Ethiopie: les dirigeants du Tigré localisés et dans la ligne de mire, selon Abiy

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Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a prévenu lundi les dirigeants de la région dissidente du Tigré, en fuite après la prise de leur capitale Mekele, qu'ils étaient dans la ligne de mire de l'armée, après plus de trois semaines de conflit.

M. Abiy a répondu durant près de quatre heures aux questions des députés lundi, au surlendemain de sa victoire militaire proclamée contre les forces du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti qui dirigeait cette région du Nord du pays après avoir longtemps détenu le pouvoir réel à Addis Abeba.

Prix Nobel de la paix en 2019 devenu chef de guerre, M. Abiy a envoyé l'armée au Tigré le 4 novembre afin de remplacer par "des institutions légitimes" les autorités régionales qui défiaient depuis des mois l'autorité de son gouvernement.

Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo l'a appelé lundi à une "cessation totale des combats" et à permettre "un accès humanitaire sans entrave" dans la région du Tigré.

"Il est essentiel de résoudre le conflit en cours et de maintenir l'Ethiopie sur le chemin de la démocratie", a souligné le secrétaire d'Etat américain sur Twitter, après s'être entretenu au téléphone avec le chef du gouvernement éthiopien.

Samedi soir, Abiy Ahmed avait annoncé que l'armée avait pri le contrôle de Mekele, la capitale régionale, où étaient retranchés les dirigeants de la région, désormais "pourchassés" pour être traduits en justice.

"Je veux qu'ils m'entendent: hier (dimanche) soir, vers minuit, nous voyions depuis la salle de crise de l'agitation dans la zone qui va de Hagere Selam à Abiy Addi", deux localités situées à une cinquantaine de km à l'ouest de Mekele, a lancé lundi, aux dirigeants du TPLF, M. Abiy.

- "Mekele est à nous" -

"Nous ne les avons pas attaqués de nuit parce qu'ils ont emmené avec eux dans leur retraite leurs épouses, leurs enfants et nos soldats capturés (...). Mais cela ne va pas continuer", a-t-il expliqué aux élus de la Chambre des représentants du Peuple (chambre basse du Parlement).

Le blackout quasi-total au Tigré depuis le début du conflit rend difficile la vérification indépendante des informations de l'un et l'autre camp.

Depuis samedi, l'AFP n'a pu joindre les dirigeants tigréens. Le TPLF prétend représenter la minorité tigréenne (6% des 110 millions d'Ethiopiens).

Aucun bilan précis de près de quatre semaines de conflit n'est jusqu'ici disponible mais l'International Crisis Group (ICG) a évoqué vendredi "plusieurs milliers de morts dans les combats" dont "de nombreux civils". En outre plus de 43.000 Ethiopiens ont fui le Tigré vers le Soudan voisin.

La communauté internationale s'est maintes fois inquiétée des conséquences pour les civils de l'opération militaire, l'ONU évoquant de possibles "crimes de guerre", mais M. Abiy a assuré lundi que l'armée n'avait fait aucune victime civile en prenant le contrôle de Mekele et d'autres villes tigréennes.

"Mekele est à nous", Ethiopiens, "nous n'allons pas la détruire", a souligné le Premier ministre, affirmant que "pas une seule personne n'a été blessée lors de l'opération à Mekele".

Il a nié les affirmations des autorités tigréennes selon lesquelles les frappes aériennes avaient tué de nombreux civils, assurant que "99% (des projectiles) ont touché leur cible, et 99% n'ont pas causé de dommages collatéraux".

- "Profilage ethnique" -

"Quand nous avons un doute, nous ne tirons pas. Surtout la nuit. Parce que nous ne voulons pas tuer des enfants, ce sont les nôtres", a-t-il expliqué.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rapporté dimanche que les hôpitaux de Mekele, où manquent matériel et médicaments, étaient submergés par les blessés, 24 heures après l'annonce de la prise de la ville, sans préciser si ces blessés étaient militaires ou civils.

La commission éthiopienne des droits de l'homme a fait part lundi de sa "vive préoccupation", après avoir constaté des contrôles par les forces de sécurité, basés sur l'origine communautaire, "en dépit de tout cadre légal autorisant le profilage ethnique".

Lundi, M. Abiy a promis que les réfugiés au Soudan pourraient rentrer rapidement en Ethiopie, alors que certains ont confié à l'AFP sur place avoir peur de rentrer au Tigré sous contrôle des forces gouvernementales.

Depuis que M. Abiy est devenu Premier ministre en 2018, les tensions n'ont cessé de croître avec le TPLF, progressivement écarté du pouvoir après avoir contrôlé durant 30 ans l'appareil politique et sécuritaire du pays.

Elles ont culminé avec l'organisation en septembre au Tigré d'un scrutin qualifié "d'illégitime" par Addis Abeba, puis avec l'attaque de deux bases militaires au Tigré par les forces tigréennes, que le TPLF a démenties.

Aux députés lui demandant pourquoi il n'avait pas agi plus tôt contre le TPLF, M. Abiy a répondu avoir été un temps sous le contrôle étroit de l'appareil sécuritaire aux mains du TPLF.