RDC: l'ex-chef de guerre Sheka condamné à perpétuité pour crimes de guerre et viols de masse

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En proie à l'insécurité depuis plus de 25 ans, l'Est de la République démocratique du Congo a marqué lundi un point contre "l'impunité" des groupes armés avec la condamnation à perpétuité d'un chef de guerre pour des atrocités sur des civils dans les années 2010.

Ntabo Ntaberi, alias "Sheka", a été condamné pour "meurtre, viol, esclavage sexuel, enrôlement d'enfants de moins de 15 ans", par un tribunal militaire à Goma, au terme d'un procès qui a duré deux ans.

La défense n'a pas fait savoir si elle ferait appel ou non.

"Sheka" est l'ex-chef de guerre du groupe armé Nduma Defense of Congo (NDC), une milice qui prétend lutter contre les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dans plusieurs territoires du Nord-Kivu.

Avec trois co-accusés, il était poursuivi pour des crimes graves contre les civils, notamment des femmes et des enfants entre 2010 et 2017 dans le territoire de Walikale.

"Entre le 30 juillet et le 2 août 2010, des attaques contre 13 villages (...) avaient fait 287 morts, alors que 380 femmes, hommes et enfants avaient aussi été violés. Le NDC a, en outre, recruté au moins 154 enfants dans ses rangs", selon le communiqué des Nations unies qui avait mené une enquête.

"L'impunité n'est pas une fatalité", s'est félicitée la représentante des Nations unies en RDC Leïla Zerrougui.

"Sheka" s'était rendu aux Casques bleus de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) en juillet 2017.

Son procès a démarré en novembre 2018 devant le tribunal militaire du Nord-Kivu. Le procureur avait requis, en août, une peine de prison à vie contre Sheka est ses trois co-accusés.

Parmi les trois co-accusés, l'un a également été condamné à perpétuité, un autre à 15 ans de prison et le dernier a été acquitté, selon ce verdict rendu par la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu.

- "Signal fort" -

"Nous sommes satisfaits de ce verdict, c'est un signal fort pour les autres seigneurs de guerres (...) Les victimes seront un peu soulagées", a réagi auprès de l'AFP Me Kahindo Fatuma, porte-parole du collectif des victimes.

"Les autorités ont prouvé aujourd'hui qu'elles étaient capables de mener à bout une affaire incroyablement complexe, tant juridiquement que d'un point de vue sécuritaire", a déclaré dans un communiqué Daniele Perissi, responsable du programme Grands Lacs de l'ONG TRIAL International.

La condamnation de Sheka "marque un pas important dans la lutte contre l'impunité au Congo et témoigne du courage des survivants et activistes qui se sont battus pour obtenir justice malgré les risques encourus", a estimé Thomas Fessy, chercheur principal pour le Congo à Human Rights Watch.

Le NDC existe toujours sous le nom de NDC-Rénové.

En juillet dernier, une fraction du NDC-R a renversé le chef du mouvement, Guidon Shimiray Mwissa, en l'accusant de "violations graves". Les nouveaux dirigeants du mouvement affirmaient aussi leur volonté de "déposer les armes".

Des dizaines de groupes armés sont encore en activité dans l'Est de la RDC. "Près de 1.300 civils ont été tués dans divers conflits entre des groupes armés et des forces de sécurité en République démocratique du Congo (RDC) au cours des huit derniers mois", avait indiqué les Nations unies en juin, au sujet des trois provinces de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Le groupe le plus redoutable est sans doute les Forces démocratiques alliées (ADF), accusées d'avoir tué au moins 811 civils dans la région de Beni depuis le 31 octobre 2019.