réagi auprès de l'AFP son avocat, Me Philippe Meilhac, qui a annoncé vouloir faire appel de l'ordonnance. "Si toutefois un procès devait se tenir, Eugène Rwamucyo l'affrontera avec sérénité", a-t-il ajouté.

"Malgré les lenteurs de la justice que nous ne cessons de dénoncer, ces décisions ne peuvent que nous conforter dans notre détermination à ce que tous ceux qui auraient participé au génocide des Tutsi et qui croyaient pouvoir se faire oublier en France puissent enfin comparaître devant la justice des hommes", a réagi dans un communiqué le CPCR, association oeuvrant pour la traduction en justice des suspects du génocide.

"Nous sommes très satisfaits de cette décision", a commenté auprès de l'AFP Alain Gauthier, cofondateur du CPCR. "Cela faisait des années que nous avions déposé plainte".

C'est à la suite de cette dernière qu'une instruction avait été ouverte en 2007 à Lille (nord), puis dépaysée à Paris l'année suivante.

- Extradition refusée -

M. Rwamucyo est notamment accusé par Kigali d'avoir participé à des réunions de responsables génocidaires à Butare (sud du Rwanda) en 1994, dont l'une sous l'égide du Premier ministre de l'époque, Jean Kambanda, condamné à la perpétuité par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).

Il est aussi soupçonné d'avoir dirigé les opérations d'enfouissement en masse de corps de civils Tutsi lors des massacres commis entre avril et juillet 1994, et ordonné l'achèvement et l'enterrement de survivants, selon des éléments de l'ordonnance des juges dont l'AFP a eu connaissance.

"Mon client était médecin hygiéniste dans la région de Butare et à ce titre, il était chargé de l'ensevelissement des corps", a expliqué Me Meilhac. "Maintenant on lui reproche d'avoir profité de cette mission indispensable pour s'en prendre à des survivants", a-t-il regretté.

M. Rwamucyo a été condamné par contumace en 2007 au Rwanda à perpétuité.

Médecin à l'hôpital de Maubeuge (Nord), il avait été suspendu en octobre 2009 lorsque la direction de l'établissement avait appris qu'il était visé par un mandat d'arrêt international émis par Kigali. Il avait ensuite été licencié.

En application de ce mandat, M. Rwamucyo avait finalement été interpellé en mai 2010 à Sannois en région parisienne alors qu'il venait d'assister aux obsèques d'un autre Rwandais, Jean-Bosco Barayagwiza, cofondateur de la Radio télévision libre des Mille-Collines, la radio extrémiste anti-tutsis.

La cour d'appel de Versailles s'était cependant opposée en septembre 2010 à son extradition, ordonnant sa remise en liberté.

Il avait été mis en examen une première fois en 2013 pour "participation à une entente en vue de commettre le crime de génocide", puis en 2018 pour "génocide" et "crimes contre l'humanité", et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de sortir de l'espace Schengen.