François Bozizé, puschiste récidiviste et sulfureux ou "homme de paix" ?

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François Bozizé, dont la candidature à la présidentielle de fin décembre en Centrafrique a été invalidée, traîne une réputation sulfureuse: putschiste récidiviste devenu président, puis président renversé par un putsch, son nom est aussi associé aux pires heures de la guerre civile qui sévit depuis sept ans.

Il est notamment accusé par les Nations unies d'avoir sinon fondé du moins soutenu des milices coupables, selon l'ONU, de crimes de guerre et de crimes contre l'Humanité en 2013 et 2014. Le conflit perdure, les groupes armés rebelles contrôlant encore deux tiers du territoire, même si les combats et les crimes contre les civils ont baissé d'intensité depuis 2018.

La Cour constitutionnelle a donc exclu jeudi M. Bozizé du scrutin du 27 décembre, pour lequel il apparaissait le seul en mesure d'inquiéter le sortant Faustin Archange Touadéra, qui brigue un second mandat.

Renversé en 2013 par une coalition de groupes armés dominée par les musulmans, la Séléka, François Bozizé Yangouvonda est accusé notamment par les Nations unies d'avoir organisé une contre-insurrection sanglante depuis son exil, celle des milices anti-balaka majoritairement chrétiennes et animistes. Malgré des sanctions de l'ONU, il est resté populaire pour une frange importante de la population.

Depuis son retour en catimini à Bangui en décembre 2019, ce militaire de carrière --et seul général cinq étoiles du pays--, protestant né au Gabon, était devenu le rival à abattre pour le candidat Touadéra.

Désormais, une question hante les esprits des Centrafricains qui le craignent mais aussi des humanitaires et de certains diplomates: à 74 ans, Bozizé va-t-il capituler ou chercher à conquérir le pouvoir hors les urnes ?

-Aide de camp de Bokassa-

Car en matière de coups de force, celui qui fut promu général et aide de camp par l'empereur Jean-Bedel Bokassa --despote fantasque qui régna de 1966 à 1979 et le chargea notamment de réprimer dans le sang une manifestation de lycéens en 1979-- affiche un CV chargé.

En 1983, ministre de l'Information, Bozizé tente en vain de renverser le président André Kolingba. Réfugié au Bénin, il en est extradé en 1989. Emprisonné deux ans, il réchappe d'une tentative d'assassinat dans sa cellule en 1990.

Le général devient en 1997 chef d'état-major du président Ange Félix Patassé. En 2001, il rate encore un coup d'Etat, quitte Bangui pour le Tchad, puis la France, avant de revenir lancer la rébellion des "libérateurs" et prendre le pouvoir en 2003. Putsch gagnant cette fois.

Son régime, miné par la guerre civile et la corruption, n'a jamais tenu ses promesses, l'insécurité empêchant tout décollage économique.

L'appétit du clan présidentiel pour les diamants du nord-est lui mettra finalement à dos les grandes familles musulmanes de collecteurs, premiers soutiens de la Séléka qui déferle sur Bangui en 2013 et le contraint à l'exil.

Depuis le Gabon puis l'Ouganda, il est accusé de soutenir les anti-balaka, coupables de terribles exactions. En 2014, les Nations unies le placent sous sanctions pour "soutien" aux anti-balaka et l'accusent d'"avoir demandé à ses milices de poursuivre les atrocités" contre les musulmans.

Depuis son retour il y a un an, Bozizé se présente en "homme de paix". "Il n'est plus le même après sept ans d'exil et de solitude, il a à coeur de laisser une autre image", argue Christian Guenebem, secrétaire adjoint de son parti, le Kwa Na Kwa (KNK).

- Inquiétudes occidentales -

Une mue qui peine à convaincre. Les chancelleries occidentales sont peu enclines à voir revenir aux affaires ce personnage sulfureux et clivant, également visé par les plaintes de familles d'opposants assassinés durant son régime.

"C'est l'homme du rapport de force. Quels que soient les événements, il va les tourner à son avantage pour s'imposer au centre du jeu politique", résume un diplomate.

"Bozizé a manoeuvré politiquement et militairement pour son retour au pouvoir, par les urnes ou par la violence", estime même Nathalia Dukhan, spécialiste de la Centrafrique pour l'ONG américaine The Sentry.

Certains chefs des groupes armés sont d'anciens "libérateurs" l'ayant porté au pouvoir en 2003. Issu de l'ethnie Gbaya, l'une des plus importantes du pays, il jouit d'une solide base populaire et compte encore de nombreux fidèles dans l'armée.

Son aura d'ancien chef d'Etat et son autoritarisme séduisent également une frange de la population lassée par l'impunité dont jouissent les milices et qu'elle impute au régime Touadéra.

Mais pour une autre frange, qui n'aspire qu'à la paix et, face à un Touadéra qui privilégie le dialogue, un général revanchard et va-t-en-guerre peut être un repoussoir.